Archives de catégorie : Rencontres inter culturelles

“The elephants whisperers, une histoire d’amour à voir et revoir”

Chers enfants,

J’ai toujours un immense plaisir à vous envoyer ma petite lettre pour prendre de vos nouvelles et vous donner des miennes, de mon petit village de Kurichithanam où il fait très chaud en ce mois d’avril.

Je n’arrête pas de battre mes oreilles et de lever la trompe tellement je suis transportée de joie par les nouvelles qui m’arrivent actuellement.

Emmanuel et Henri m’ont raconté que vous avez terminé la plantation des mille arbres à la ferme de Bertinghen et que le jardin des maisons va nous faire rêver pendant de nombreuses années.

Une nouvelle extraordinaire m’a été annoncée par Kuttan, mon cornac adoré : un reportage sur mes petits cousins Raghu et Ammu, les éléphanteaux sauvés par l’amour de Bomman et Bellie, un couple de la tribu des Kattunayakan, vivant en communion avec les animaux sauvages, les arbres et les plantes, “à l’intérieur de la réserve de tigres de Mudumalai. La réserve est située dans le district de Nilgiris au Tamil Nadu et répartie sur la tri-jonction de trois États, Karnataka, Kerala et Tamil Nadu. La réserve de biosphère de Nilgiris, la première en Inde, est située ici.

À l’intérieur de cette réserve naturelle se trouve le plus ancien camp d’éléphants d’Asie, le camp d’éléphants de Theppakadu, établi il y a environ 100 ans. Situé sur les rives de la rivière Moyar, ce camp est l’exemple parfait de la coexistence de la nature humaine.”

Leur histoire a été contée par la jeune réalisatrice Kartiki Gonsalves et son merveilleux reportage a reçu l’oscar 2023 du meilleur court-métrage documentaire (Documentary Short Film)

Lauréats : The Elephant Whisperers – Kartiki Gonsalves et Guneet Monga

Les porte-paroles de cette histoire d’amour sont deux jeunes femmes, ce qui, vous le savez, me réconforte doublement, moi l’éléphante marquée depuis la nuit des temps par ma famille matriarcale… Kartiki Gonsalves dont la sensibilité et les compétences ont permis de réaliser un documentaire mondialement reconnu et Guneet Monga qui a produit le film.

Cette histoire me rappelle ma propre histoire, née dans la montagne des Ghâts occidentaux et recueillie bébé il y a près de 50 ans déjà.

Cette histoire est aussi notre histoire à tous, montrant le besoin d’attention, d’affectation et tout simplement d’amour pour se construire.

J’ai déjà parlé avec vous de ces besoins fondamentaux depuis notre naissance dans les lettres précédentes :

Il vous faut absolument voir ce merveilleux reportage, chers enfants, si vous en avez la possibilité, il exprime toute la complicité qui peut exister entre le monde des humains et celui des animaux, lorsqu’il existe une relation de confiance et d’amour. Dame Bellie est appelée “la mère des éléphants” par ses amis de la tribu adivasie des Kattunayakan…

Je veux saluer Kartiki Gonsalves, la jeune réalisatrice qui a obtenu la confiance totale de Raghu et Ammu ainsi que de Bellie et Bomman, elle est une porte-parole merveilleuse.

Elle présente elle-même son documentaire :

Le documentaire « The Elephant Whisperers » est un drame émotionnel qui se concentre sur l’éducation d’un éléphanteau orphelin et les liens forts qu’il tisse avec la communauté humaine qui le soigne et l’éduque. Le documentaire examine également la manière dont les populations tribales coexistent depuis des siècles avec les éléphants. Humains et éléphants partagent de nombreux de traits de caractère : intelligence, liens sociaux forts, humour, jeu, chagrin, etc.”

Elle raconte son histoire d’amour avec les animaux et la forêt, qu’elle visitait enfant, avant de marcher, portée sur le dos de ses parents… à moins de 300 kms de chez moi, dans la montagne bleue des Nilgiris.

Elle a passé une année complète pour bien connaître l’éléphanteau Raghu et tout son environnement dans le camp de Theppakakadu.

Elle a bien fait connaissance avec Raghu est très intelligent et très bon acteur, avec des talents innés, mais comme tous les enfants il adore faire des bêtises et il ne s’en est pas privé devant la caméra…  Il avait besoin d’être recadré avec tact et amour, ce que Kartiki Gonsalves a su si bien faire, merci à elle pour ce témoignage de vie ensemble au milieu d’une forêt si joliment protégée.

Il lui a fallu cinq ans pour parfaire son chef-d’œuvre.

Chers enfants, en suivant l’exemple de Bomman et Bellie, je vous invite à chuchoter à l’oreille des animaux qui vous entourent, d’écouter le chant des oiseaux et de dire des mots d’encouragement aux jeunes arbres du jardin des maisons.

Je vous fais de gros bisous,

Shila

“Des éléphants robots dans les temples hindous”

Bonjour les enfants,

Comment allez-vous depuis nos derniers échanges ?? Bien j’espère…

Mon ami Henri m’a informée qu’une chaîne de télévision, Arte, a présenté, avec beaucoup d’humour, Irinjadappillyraman, le premier éléphant robot du Kerala.

Je suis très heureuse que cet éléphant robot fasse une entrée remarquée tant en Inde que dans le monde entier.

J’ai déjà évoqué ces éléphants robots, dans une de mes nombreuses lettres, mais j’ignorais à l’époque que le Kerala se lancerait dans une telle aventure….

J’apprécie l’humour et la présentation de la journaliste, mais je ferai deux petites remarques :

La première concerne notre cher Ramu appelé aussi Ramachandran, Thechikottukavu étant son propriétaire, que l’on peut suivre sur sa page Facebook (Thechikottukavuramachandran).
Oui c’est notre grande vedette, et nous l’aimons malgré ses coups de folie, car nous savons qu’il a été victime de violences et qu’il doit absolument être canalisé….
Irinjadappillyraman si parfait soit-il, ne remplacera jamais notre Ramu dans l’affection que, malgré tout, nous lui portons.

Je l’ai présenté dans mes lettres en avril 2020 :

La seconde remarque concerne l’évocation par la journaliste du petit temple petit temple de Thrissur qui aurait peu de moyens.
je voudrais tout simplement vous rassurer à ce sujet, Thrissur, capitale culturelle du Kerala a un temple important et ne manque pas de moyens. La fête de Pooram, mondialement connue, est tout simplement grandiose .
Je l’ai évoquée dans une de mes lettres :

Quoiqu’il en soit, Irinjadappillyraman, l’éléphant robot est le bienvenu pour parler de mon beau pays, le Kerala, littéralement ” le pays des cocotiers”, mais aussi le pays qui aime les éléphants.

J’ai du mal à me projeter dans une fête de Pooram où il n’y aurait que des éléphants robots…
Cependant si ce nouveau venu, Irinjadappillyraman, permet d’améliorer nos conditions de vie, alors pourquoi pas !!!!

Irinjadappillyraman me permet de revenir vers vous pour vous rappeler que vous êtes toujours les bienvenu (e)s à Kurichithanam et j’en profite pour vous faire de gros bisous.

Shila

Vive la forêt des Maisons

Chers enfants,

Voilà déjà une année écoulée depuis ma dernière lettre, que le temps passe vite…

Tout d’abord je tiens à saluer les enfants avec qui j’ai eu le bonheur d’échanger pendant la période de la pandémie du COVID. Je pense particulièrement à Yannelle, Ethan, Claude, Lilian, Brandon, Killian et Stacy, dont j’ai gardé les lettres et les dessins. 

Ici, à Kurichitanam, mon village au cœur du Kerala, la vie a repris son cours comme avant la pandémie, après deux longues années au ralenti, j’ai repris mes activités, je continue mon travail d’éléphante forestière et je rencontre toujours beaucoup de monde qui s’arrête pour m’admirer, moi la jolie éléphante, image vivante de Ganesh.

Les touristes sont à nouveau de retour et mon petit pays, le Kerala, qui, avec ses paysages sublimes, composés de lagunes, les backwaters, de sa côte Malabar, avec ses épices, ses plantations de thé, ses montagnes, ses forêts tropicales où vivent mes cousins.., ce petit état qui attire les gens du monde entier.

J’ai régulièrement de vos nouvelles par mes amis Emmanuel et Henri et je suis vraiment pleine d’admiration pour ce que vous réalisez, en lien avec la nature, les arbres.

“Les méandres du baobab”, votre spectacle en juillet, cette année, a été un grand moment d’enchantement.

La création de la forêt des maisons me passionne particulièrement, c’est pour cela que je tiens à vous adresser ma nouvelle lettre.

Dans de précédentes lettres, je vous ai parlé de personnages passionnés qui ont planté des milliers d’arbres comme Abdul Kareem et Plavu Jayan.

Aujourd’hui, c’est vous mes chers enfants que je veux saluer et honorer, ainsi que les adultes qui vous accompagnent dans la plantation de centaines d’arbres à la Ferme de Bertinghen à St Martin Boulogne.

Je suis sûre que, d’ici quelques années, votre forêt aura le même effet attractif que mon petit pays paradisiaque.

Emmanuel m’a expliqué que cette forêt des maisons, appelée aussi jardin des maisons se situe à la ferme de Bertinghen à St Martin Boulogne.

Vous êtes entourés d’adultes experts en botanique et en création de forêt, Juliette, Marion et Benoit, avec qui vous apprenez beaucoup sur les plantes, les arbres, leurs essences…, je suis très admirative, c’est un peu comme moi quand j’écoute les explications de Kuttan, mon cornac adoré, ou de Jis, ma botaniste experte des orchidées, des plantes et arbres tropicaux.

Les experts sont importants, mais il faut aussi des volontaires pour les planter : j’ai cru comprendre que de nombreux bras sont venus contribuer déjà à la plantation des arbres, les enfants du conseil municipal des jeunes, de St Martin Boulogne, des lycéens de l’école agricole de Coulogne… 

J’en discutais avec Jis, je serais allée volontiers vous donner un petit coup de trompe, mais la distance entre Kurichitanam et St Martin Boulogne, 8000 kms, est un réel obstacle à mon aide tant espérée.

Par mon petit courrier, c’est tout mon soutien que je tiens à vous apporter ainsi que toutes mes félicitations à vous, chers enfants, et à tous les adultes engagés à vos côtés et ceux qui vous ont permis de vous lancer dans le projet, comme Emmanuel le rappelait avec le soutien des fondations.

Comme vous le voyez, je suis toujours avec un immense d’intérêt intérêt la vie si intense et créative de vos maisons, j’en profite pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année et une très belle année 2023, qui verra grandir la forêt et chacune et chacun de vous.

Je vous fais de gros bisous.

Shila

Conférences du jeudi : M. Henri Villeneuve, “La médecine des arbres en Inde”

Ce 7 avril, dans le cadre de nos “Conférences du jeudi” à l’attention des enfants du Centre de jour et des équipes de nos Maisons, M. Henri Villeneuve, co-auteur des Lettres de Shila, a raconté les relations entre les arbres et les humains en Inde.

Vous pouvez écouter la conférence de Monsieur Villeneuve ici.

Voici les images et films présentés lors de cette conférence.

Les images :

Les films :

Cette conférence enrichit notre création en cours à propos du thème de notre saison culturelle.

Le site de la Ferme de Bertinghen, destiné à accueillir le “Jardin des Maisons“, a par le passé accueilli 2500 arbres plantés lors de l’opération (“L’heure bleue”), petit clin d’œil à Abdul Kareem, raconté par Monsieur Villeneuve lors de la conférence 🙂

Lettre de Shila : “La sainte famille”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Quelle est votre meilleure copine, quel est votre meilleur copain ? Moi, outre mon cher Kuttan, dans la famille animale c’est un singe. Je l’ai appelé « Minimoi » tant il est aussi curieux et philosophe que je le suis.

Minimoi vient me visiter pratiquement chaque jour, descendant de son arbre préféré, et nous devisons ensemble en grignotant mes chers ananas que m’amène Kuttan.

C’est un très beau singe, que les humains ont nommé « Semnopithecus hypoleucos ».

Minimoi est adoré des humains, même si hélas son espèce tend à disparaître des montagnes du Kerala. Je reste cependant optimiste, car en Inde, mon petit pays, les singes sont vénérés comme nous les éléphants, ou mes copines les vaches.

Ainsi, au Radjahstan, existe un temple consacré à la divinité singe :

https://www.curiosity-escapes.com/fr/jaipur-temple-singes/

Et, comme il se doit bien évidemment, tant la réalité souvent se mêle avec malice à la fiction, ce temple est très fréquenté par des singes, d’une autre espèce que Minimoi.

J’ai toujours pensé que les temples étaient comme des grandes maisons rassemblant toute la diversité du monde. Vous connaissez ma passion pour les maisons de mon petit pays :

Je dois vous dire que, depuis que j’ai découvert grâce à Henri et Emmanuel le palais idéal du facteur cheval… :

… Ma passion pour les maisons s’est agrandie pour les monuments majestueux. Ainsi du Taj Mahal, dont je vous parlais… :

… Mais aussi de « Notre-Dame de Paris » dont Henri et Emmanuel m’ont vanté les beautés :

En fait, quand je regarde Notre-Dame de plus près, je vois d’étranges créatures perchées qui sont comme des animaux peuplant les façades du temple de Jaipur.

Henri, grand voyageur s’il en est, me raconte sa passion pour une cathédrale qui, si j’ai bien compris, est dans un pays appelé l’Espagne, pas trop loin de chez vous. Elle s’appelle la « Sagrada Familia », et Henri aime à la visiter régulièrement au fur et à mesure de son édification car c’est une cathédrale sans cesse à élever dans le ciel.

Henri m’explique que Monsieur Gaudi, son créateur, a voulu créer une forêt minérale pour arcbouter les tours immenses de sa cathédrale.

Emmanuel me raconte que dans le pays à côté de chez vous, qui s’appelle Belgique, se trouve une majestueuse église à Gand où il est possible de voir l’une de plus belles peintures réalisées par un humain au Moyen-âge : « L’agneau mystique ».

Emmanuel me raconte qu’au cœur de cette peinture trône un agneau, entouré d’anges, de rois, de musiciens. Humm chers enfants, que ces temples accueillent la grande famille du vivant 😊

Je vous embrasse très fort,

Belles vacances, meilleurs vœux pour cette nouvelle année,

Shila

Lettre de Shila : “Barrages et ponts, ces ouvrages d’art en danger”.

Chers enfants,

Emmanuel et Henri m’ont dit que tout près de la ferme de Bertinghen, se trouve le viaduc d’Echinghen, ce grand pont de 1300 mètres de long, enjambant la vallée et le petit village d’Echinghen :

Ce bel ouvrage d’art a été mis en service il y a 23 ans, en 1998, très récent et en même temps déjà très altéré en raison de la corrosion d’une dizaine de ses 330 câbles.

C’est suite à l’effondrement d’un viaduc à Gênes, en Italie que votre gouvernement a publié la liste des ouvrages à surveiller, le viaduc d’Echinghen figurait en tête des structures qui nécessitaient une intervention urgente.

Chez moi, au Kerala, un très très vieux barrage, situé dans la montagne des Ghats occidentaux, sur la rivière Periyar, fait la une des journaux.

Kuttan me semble très soucieux depuis qu’il a lu le compte rendu du rapport de L’ONU sur le barrage de Mullaperiyar.

Selon un rapport de l’Université des Nations Unies, l’infrastructure du barrage de Mullaperiyar au Kerala se détériore et cela peut mettre en danger la vie de 3,5 millions de personnes.

Le rapport dit que ce barrage vieux de 126 ans doit être mis hors service, il dit qu’il a survécu dangereusement aux 50 ans de vie prévues pour les barrages.

C’est quand même une drôle d’histoire, l’histoire de ce barrage de Mullaperiyar, construit par des ingénieurs coloniaux britanniques entre 1887 et 1895, sous la direction de Mister John Pennycuick.

Le barrage, suite à un accord conclu à l’époque, entre le maharaja de Travancore et l’autorité britannique, permet de détourner l’eau vers l’est, dans l’état du Tamil Nadu, beaucoup plus sec. Le parc national de Periyar, réserve des tigres, est situé tout autour de la retenue d’eau du barrage.

Le barrage est situé dans l’état du Kerala, mais son exploitation et son entretien sont faits par l’état du Tamil Nadu, ce qui entraîne des différends sans fin, que je ne peux vous expliquer tant ils sont nombreux et compliqués. Le Kerala défend la population qui vit en aval du barrage et qui est menacée, et le Tamil Nadu défend ses intérêts…

Si vous voulez tout savoir sur cette très longue histoire, vous pouvez lire l’article complet sur le ce barrage ici.

Quoiqu’il en soit, Kuttan m’a dit que tous nos voisins discutent du devenir de notre vieux barrage, et que d’un côté il y a ceux qui sont pour le mettre hors d’usage et de l’autre côté, ceux qui sont pour le prolonger en faisant des travaux nécessaires.

Pour moi, l’éléphante philosophe, je suis tout simplement admirative devant les ouvrages d’art faits par les anciens comme les dolmens de Marayoor et de Carnac ou les ponts romains comme le pont du Gard, dont Emmanuel m’a envoyé la photo, ou encore le pont d’Avignon, dont vous connaissez la chanson.

Je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila (de la part du Petit Journal de Bombay) : “Accidents d’éléphants en Inde”

Chers enfants,

Je vous donne fréquemment des nouvelles de ma famille pachydermique, famille que j’aime, et qui se voit menacée par la déforestation, par le conflit avec des humains, braconniers ou ne supportant pas notre voisinage :

Le conflit entre les éléphants et les humains est très présent en Inde :

Les tensions qui existent entre les éléphants et l’Homme en Inde ont des conséquences fatales. On dénombre des milliers de morts et de blessés parmi la population indienne mais aussi chez les éléphants.”

Nos amis du petit journal de Bombay et du petit journal de Chennai viennent de publier un superbe article hier.

Allons donc voir ce qui se passe dans l’état du Tamil Nadu, grâce à l’enquête d’Isabelle et de son équipe très heureuses de vous la partager.

L’article fait le point sur ce conflit chez mes voisins et amis du Tamil Nadu.

Il faut savoir que la belle montagne des Ghats occidentaux où vivent mes cousins, est, dans sa partie plus au sud de l’Inde, partagée par les États du Kerala, du Tamil Nadu et du Karnataka.

Merci chère Isabelle, chère équipe.

Je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila (de la part du Petit Journal de Bombay) : “Planète tigre”

Chers enfants,

Les enfants qui se rendaient à l’école KR Narayanan de Kurichithanam se sont arrêtés pour m’interroger ce matin.

Ils m’ont demandé quel est l’animal qui est le roi de la jungle : le tigre, le lion ou l’éléphant ??

Vous connaissez ma modestie naturelle, bien que je pense que c’est l’éléphante, je n’ai pas voulu trancher et je leur ai laissé le choix.

Dans la montagne des Ghats occidentaux où vivent mes cousins éléphants, vivent aussi des tigres.

Mon pays les protège depuis plusieurs dizaines d’années et grâce à cela, la population des tigres indiens augmente.

Vous savez que je suis en contact étroit et amical avec Isabelle rédactrice du Petit journal de Bombay.

Isabelle a rencontré Monsieur Geoffroy, qui a fondé « Planète Tigre ».

C’est une très belle histoire qui nous est contée, merci à Isabelle qui nous embarque dans cette planète.

Gros bisous à vous chers enfants et à Isabelle ainsi qu’à Monsieur Geoffroy pour son travail auprès des enfants et des tigres.

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “La peur”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Pas trop froid en ce moment ? Henri m’a dit que par chez-vous les frimas de cette fin d’Automne sont gratinés. Couvrez-vous bien les enfants, et aussi mangez bien car c’est un bon moyen de résister aux aléas du temps mauvais.

Moi l’éléphante gourmande et curieuse de tout mange beaucoup de végétaux différents que m’apporte chaque matin mon cher Kuttan. Vous connaissez mes chères pousses de bambou. Ces derniers temps, je me prends aussi d’une passion pour les ananas :

Il faut vous dire que nous autres, les éléphants, ne rechignons pas à découvrir de nouveaux aliments, nous sommes mêmes les animaux les plus assurés dans la découverte d’autres goûts, d’autres substances alimentaires.

Mon cher Kuttan m’a expliqué que ce n’est pas forcément le cas pour d’autres animaux. Ainsi des oiseaux ; ils sont très très méfiants et réfléchissent à deux, trois, quatre fois avant de picorer ce qu’ils trouvent au pied des arbres.

Mais, de tous les animaux, me dit Kuttan, c’est sans doute le cheval le plus peureux. Cette créature a tout le temps besoin d’être rassurée, particulièrement aux aguets et inquiète lorsqu’elle broute.

Emmanuel, qui nous téléphonait pour passer le bonjour, me dit que les enfants des humains peuvent aussi développer cette peur s’exprimant lors du repas ; l’enfant refusant soit de manger même s’il aime les aliments, soit ne mangeant que très peu, ou toujours les mêmes plats.

Parmi les causes de peur des humains repérées depuis des siècles, il y a notamment la peur des arbres, des forêts.

Hummm, cette peur ne me semble pas très raisonnable. S’il existe des êtres bienveillants et apaisants, ce sont nos chers amis sylvestres. Emmanuel me dit que les humains ont développé de fausses croyances à propos de la forêt ; elle pourrait être le lieu des pires maléfices :

Ah oui, je me rappelle de cette lettre que je vous envoyais dissertant sur les cauchemars et leur interprétation :

Avoir peur des arbres, de la forêt, c’est non pas vis-à-vis de leur méchanceté ou monstruosité, mais de l’inconnu qu’ils représentent.

Mon cher Henri, passionné des arbres, nous a raconté que les humains scientifiques viennent de comprendre récemment que les arbres eux-mêmes pouvaient avoir peur, et développer des mécanismes de défense, de protection :

Emmanuel nous dit que s’il devait avoir peur des arbres, ce ne serait que pour la seule raison de ne pas les voir renaître à la vie au printemps, et que la feuillaison tant attendue n’ait lieu :

Chers enfants, la peur est un sentiment faisant partie du vivant ; il ne faut pas avoir peur de la peur, tout au moins savoir lui parler pour qu’elle sache nous laisser vivre une vie bonne.

Je vous embrasse,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “L’arbre et la lignée”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Hier après-midi, avec Henri, nous papotions de mes amis les arbres.

Henri venait de relire ma lettre à votre attention à propos d’Alexandre le grand et son influence en Inde :

Henri m’a dit que l’un des écrivains d’Alexandre, appelé Ctésias, avait beaucoup regardé les arbres, les plantes et essayé de les décrire.

Ah, ce cher Henri : comme Kuttan et Emmanuel, ils sont toujours à ruminer les lettres que je vous envoie, et puis ils m’en reparlent alors que je suis passée à autre chose. Bah, ça me fait plaisir quand même, mais bon, Henri : vis au XXIème siècle bon sang de bois !

Je vous avoue que j’avais un peu oublié cette lettre à propos de ma découverte de cet empereur envahissant il y a des milliers d’années ma contrée et racontant pas mal de sornettes pour renforcer sa puissance.

Henri, qui fumait sa bidî en regardant avec moi les beaux nuages de mon petit pré, me dit qu’après tout, Ctésias n’avait pas trop écrit de bobards à propos des plantes qu’il a vues lors de cette invasion.

Ainsi, me dit Henri, des acacias majestueux poussant dans le désert et décrits par Ctésias ; depuis la venue d’Alexandre, ces arbres ont essaimé par-delà mon continent et redonnent espoir à tous les humains œuvrant aujourd’hui pour l’avènement d’une muraille verte aux quatre coins du monde :

Bon, chers enfants, tout ceci, c’est de l’histoire très vieille.

Moi l’éléphante pas dupe ne suis même pas sûre que c’est vrai. Et puis, nous vivons deux mille ans plus tard. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts : ces personnes dont me parle Henri, comment vous dire… Enfin bon, c’est Henri et ses rêveries.

Henri m’a raconté alors sa randonnée du côté d’un incroyable endroit non loin de chez vous, appelé Versailles. Si j’ai bien compris, cet endroit est un haut lieu de votre pays, car s’y sont trouvés de grands rois, un peu comme chez moi du côté du Radjahstan.

Henri me raconte les arbres incroyables qu’il a pu voir, témoignant de l’association très forte entre le symbole du pouvoir royal et l’arbre.

Lors d’autres randonnées, Henri a rencontré au contraire des arbres célébrant l’abolition de la royauté.

Emmanuel, qui téléphonait pour nous passer le bonjour, papote avec Henri de ce magnifique arbre qu’ils aiment tous deux, planté non loin de chez vous voici très très longtemps lors de négociations royales entre Angleterre et France de l’époque pour tenter de ne pas entrer en guerre :

Emmanuel nous raconte qu’hier soir, il a regardé un reportage passionnant à la télévision sur l’art de faire des arbres minuscules au pays des samouraïs :

Emmanuel nous dit qu’hélas les arbres géants d’Amérique sont quant à eux gravement menacés, et que ces feux gigantesques sont désormais un enjeu fort du développement des sociétés démocratiques.

Chers enfants, l’arbre c’est la vie, c’est notre Histoire, notre héritage, nos lignées. Qu’ils vivent à jamais.

Bisous,

A lundi,

Shila