Le thème de la saison culturelle de cette année 2024-2025 est : « Apogée ».
« – Moi, mon apogée à moi, c’est l’amour que j’ai envers ma famille.
– Est-ce que tu dirais que cet amour est à son apogée ou est-ce qu’il n’est pas encore tout à fait au sommet ? Il en est où cet amour ?
– Il n’est pas encore au sommet… Il… (Silence)
– Qu’est-ce qu’il te fait dire que cet amour-là n’est pas encore au sommet ?
– Je sais que si on était encore beaucoup plus proche, l’amour serait… Plus élevé ».
À notre parrain d’association Patrick Bourdet qui lors de l’entretien annuel préparant notre colloque demandait aux enfants leur inspiration du thème de notre nouvelle saison, un enfant de la Maison de la Musique témoigne dans sa réponse de la dynamique universelle des sentiments éprouvés pour autrui, a fortiori à propos d’êtres chers.
Les questions d’attachement / détachement dans la relation, le sentiment de répulsion ou au contraire d’osmose sont des thèmes cruciaux de la naissance à la fin de vie avec en particulier le moment où se déclenche la prise de conscience de soi. D’après les études sur ce phénomène, le bébé commence à se considérer distinct du corps de sa mère : non pas son prolongement mais un être à part entière. Il s’éveille à l’environnement et découvre peu à peu notre monde. Cet apprentissage de la pensée non fusionnelle est oh combien importante ; c’est une première apogée. Il est l’annonce d’une capacité à être libre en perception, en actes, en dires, à en être auteur et responsable : c’est précisément ce que nous tentons de consolider des années plus tard dans notre travail au quotidien avec les enfants et les jeunes.
La relation qualifiée de « fusionnelle » du bébé avec sa mère au tout début de son existence retient notre attention pour une seconde raison. S’il est bien un endroit de notre univers où la fusion, processus atomique produisant l’énergie nucléaire, la chaleur, s’exerce avec constance et intensité depuis des temps immémoriaux et pour des milliards d’années encore, c’est là où siège l’étoile au centre de notre galaxie et que nous appelons « Soleil ».
Tout comme l’enfant de la Maison de la Musique avec sa famille, tout comme les humains les uns envers les autres, notre planète s’approche et s’éloigne de l’astre céleste ; la Terre elle aussi entretient avec lui des relations d’attachement/détachement. Notre planète est attirée par le Soleil et sa trajectoire naturelle est d’aller vers lui. Mais comme elle se déplace très vite (cent sept mille kilomètres par heure), elle ne l’atteint jamais : la Terre ne fait que tourner autour du Soleil. Ce que les astrophysiciens nomment ainsi « le point de périgée » (la distance la plus courte entre les deux chaque année au mois de janvier) est de cent cinquante millions de kilomètres, « le point d’apogée » (distance la plus longue chaque année en juillet) est quant à lui de cent cinquante-deux millions de kilomètres. Dans l’espace comme dans nos vies, le phénomène d’attraction/répulsion existe tour à tour – toute la question étant de trouver un point d’équilibre. C’est là une deuxième acception possible du thème de notre saison culturelle.
Réunions d’équipe hebdomadaires, réunions de concertation avec les référents sociaux des enfants, des parents et tuteurs légaux, audiences devant le Juge des enfants, rédactions des Documents Individuels de Prise en Charge chaque six mois avec contribution de l’enfant concerné : nombreux et réguliers sont les moments durant lesquels nous travaillons avec l’enfant. A la recherche d’un point d’équilibre, au fil de cycles alternant affaiblissement et épanouissement de l’enfant, de ses parents ou de ses tuteurs légaux, nous cheminons avec lui en quête d’une main levée de la mesure éducative lorsqu’elle est possible ou d’une indépendance forte de l’apprentissage à l’autonomie que nous lui aurons inculqué le temps de sa présence à nos côtés.
Notre programme artistique et culturel a parmi ses principes fondateurs l’ambition de permettre aux enfants d’exprimer par leurs créations en arts, en lettres, en sciences, en sports, en techniques et technologies le meilleur d’eux-mêmes pour reprendre confiance en soi et s’ouvrir aux autres, montrer une autre image que celle tellement stigmatisée d’« enfant de foyer ». C’est pourquoi aussi choisir « Apogée » comme thème de cette nouvelle saison. Le sens commun voulant l’idée selon laquelle les humains n’auraient qu’un point culminant dans leur vie mérite d’être questionné avec l’enfant ; serait-il possible de constater ensemble que la vie peut être faite d’une succession d’apogées ou à l’inverse d’une impossibilité de se dire en avoir vécu une ?
Inventer un clip vidéo sur le harcèlement scolaire avec le groupe « Yolo », créer des compositions musicales lors de la résidence « Âme slam » du « Trio Volière » au second semestre 2024, découvrir l’art de naviguer sur les flots sur les eaux ou dans les airs avec le Lycée maritime de Le Portel et l’association « Opal’R ULM » de l’aérodrome d’Alprech, fabriquer des mondes idéaux en carton à partir d’œuvres de Céline Ahond exposées au pigeonnier de la ferme de Bertinghen dans le cadre de notre partenariat avec le FRAC Grand large – Hauts de France, faire du « street art » sur les lieux de vie de notre association et dans l’espace public à l’occasion de la résidence d’artiste de « Näutil » au premier semestre 2025, organiser première semaine de juillet 2025 la treizième édition de notre festival « Les journées d’enfance » avec notamment le magnifique spectacle issu des ateliers de chaque Maison : ce seront autant d’invitations à rechercher ensemble un accomplissement personnel et collectif à ces moments de la vie.
(“La roue de Fortune. Des cas des nobles hommes et femmes”
de Boccace (page de titre)
https://essentiels.bnf.fr/fr/image/68d0e6ee-d8ad-47a2-926d-52d7e741e9dd-roue-fortune-4)