Compte-rendu de la réunion du Conseil scientifique du 9 janvier 2015

Compte-rendu de la réunion du conseil scientifique de l’association
« Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Boulogne-sur-mer
9 janvier 2015

Emmanuel Paris

Présents :

Claire Beugnet, directrice adjointe de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»
Marie-Laure Camus, représentante des enfants et des jeunes de l’association
Jean-Paul Demoule, professeur des universités en archéologie Université Paris 1
Philippe Hazelart, président de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»
Eric Legros, directeur de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale», secrétaire du Conseil scientifique
Arnaud Le Marchand, maître de conférences en sciences économiques Université du Havre
Danielle Maerten, membre du Conseil scientifique de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»
Olivier Martin, professeur des universités en sociologie Université Paris Descartes
Patrick Miquel, directeur de l’Enfance et de la Famille, Conseil Général du Pas-de-Calais
Claire Oger, professeur des universités en sciences de l’information et de la communication, Université Paris-Est Créteil
Emmanuel Paris, directeur adjoint aux affaires culturelles de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale», coordinateur du Conseil scientifique
Eric Parot, ingénieur physicien Schlumberger Ltd, coordinateur France Fondation SEED
Noël Quéré, membre du Conseil d’administration de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale», président du Conseil scientifique de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»
Francis Rembotte, membre du Conseil d’administration de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»
Annick Traguardi, représentante du personnel de l’association

Excusés :

Christine Brognart, membre du Conseil d’administration de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»
Fleur Guy, doctorante en géographie Université Lyon 2
Philippe Sénéchal, membre du Conseil d’administration de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»
Bernard Waclawski, membre du Conseil d’administration de l’association «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale»

Invité :

Jean-Paul Delevoye, président du Conseil Economique, Social et Environnemental

Ouverture de la cinquième séance du conseil scientifique par son président, M. Noel Quéré.

Julien Kleszczowski, doctorant en gestion, Ecole Polytechnique, a informé Emmanuel Paris de sa difficulté à concilier ses obligations professionnelles respectives avec une présence active dans le cadre du Conseil scientifique. En accord avec la charte du Conseil scientifique, M. Julien Kleszczowski présente sa démission de l’instance, et propose de recommander une ou un chercheur pour le remplacer, travaillant sur les mêmes thèmes d’études et de recherches.

I. Inauguration de la séance par M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil Economique, Social et Environnemental :

Les membres du Conseil scientifique se présentent auprès de M. Delevoye, invité de cette séance.

M. Delevoye remercie M. Quéré, président du Conseil scientifique, pour cette invitation à participer aux travaux de l’instance et explique à ses membres les raisons de sa venue. Les travaux du Conseil scientifique revêtent un haut intérêt pour l’institution qui l’accueille ce jour, mais plus encore pour la collectivité nationale en ce qu’il place l’enfant au cœur d’études et de recherches pluridisciplinaires. Jean-Paul Delevoye cite en exemple et à ce propos l’émergence d’études neuroscientifiques sur les enfants âgés de 0 à 3 ans, montrant combien la sécurisation de l’environnement familial configure durablement les capacités cognitives de l’enfant dès son plus jeune âge, et participe de son épanouissement dans la société durant le cours de sa vie.

M. Delevoye précise que cet épanouissement ne dépendra évidemment pas des seules dispositions cognitives du cerveau de l’enfant, vivant ses premières années dans un cadre familial particulièrement sécurisant, mais aussi de la capacité de la société à lui proposer régulièrement et systématiquement des dispositifs d’éveil au monde. Jean-Paul Delevoye voit dans cette articulation profonde entre recherches scientifiques pluridisciplinaires et politiques institutionnelles l’une des conditions d’efficacité des actions menées en faveur de l’enfant dans notre société.
M. Delevoye précise que l’un des enjeux de développement est, à cet égard, une plus grande intégration par l’Education nationale des dispositifs innovants issus des études et recherches scientifiques.

M. Eric Legros informe les membres du Conseil scientifique et M. Delevoye que le colloque organisé chaque année par l’institution dans le cadre de son festival «Les Journées d’Enfance» accueillera le 3 juillet 2015 le neurologue Pierre Lemarquis, auteur de l’ouvrage Portrait du cerveau en artiste, tant son travail permet d’éclairer les effets sur le cerveau d’une stimulation par les activités artistiques et culturelles, soit la politique privilégiée par Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale à l’attention des enfants et les jeunes.

II. Présentation rétrospective de la saison culturelle 2014-2015 :

M. Emmanuel Paris informe les membres du Conseil scientifique des premiers mois de la saison culturelle.

Trois castings de cinéma ont permis aux enfants de présenter aux professionnels de l’image leur expressivité et leur charisme dans le cadre de projets filmiques, et un séminaire d’écriture et de tournage audiovisuel a d’ores et déjà eu lieu avec des cinéastes. Les enfants du «Centre de jour» expérimentent un nouvel apprentissage mensuel en partenariat avec la radio locale Transat FM ; la conception et la réalisation de contenus radiophoniques pour diffusion sur notre Webradio : Happy culture.

Inaugurée comme chaque année à la mi-septembre, cette saison a, dès le 15 octobre 2014, accueilli un concert exceptionnel au Café théâtre Michel Lafond, espace culturel de l’institution, et retransmis par Radio classique : un récital piano/violoncelle proposé aux enfants et aux adultes par Marc Coppey et Aurélien Pontier. Le même jour commençait l’atelier archéologique mensuel organisé en partenariat avec l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP), durant lequel les enfants et les jeunes construisent avec les archéologues des coracles, identifiés par les scientifiques comme parmi les plus anciens navires de l’humanité.

Chaque semaine ces derniers mois, une maîtresse de maison nouvellement retraitée, et une jeune d’une Maison de culture, ont inventorié des archives photographiques d’une des deux associations fondatrices : «Le Refuge Sainte-Anne», devenu par suite «Le Foyer Educatif de la Côte d’Opale». Cette relation de travail régulière entre deux personnes aux âges éloignés autour d’une même activité patrimoniale a été proposée par Claire Beugnet, dans la suite d’une expérimentation observée par M. Legros en Arménie au début des années 1990, et qui avait notamment inspiré le programme éducatif et culturel L’aventure de la vie, matrice de notre politique d’établissement. La volonté est, cette année, d’éprouver plus encore le lien intergénérationnel dans l’acte de création culturelle (la Maison vive inaugure des visites en atelier dans des maisons de retraite du territoire, la résidence d’artiste co-produite avec la DRAC Nord Pas-de-Calais vient de commencer, avec un artiste sexagénaire), tant il permet à l’enfant à la fois de se décentrer de son ego, et de découvrir en la personne d’un autre âge des catégories d’émotions qu’il ne connaît pas et qui lui apprennent du monde dans lequel il vit.

Le 30 octobre 2014, les enfants du «Centre de jour» ont proposé au public de la salle de spectacle boulonnaise «La Faïencerie» une représentation théâtrale d’une œuvre écrite avec leurs éducateurs et leur professeur d’atelier théâtre : La valeur des mots, dans le cadre d’une journée organisée par le Conseil Général du Pas-de-Calais pour honorer la journée internationale des droits de l’enfant.

Le 20 novembre 2014, les Maisons de culture de l’institution ont animé tout au long de la journée le Musée de Boulogne-sur-mer, dans le cadre d’une convention annuelle de partenariat exclusive signée avec cette institution muséale et la mairie. Ces animations (exposition arts plastiques, chorégraphies, concerts, démonstrations d’archéologie expérimentale et activité sportive) ont été spécialement conçues et réalisées, en à peine deux mois, par les enfants avec leur professeur d’atelier, et au sujet d’un thème demandé par le Musée : un dialogue avec les masques Sugpiak d’Alaska exposés en son sein. Cette réactivité a notamment été rendue possible par la création au sein de l’institution de comités de pilotage thématiques, composés de représentants des enfants, des personnels de l’institution et des institutions culturelles partenaires. La participation obligatoire des enfants et des jeunes aux ateliers artistiques et culturels bi-hebdomadaires de leur Maison de culture a sans aucun doute joué aussi un rôle facilitant une telle entreprise.

M. Eric Legros insiste sur l’efficacité des outils mis en place, permettant désormais d’instituer les enfants et les jeunes acteurs culturels du territoire, et ce y compris dans des projets aux contraintes élevées (en l’espèce s’agissant des masques d’Alaska : temps restreint, découverte et apprentissage d’un thème exotique).
M. Legros propose un second exemple de cette imprégnation de la culture comme levier éducatif dans le corps institutionnel des Maisons des Enfants de la Côte d’Opale. Un jeune, arrivant à l’âge de sa majorité et peinant à formuler son désir de métier, offre à un archéologue animateur de l’atelier «coracles» dont M. Emmanuel Paris vient de parler, des fossiles qu’il a trouvés lors de ses promenades aux pieds des falaises du boulonnais. Le soir même, cet archéologue raconte cette offrande à M. Legros, qui lui explique la perplexité du jeune à envisager une activité professionnelle dans les prochaines années. L’archéologue explique connaître au Maroc un paléontologue réputé, fouillant dans les déserts sahariens en recherche de squelettes d’animaux ancestraux. Le lien entre le jeune et ce paléontologue se crée rapidement par l’entremise de M. Legros et de l’archéologue ; le jeune effectue depuis plusieurs semaines au stage dans le laboratoire marocain du paléontologue, et participe aux fouilles.

III. Retour sur les débats parlementaires en cours à propos de la loi de 2007, portant réforme à propos de la protection de l’enfance :

M. Eric Legros, dans la prolongation de la lettre du directeur dont il est auteur et qui vient d’être publiée, présente aux membres du Conseil scientifique quelques réflexions sur les débats parlementaires actuellement en cours au sujet de la réforme de la loi de 2007 portant réforme à propos de la protection de l’enfance. Parmi les points en discussion au Sénat, M. Legros relève la nécessité d’inventer de nouvelles façons de se lier aux parents des enfants placés en institution, avec pour finalité un travail collaboratif qui sache offrir à l’enfant un cadre affectif sécurisé. M. Legros cite pour illustrer ce thème de la nouvelle alliance entre parents, enfant et institution le cas récent d’une rencontre réalisée aux côtés de Madame Beugnet, avec la mère d’un enfant placé dans l’institution.

Madame, depuis quelques temps, téléphonait régulièrement à la Maison de culture dans laquelle vit l’enfant, pour dire, à tort, qu’elle venait de bénéficier d’un droit de rencontre régulier avec son fils accordé par le juge, et réclamait par conséquence de le voir dans les plus brefs délais. Une tension commençait à se faire naître, et Eric Legros et Claire Beugnet ont estimé qu’il était temps d’organiser une réunion avec Madame. Dès les débuts de la réunion, il a été expliqué à Madame que sa place de mère était respectée à tout instant de la vie vécu par l’enfant dans l’institution, et lui était régulièrement exprimée. Cette introduction sur l’organisation des places éducatives, avec une prééminence symbolique réservée à Madame, mais qui est nécessairement subordonnée à une absence du lieu de vie de l’enfant, a facilité les échanges lors de cette réunion. Il n’y a pas eu de rupture entre Madame et l’institution, et les voies du dialogue ont pu être trouvées rapidement par la mobilisation de la symbolique des places dans la filiation.
M. Legros souligne à la suite de cet exemple que la montée en puissance de nouveaux dispositifs pour accompagner les enfants et les jeunes en placement doivent nécessairement équilibrer dans une perspective de long terme l’articulation entre famille et institution, afin d’offrir à l’enfant la stabilité nécessaire pour grandir.

M. Patrick Miquel approuve l’analyse de M. Legros et signale que le département du Pas-de-Calais lance l’expérimentation de nouveaux dispositifs. M. Miquel cite des outils notamment à l’attention des familles ayant des enfants âgés de 0 à 3 ans (les schémas territoriaux des services aux familles), ou le renforcement de la coordination du travail avec le rectorat de l’Education nationale (projets en parentalité, groupes d’échanges entre enseignants, personnels de la CAF, et autres parties prenantes de l’accompagnement de vie de l’enfant).

M. Jean-Paul Delevoye met en perspective ce renforcement des organisations ad hoc pour garantir la qualité du suivi personnalisé des parcours de vie des enfants. En Finlande, explique M. Delevoye, il existe par exemple des structures ouvertes 24 heures sur 24 pour accueillir les enfants et proposer des ateliers éducatifs.

M. Noel Quéré pose la question de savoir si, en France, la ressource financière est suffisante pour de tels dispositifs.

M. Jean-Paul Delevoye explique que la condition réside dans la capacité à faire muter les modèles économiques classiques de la politique de l’enfance afin de libérer de nouvelles marges de manœuvres pour financer ces dispositifs innovants.

Madame Danielle Maerten dit qu’en la matière, le volontarisme est premier.

Madame Anick Traguiardi souligne que cela pose aussi la nécessité de faire évoluer les représentations professionnelles du métier d’éducateur, et de valoriser dans la relation éducative avec l’enfant le «savoir aimer».

Monsieur Jean-Paul Delevoye dit que l’apprentissage de l’altérité, cette capacité à reconnaître en soi ce qui, dans la relation avec l’autre, a changé et fait évoluer la relation d’échange, est l’une des conditions de la réussite en matière éducative.

IV. Présentation d’actions/recherches organisées cette saison culturelle en nos Maisons :

M. Emmanuel Paris annonce le lancement de deux enquêtes scientifiques proposées d’une part par Fleur Guy et Claire Oger, et, d’autre part, par Olivier Martin et Elsa Ramos. M. Paris remercie les membres du Conseil scientifique pour ces initiatives, ainsi que les présidents de l’institution et du Conseil scientifique pour la bienveillance avec laquelle ils ont considéré le temps long de préparation inhérent à de telles activités de recherches.
M. Paris souligne qu’en l’espèce, les deux premières années d’activité du Conseil scientifique ont été nécessaires pour consolider les relations de travail et de réflexion entre enfants et jeunes de l’institution, chercheurs du Conseil, et les personnels. C’est tout à l’honneur de l’institution, dit M. Paris, que d’avoir accepté ce temps de latence incontournable pour toutes actions / recherches visant pertinence et opérationnalité.

Madame Claire Oger présente l’enquête conçue avec Fleur Guy au sujet des espaces appropriés, nommés et décrits par les enfants et les jeunes de l’institution dans leur représentation du territoire vécu.
La question fondamentale motivant cette enquête, formule Madame Oger, pourrait être dite ainsi : «Qu’est-ce qu’«habiter» les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale du point de vue des enfants et des jeunes de cette institution ?». C’est donc, et par exemple, une étude focalisant sur les lieux inspirant aux enfants et jeunes un sentiment d’appartenance ou de rejet. Ce thème s’inscrit dans la prolongation des travaux d’études et de recherches menés par Madame Fleur Guy et Madame Oger.
La méthodologie déployée lors de cette enquête, explique Madame Oger, reposerait aussi bien sur des entretiens d’une à deux heures, que sur des entretiens itinérants, lors de déplacements dans le territoire avec l’enfant et son éducateur référent.

Madame Anick Traguiardi agrée la pertinence d’une telle étude, et se demande si celle-ci devrait, pour être appropriée par les enfants et les jeunes, être basée sur le volontariat ou la participation à caractère obligatoire.

M. Arnaud Le Marchand approuve le principe d’une telle action / recherche, et propose que l’observation et l’analyse des parcours dans le territoire ne se limite pas aux déplacements dits «routiniers», mais essaye aussi d’étudier les trajets «exploratoires».

M. Jean-Paul Delevoye approuve cet intérêt pour une telle dichotomie et relève qu’une analyse symétrique des lieux conçus par les enfants et les jeunes comme relevant de l’enfermement ou de la libération serait judicieuse.

Madame Claire Oger propose que ces dialectiques «routine» / «exploration», «enfermement» / «libération» soient pensées à l’aune de la notion unificatrice de «socialisation institutionnelle».

Mademoiselle Marie-Laure Camus se dit très intéressée par cette action / recherche et signale qu’elle envisageait, en collaboration avec Madame Traguiardi, de lancer une étude ayant pour thème «se sentir bien dans son environnement social». Mademoiselle Camus demande la possibilité de participer avec Madame Traguiardi à la menée des études et recherches de Madame Fleur Guy et de Madame Claire Oger.
Mademoiselle Camus demande à Madame Oger s’il est envisagé dans cette enquête l’articulation entre carte collective et carte individuelle des lieux vécus par l’enfant.

Madame Oger répond positivement à la proposition de Mademoiselle Camus de travailler ensemble ainsi qu’avec Madame Traguiardi, et confirme la possibilité de générer des représentations spatiales et émotionnelles des lieux vécus aussi bien à titre individuel que collectif. Madame Oger cite en exemple les travaux menés par le laboratoire CRESSON, à Grenoble, portant sur la cartographie des ambiances ressenties dans la ville par ses habitants.

M. Emmanuel Paris reprend la question d’ordre méthodologique formulée par Madame Anick Traguiardi. Un refus de collaborer à cette enquête existe en effet dans l’hypothèse où la proposition faite aux enfants et les jeunes de l’institution est basée sur le seul volontariat.

M. Eric Legros reprend et approuve l’intérêt des thèmes de l’articulation entre «lieu d’enfermement» et «lieu de libération» proposée par M. Delevoye, et entre «déplacement routinier» et «déplacement exploratoire» proposé par M. Le Marchand.
M. Legros propose pour penser ces articulations l’hypothèse de l’identité clivée pour penser le rapport de l’enfant au territoire. M. Legros cite, pour illustrer cette notion, un enfant qui, récemment, manifestait un comportement signifiant son incapacité à accepter les règles de vie instaurées au sein de notre institution. L’alliance nouée de longue date par l’institution avec la famille d’accueil de cet enfant a permis de penser à bon escient pour lui ce moment charnière. C’est avec l’accord de cette famille d’accueil, au terme d’une séquence de discussions régulières, qu’un scénario éducatif a été reformulé, aux fins de pérenniser son bonheur de vivre et son grandissement en société. L’enfant, vivant de longue date dans l’institution, est dorénavant dans cette famille d’accueil, apaisé et disposé à reprendre ses études, et c’est tout à l’honneur de la famille d’accueil, de l’enfant et de l’institution, d’avoir su trouver en ces moments mouvementés les modalités pratiques du nouveau sentiment d’appartenance que l’enfant exprimait par ses actes.

M. Noel Quéré demande à Madame Oger si la méthodologie qu’elle a mise en œuvre lors des entretiens itinérants pratiqués avec les élèves féminines Saint-Cyriennes faisant leur cursus à l’école militaire de Coëtquidan, peut être administrée de façon indifférenciée, aux filles et aux garçons.
M. Noel Quéré demande à Madame Oger si cette étude avec Madame Fleur Guy pourrait faire aussi un focus sur les enfants et les jeunes de l’institution qui restent en son sein, ou qui en partent.

Madame Oger explique les spécificités de son travail auprès des élèves Saint-Cyriennes. Madame Oger précise que les méthodologies d’enquête en Sciences Humaines et Sociales peuvent être réactualisées à mesure que les enquêtées et enquêtés expriment leurs représentations du monde lors des premiers entretiens. L’enquête de terrain, autrement dit, précise Madame Oger, peut intégrer de nouveaux thèmes à étudier en fonction de ce que le terrain donne à l’enquêtrice.

M. Francis Rembotte souligne l’utilité d’une telle action / recherche pour les personnels de l’institution, à propos de l’idée d’«habiter un lieu», qui est une problématique forte de la vie vécue en placement pour un enfant. La collaboration avec les équipes, la restitution des résultats d’un tel travail au long cours seront sans aucun doute, dit M. Rembotte, un facteur fondamental de la réussite cette enquête scientifique.

Madame Oger dit que ce travail en bonne entente et dans une volonté de co-construction avec la communauté éducative de l’institution est une des raisons profondes pour lesquelles les chercheurs du Conseil scientifique ont accepté au-delà des obligations de leurs obligations professionnelles respectives et à titre bénévole, d’agir au sein du Conseil scientifique.

M. Olivier Martin présente à son tour le thème et le protocole d’enquête qu’il propose de mener au sein de l’institution dans les prochains mois, avec sa collègue Elsa Ramos. Olivier Martin et Elsa Ramos sont collègues du laboratoire CERLIS .

M. Martin et Madame Ramos enquêteront auprès d’adultes, anciennement enfants placés au sein de l’institution, sur les conditions de vie, les représentations qu’invoquent ces adultes, pour dire et décrire les conditions pratiques de leur sentiment d’autonomisation.
M. Martin propose aux membres du Conseil scientifique de spécifier cette notion d’autonomie, qui relève du gouvernement de soi-même, par soi-même. M. Martin précise que selon cette acception, l’autonomie n’équivaut pas à l’indépendance. Il est en effet possible d’être indépendant financièrement (en disposant d’un logement, d’un salaire, des moyens matériels de vivre de façon indépendante) tout en ayant du mal à être autonome pour la conduite de sa situation financière (éprouver des difficultés à gérer son budget, à prendre des décisions, à faire des choix). L’autonomie n’est pas, autrement dit, synonyme d’indépendance et la conquête de l’indépendance n’est pas une condition suffisante à l’acquisition de l’autonomie (sur ce point, voir l’article de Madame Elsa Ramos).

Madame Anick Traguiardi confirme la pertinence de cette distinction conceptuelle entre autonomie et indépendance, et explique que le métier d’éducateur consiste notamment à penser l’enfant avec lequel il travaille en terme de culpabilité persistante, c’est-à-dire l’incapacité pour l’enfant de se défaire de l’histoire qu’il a vécue malgré les phases d’autonomisation qu’il réussit avec l’aide de l’éducateur.

M. Jean-Paul Delevoye propose d’inclure parmi les paramètres de cette action / recherche une étude spécifique sur le profil de la personne qualifiée d’«inspirante» par l’enquêté ou l’enquêtée, à savoir cette personnalité dont il est dit qu’elle a profondément modifier le cours de la vie pour l’adulte anciennement enfant placé en institution.
M. Delevoye valorise l’intérêt de savoir si, sur ce thème de la personne inspirante, la plupart des profils invoqués par les enquêtées et enquêtés s’inscrivent dans la séquence de leur vie correspondant au temps de leur placement. Est-ce une éducatrice ou un éducateur ? Est-ce un professeur d’atelier artistique et culturel de l’institution ?

M. Patrick Miquel approuve cette focalisation sur l’appartenance institutionnelle de la personne inspirante et signale aux membres du Conseil scientifique la menée d’une étude nationale actuellement en cours, et dont le département du Pas-de-Calais est notamment partie prenante : l’enquête ELAP (sur ce sujet, voir le compte-rendu de notre réunion du Conseil scientifique, le 11 octobre 2013).

Madame Claire Beugnet confirme l’intérêt d’ELAP et informe les membres du Conseil scientifique que des jeunes adultes, anciennement placés dans l’institution, participent à cette enquête.

M. Olivier Martin explicite les différences méthodologiques entre l’action / recherche menée avec Elsa Ramos au sein de notre institution, et l’enquête ELAP. Les enquêtés de cette étude scientifique seront sans aucun doute plus âgés que celles et ceux de l’échantillon travaillé par l’enquête ELAP, ce qui permettra de compléter ses enseignements quant à la fabrication de l’autonomisation, voire du sentiment d’indépendance, et ceci sur une durée plus longue.

M. Noel Quéré valorise l’intérêt d’une telle étude pour l’institution, et demande à M. Martin ce qui est envisagé pour que l’échantillon d’enquêtés puisse revêtir scientifiquement une valeur de représentativité.

M. Martin informe les membres du Conseil scientifique que cette étude se donne pour objectif d’atteindre la vingtaine d’enquêtés, ainsi que la volonté de symétriser les adultes anciennement enfants placés dans une situation de réussite sociale au moment de cette enquête, avec les adultes anciennement enfants placés dans une situation de difficulté.

Messieurs Francis Rembotte et Eric Legros proposent de participer à cette action / recherche, en permettant notamment à Madame Ramos et M. Martin de rencontrer des adultes ayant vécu bien plus jeunes en institution.

Madame Danielle Maerten approuve l’intérêt de s’intéresser à cette catégorie d’âges des quinquagénaires, ou des sexagénaires, qui ont vécu leur enfance dans les institutions ayant par suite fondé «Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale». Cela permettrait, dit Madame Maerten, de voir par exemple les effets de l’évolution d’une politique d’établissement sur le parcours des individus.

V. Questions ouvertes (points que les membres du Conseil scientifique voudraient discuter à l’occasion de cette réunion) :

M. Eric Parot informe les membres du Conseil scientifique des contenus mis en place les prochaines semaines dans le cadre du partenariat avec la Fondation SEED.
Les ateliers mensuels avec «Le Centre de Jour», précise M. Parot, verront dans les prochains mois un physicien, un chimiste et un électronicien de l’entreprise Schlumberger Ltd travailler en séance avec les enfants les jeunes le thème de la «gravité», c’est-à-dire l’une des acceptions du thème de la saison culturelle : «Ce qui nous tient».
Une restitution des apprentissages co-construits au Centre de Jour à l’occasion de ces ateliers SEED aura lieu au printemps 2015 devant les ingénieurs et les scientifiques de l’entreprise Schlumberger Ltd, dans son centre d’études et de recherches de Clamart, dans les Hauts-de-Seine.
M. Parot informe les membres du Conseil scientifique que le projet de créer un «Fab Lab Maisons des Enfants de la Côte d’Opale» en collaboration avec l’entreprise Schlumberger Ltd suit son cours, avec l’objectif d’y développer avec les enfants et les jeunes le robot miniature «cafard», avec l’autorisation de ses deux conceptrices : deux élèves du Lycée Louis-le-Grand à Paris, lauréates 2014 du concours «C’est génial».

M. Emmanuel Paris informe les membres du Conseil scientifique de la parution du nouvel ouvrage de M. Jean-Paul Demoule, qui par bien des aspects, permet de continuer de réfléchir au thème «Ce qui nous tient».
M. Demoule décrit les hypothèses et présupposés travaillés dans ce livre : la fabrication au fil des siècles d’une origine fantasmée de l’espace culturel qui serait le nôtre aujourd’hui, et que l’on a appelé par convention celui des «Indo-Européens».

M. Eric Legros informe les membres du Conseil scientifique que le repas organisé après cette réunion, au restaurant d’application de l’institution, accueille à la table les chefs de service des Maisons de culture, ainsi que les trois formateurs avec lesquels les chefs inaugurent le cycle 2015 de formations organisées en interne : messieurs François Roy, metteur en scène et acteur, Philippe Richard et Gérard Tonnelet, artistes amateurs et anciennement directeurs d’établissement spécialisé dans le champ de la protection de l’enfance.

Emmanuel Paris présente la date de la prochaine réunion du Conseil scientifique : le 24 avril 2015, de 10h à 13h.

M. Noel Quéré, président du Conseil scientifique, clôt cette quatrième réunion.