Archives de catégorie : Rencontres inter culturelles

Lettre de Shila : “De la révolution verte à l’agriculture biologique, l’Andhra Pradesh a choisi”

Chers enfants,

Je vais vous parler aujourd’hui de mon sujet préféré, l’agriculture.

Les branches de palmiers, les pousses de bambous et les fruits que j’ingurgite chaque jour me font de plus en plus saliver, tant elles sont goûteuses.

Kuttan se réjouit de me voir apprécier la nourriture de qualité qu’il me donne.

J’ai su que, chez vous, en France, de plus en plus de gens font aussi attention à la nourriture et à la qualité des fruits et légumes qu’ils mangent !! Les magasins vendant de la nourriture biologique ont le vent en poupe, comme vous dites à Boulogne-sur-Mer !!

Je dois vous expliquer que mon pays, dont je suis si fière, l’Inde, était exsangue en 1947, après plus de deux siècles de colonisation, période où les famines se sont succédées !!

Au moment de son indépendance en 1947, la situation alimentaire de l’Inde était très mauvaise, et beaucoup d’observateurs prévoyaient une évolution catastrophique du pays. Nehru, le nouveau Premier Ministre de l’Inde, déclarait en 1948 « everything else can wait but not agriculture ». Ce qui se traduit par « tout le reste peut attendre, mais pas l’agriculture. »

Le pays a cependant déjoué ces sombres pronostics, parvenant à mettre en œuvre une révolution verte qui, par une agriculture à haut rendement, a pu apporter en quelques années l’autosuffisance alimentaire au pays. De nombreux paysans ont pu profiter des progrès, tandis que des dégâts environnementaux sont déplorés.

La révolution verte a été lancée par le premier premier ministre de l’Inde, Nehru, dès le début de l’Inde indépendante, elle a pris de l’ampleur dans les années 1970 et a permis au pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dès l’année 2000 !

La révolution verte repose sur trois principes fondamentaux :

– l’utilisation de semences performantes

-l’utilisation de produits phytosanitaires, d’engrais et de pesticides

-l’utilisation de beaucoup d’eau, avec des systèmes d’irrigation importants.

La révolution verte a malheureusement ses limites, Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article qui raconte bien l’histoire. Les paysans s’endettent pour acheter graines, engrais et pesticides, l’Inde connaît un taux de suicide très important chez les agriculteurs, drame accru par a pollution des eaux par les nitrates, l’empoisonnement de la population par les satanés pesticides :

Dans les années 2010, les cas mortels d’encéphalite aigüe sur les enfants se sont amplifiés en Inde, au Bangladesh au Vietnam et en Thaïlande. Au Bangladesh, le lien à un cocktail chimique de pesticides est mis en évidence en 2017. En Inde, le gouvernement local du Kerala a estimé que l’usage à tort et à travers de l’endosulfan avait empoisonné 4 270 personnes et causé la mort de 500 autres depuis 1978. Ce pesticide est interdit en Inde depuis 2012, mais une utilisation en contrebande est suspectée.”

Face à ces fléaux de l’empoisonnement du sol, des gens et aussi du taux de suicide élevé d’agriculteurs, des individus réagissent et proposent une alternative : une agriculture sans engrais, sans graines hybrides, sans pesticides, sans prêt et en limitant l’irrigation et l’arrosage.

Une figure emblématique, Mister Subash Palekara montré la voie à environ quatre millions d’agriculteurs sur la façon de cultiver de meilleures cultures plus saines, gagner plus d’argent sans être pris au piège d’un cycle d’endettement avec plus de pesticides, plus de produits chimiques, plus de prêts et plus de suicides. La plupart des agriculteurs qui utilisent les méthodes entièrement naturelles de Palekar se trouvent dans l’ouest et le sud de l’Inde.”

Mister Palekar préconise “l’agriculture à budget zéro”, inspirant de nombreux agriculteurs mais aussi des états à suivre le modèle d’une agriculture biologique. Il a été récompensé par l’Etat Indien en recevant le Padma Shri, en 2016, pour son œuvre.

L’état d’Andra Pradesh, à mille kilomètres de chez moi, a fait le choix du ZBNF (“Zero Budget Natural Farming”), qui veut dire dans votre langue : “agriculture naturelle à zéro budget”. Il a pour objectif de faire appliquer cette méthode par 6 millions d’agriculteurs d’ici 2024. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article pour vous qui dit bien les enjeux :

VISION DU GOUVERNEMENT AP

Améliorer le bien-être des agriculteurs à court et à long terme, en particulier les petits et les agriculteurs marginaux, grâce à une agriculture naturelle résiliente aux changements climatiques et à faible coût (ZBNF).”

Un autre très bel article du journal Le monde que mon cher voisin Henri a lu pour vous, explique l’engagement exceptionnel du gouvernement de l’Andhra Pradesh pour l’agriculture biologique, afin de favoriser ses agriculteurs et aussi sa population, par des gains supérieurs et une alimentation saine.

L’Andhra Pradesh, ainsi que l’état du Sikkim, à 3200 kms de chez moi, dans la montagne de l’Himalaya, sont aujourd’hui des exemples pour l’agriculture biologique en Inde.

Avec le bio, c’est un vrai bonheur de travailler la terre.

À Boulogne-sur-mer, m’a dit mon cher voisin Henri, les jardiniers sèment les carottes à côté des poireaux, car l’insecte qui attaque les poireaux est repoussé par l’odeur des carottes et réciproquement, le vers de la carotte a horreur de l’odeur du poireau.

Il en est de même dans le Sud de l’Inde, le curcuma, cette plante à rhizomes, connue pour être le safran des pauvres, dont les qualités culinaires sont très reconnues, pousse sous les papayers, l’un protégeant l’autre et réciproquement.

Sans engrais ni pesticides, les vers de terre font un travail extraordinaire.

Finis aussi les brûlis agricoles, dont souffrent les Indiens ; en effet, on utilise les paillis pour protéger la terre, et conserver la fraîcheur des arrosages. Si les agriculteurs du Nord se mettaient à l’agriculture biologique, Dehli serait moins polluée et tousserait moins !!

Le programme agricole à zéro budget, promu par le gouvernement de l’Andhra Pradesh, n’est malheureusement pas soutenu financièrement par l’état central, car les lobbies industriels sont toujours aussi puissants et influents. Mon cher voisin Henri m’a envoyé un article pour vous qui en dit long sur les enjeux pour les humains, pour les plantes, pour nous autres les animaux, pour tout le monde dans mon pays et pour la planète :

“Lobbys industriels

Le gouvernement indien en butte à une crise agricole structurelle s’est intéressé à l’expérience de l’Andhra Pradesh. Le 9 juillet 2018, le NITI Aayog (Institution nationale pour la transformation de l’Inde), qui a remplacé la Commission au plan en 2015 après l’accession au pouvoir de Narendra Modi, a invité Subhash Palekar à une présentation de l’agriculture naturelle. Selon Palekar, la majorité des participants − des scientifiques du Conseil indien de la recherche agricole et d’universités agricoles d’Etat et le ministre de l’agriculture − auraient convenu que l’agriculture naturelle était la seule alternative disponible pour doubler le revenu des agriculteurs d’ici à 2022, une promesse électorale que Narendra Modi avait faite à son arrivée au pouvoir en 2014.

Ce programme, lancé et piloté par Vijay Kumar, ancien haut fonctionnaire et conseiller à l’agriculture du gouvernement de l’Andhra Pradesh, a déjà séduit sept cents mille paysans et travailleurs agricoles.

Mais c’était sans compter les lobbys industriels. Dans un livre à paraître en mars, aux Presses des Mines, Bruno Dorin, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), qui travaille depuis deux ans avec le RySS sur une « prospective à 2050 de l’agriculture naturelle en Andra Pradesh », raconte comment l’Académie nationale des sciences agricoles indienne a entravé la généralisation de l’agriculture naturelle en Inde.

Dans un courrier de trois pages envoyé à Narendra Modi, en septembre 2019, le président de cette académie explique que, après une journée d’étude avec soixante-dix experts comprenant des industriels, les participants ont conclu que « le gouvernement de l’Inde ne devrait pas investir inutilement des capitaux, des efforts, du temps et des ressources humaines pour promouvoir le ZBNF en raison de l’impossibilité technique du pays à explorer cette technologie non démontrée et non scientifique ».

Quelques semaines plus tard la presse rapportait que « le gouvernement Modi soutient le ZBNF mais n’a pas de budget pour le promouvoir ». Vijay Kumar connaît toutes ces résistances et sait que sa « démarche est difficile », mais dit-il « si nous ne le faisons pas, nous allons vers une catastrophe »”.

Avec tous les animaux de l’Inde, je soutiens ceux qui protègent notre nature, et quelques jours après notre Republic Day, je leur dédie notre bel hymne national :

Quoiqu’il en soit, chers enfants, je suis sûre que l’avenir de notre planète se joue ici, en Inde, comme chez vous, et aussi en Amazonie, avec cette prise de conscience que chaque plante, chaque arbre, chaque être vivant doit être protégé, soigné, choyé.

Je compte sur vous pour bien cultiver votre jardin.

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Le plus grand fabricant de vaccins au monde, à Pune en Inde”

Chers enfants,

J’ai appris par mon cher voisin Henri que la campagne de vaccination est commencée chez vous, depuis quelques jours et que les personnes âgées sont prioritaires.

Elles se rendent à la clinique ou à l’hôpital de Boulogne-sur-mer pour être vaccinées.

Je pense que vous allez devoir attendre quelques mois, les enfants, car les fabricants de vaccins n’arrivent pas à fournir la demande.

Je vais vous emmener à 1300 kilomètres de chez moi, à Pune, une grande ville de plus de trois millions et demi d’habitants, où se trouve le plus grand fabricant de vaccins au monde, “Serum Institute of India”. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article à propos de cette ville si innovante :

Pune (marathi : पुणे), aussi appelé Poona (son nom officiel jusqu’en 1978) et anciennement nommée Punevadi (son nom avant la colonisation britannique), est la deuxième ville de l’État indien du Maharashtra après Bombay, à 120 km au sud-est de laquelle elle se situe, et la huitième plus grande métropole d’Inde. Ses 3,75 millions d’habitants, les Punekaris, parlent dans leur grande majorité le marâthî.

Ancienne capitale de l’Empire marathe, elle est considérée comme la capitale culturelle de l’État et elle possède une université, des facultés et centres d’enseignement renommés lui valant le surnom d’« Oxford of the East ».”

Tiens tiens, l’Oxford de l’Est !!

Ce n’est peut-être pas un hasard si le “Serum Institute” à Pune, le plus grand fabricant de vaccins au monde produit des millions de doses du vaccin contre le covid-19 Covishield, développé par Astra Zeneca et l’université d’Oxford !!

Notre ami Francis, qui m’a envoyé une très gentille lettre, me racontant son séjour en Inde, en 1968, avait été accueilli à Poona, nom officiel de Pune jusqu’en 1978. Je suis sûre que Francis ne reconnaîtrait pas la ville, plus de cinquante après !!

Ville universitaire et ville où se trouvent les grandes entreprises de mon pays, Pune est, après Bengalore, considérée comme la deuxième “sillicon valley” indienne. C’est une ville où il fait bon vivre, elle est surnommée “la capitale indienne de la culture”.

On pourrait aussi dire que Pune est la capitale du vaccin Anti Covid-19.

Le “Serum Institute” de Pune va contribuer, grâce à la fabrication du vaccin contre le Covid-19, à un prix très avantageux (environ deux euros la dose) à vacciner les populations des pays en développement.

Le “Serum Institute” d’Inde, le plus gros producteur de vaccins au monde, a indiqué qu’il fabriquait chaque mois entre cinquante et soixante millions de doses du vaccin d’AstraZeneca.

L’incendie dramatique dans l’un des bâtiments de “Serum Institute”, le 21 janvier dernier, a braqué nos regards sur cet établissement dont beaucoup ignoraient l’existence.

Comme je vous l’ai dit, en Inde, comme dans de nombreux pays, les gens n’ont pas de sécurité sociale, aussi, face à la pandémie, ils sont défavorisés par rapport aux pays riches. Mais grâce à l’efficacité de l’industrie pharmaceutique indienne, les pays voisins de l’Inde vont être approvisionnés en vaccins :

Cette solidarité n’est-elle pas la marque, cher Francis, de la fraternité en action. Une fois de plus, c’est rassurant de voir cette volonté de se faire du bien, plutôt que le chacun pour soi !!

Le Premier ministre Narendra Modi a déclaré plus tôt samedi que le pays était prêt avec deux vaccins Made in India pour protéger l’humanité, ajoutant que le monde entier n’attendait pas seulement les vaccins, mais regardait également comment l’Inde gère le plus grand programme de vaccination au monde. «Étant la pharmacie du monde, l’Inde a fourni des médicaments importants à tous ceux qui en avaient besoin dans le monde dans le passé et le fait également maintenant. Le monde n’attend pas seulement les vaccins indiens, mais regarde également comment l’Inde gère le plus grand programme de vaccination au monde».”

Je vous parlais fin décembre, dans ma lettre, des pionniers de la recherche au service de l’humanité trouvant les vaccins mettre fin aux pandémies. Je suis fière que l’industrie pharmaceutique de mon pays soit aussi performante pour nous aider à sortir de la crise sanitaire actuelle.

Chers enfants, en attendant qu’une très grande partie du monde soit vaccinée, je vous invite à respecter les règles de distanciation sociale :

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Les voies du surnaturel”

Chers enfants, comment allez-vous ?

Hier je vous écrivais pour vous dire que mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grand-mère et mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grand-père étaient à la fois hippopotame-éléphant-tortue d’après vous autres, les humains.

J’en suis toute tourneboulée, si c’est vrai, c’est tellement chavirant. J’ai du mal à y croire.

Mon cher cornac, Mister Kuttan, a vu ce matin mon état de confusion. Déposant les pousses à mes pieds pour mon petit-déjeuner, Kuttan m’a expliqué qu’il ne faut pas que je m’inquiète, que si c’est vrai ce n’est pas une mauvaise nouvelle, que l’idée d’un au-delà de soi, très différent, peut impressionner mais n’est pas forcément un signal de danger.

Kuttan m’a dit que cela s’appelle, chez vous autres les humains, le « surnaturel ».

Kuttan et Henri m’ont raconté qu’une personne de mon pays réalisateur de film pour le cinéma : Mister Night Shyamalan, était reconnu dans le monde comme l’un des plus grands inventeurs d’histoires mêlant réalité et imagination.

Henri m’a dit que vous autres, les humains, adoraient ces histoires qui racontent qu’il y a des choses qui se passent, et qui sont inexplicables. Ainsi dans mon pays, les humains ont créé des illusions incroyables, que vous appelez « les tours de magie ».

Parmi ces extraordinaires moments regardés avec attention par les humains, Emmanuel me dit qu’il y a un tour de passe-passe fameux appelé « la corde indienne », inventée par vous voici deux cents ans.

Hummmm, que vous êtes bizarres. Nous autres, les animaux, ne pourrions croire de telles balivernes.

Emmanuel me dit que je me trompe, que nous aussi, les animaux, sommes sensibles aux voies du surnaturel. Ainsi de ces singes, orang-outang et chimpanzés, qui réagissent bellement aux tours que leur proposent des magiciens :

Oui, bon, ce sont les singes. Plein d’autres animaux sont assez intelligents pour ne pas tomber dans ces embrouilles.

Que nenni ; Emmanuel me dit que des oiseaux, les « geai », sont très intéressés aussi par les tours de magie, et vous autres les humains réfléchissez par conséquent à la capacité d’animaux de croire. Ce serait un nouvel exemple de notre intelligence.

Et nous, les éléphants ?

Henri me dit que nous avons beaucoup travaillé avec le plus célèbre des magiciens, Mister Houdini. Ma cousine Jennie, sa complice, a éberlué le public en disparaissant d’un coup, sans explication plausible.

Henri et Emmanuel me disent que Mister Houdini a beaucoup travaillé avec nous autres, les éléphants, pour émerveiller les spectatrices et spectateurs de ses shows aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde.

Hummm, très intéressant.

Chers enfants, moi l’éléphante curieuse de tout, me dis que mon pays : l’Inde, est sans doute un des endroits dans le monde où l’on aime rêver au surnaturel. Ce n’est pas que mon pays soit déconnecté des réalités, c’est plutôt que nous apprécions sentir à tout instant qu’il y a des forces qui nous dépassent, et qu’il faut les prendre en compte pour que la vie soit plus agréable à vive.

Chers enfants, je vous envoie pour y penser deux musiques surnaturelles, l’une de mon pays, avec à la baguette Mister Ravi Shankar (comme quoi, la magie : ça s’apprend)… :

…. L’autre musique vient d’un pays à côté du mien. Mister Nusfrat Fateh Ali Khan enseigne à un enfant l’art de chanter comme nul autre pareil :

Vive la magie, vive l’émerveillement,

A lundi chers enfants,

Bisous,

Shila

Lettre de Shila : “Au-delà de moi (les dinosaures)”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Ce matin, broutant mes chères pousses apportées par Kuttan, je pensais à votre admiration pour ma grandeur. J’en rougissais, moi l’éléphante timide ; je suis à chaque fois gênée que vous me rappeliez que je suis beaucoup plus grande que vous.

Mon cher voisin Henri, voyant mes joues rougies par tant de complexe, m’a chuchotée que des animaux avaient vécu bien avant moi, et pouvaient être bien plus grands que je le suis.

Emmanuel, alerté par Henri de mes états d’âmes, a dit à Henri que ces animaux extraordinaires vous fascinent, et que vous aviez avec des artistes réfléchis à leur offrir des Maisons à la hauteur de leur gabarit :

Comment se peut-il que de si grands êtres n’existent plus au moment où je vous écris ? C’est vrai quoi, plus on est grand, plus on est fort.

Henri et Emmanuel m’ont expliqué que la taille n’y fait rien.

Mister Darwin dont je vous parlais hier a permis de comprendre aux humains qu’aussi puissant soit-on, le monde change et avec lui des espèces que l’on croyait puissantes peuvent disparaître, permettant à des beaucoup plus petites que soi, qui elles, ont pu survivre, d’engendrer à leur tour.

Emmanuel me dit que, du coup, les humains se souviennent des dinosaures par les os qu’ils trouvent régulièrement dans la terre.

Ainsi dernièrement d’une découverte incroyable à près de seize mille kilomètres de chez moi, en Argentine : des archéologues ont découvert le plus grand des plus grands dinosaures jamais repéré jusque-là.

Cette créature fait au moins huit fois ma taille ! Ouille ouille ouille.

Mais… Les dinosaures étaient-ils tous immenses ?

Emmanuel me dit que non, que les humains avaient découvert aussi des dinosaures super petits, plus petits que la taille d’une grenouille.

Ah bon ?

Et, est-ce que dans mon pays existaient aussi des dinosaures ?

Mon cher voisin Henri m’a dit qu’il y en avait plein, et que la star des dinosaures en Inde a été nommé « Rajasaurus » par les humains tant il les a impressionné :

Comme vous, chers enfants, les indiens sont passionnés par les dinosaures. Ainsi, une princesse a-t-elle décidée de consacrer sa vie à leur mémoire.

Je comprends que, comme les vaches et nous autres, les éléphants, les dinosaures sont devenus pour beaucoup des animaux sacrés.

Mais alors, si c’est tellement important, est-ce que vous autres, les humains, avaient vécu avec des dinosaures ?

Emmanuel me dit que ce n’était pas possible, que les humains sont apparus sur la Terre après la disparition des dinosaures. Emmanuel me dit que les dinosaures restent importants pour les humains, au point d’essayer de les à faire revivre au moyen de l’ADN dont je vous ai parlée dans une précédente lettre :

Reste à savoir si cette nouvelle coexistence serait de bon aloi, ce n’est pas sûr d’après ce que j’en comprends.

Et moi, l’éléphante ? Est-ce que mes ancêtres ont vécu au temps des dinosaures ?

Henri et Emmanuel m’ont dit que vous autres, les humains, pensez qu’un lointain, lointain aïeul éléphant, prénommé « Lisowicia bojani », à la fois moi, à la fois hippopotame et à la fois tortue, vivait avec les dinos.

Ouille ouille ouille, quel drôle de tête devaient avoir mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grand-mère et mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grand-père.

Mes chers enfants, je trouve cette aventure de la vie décidemment troublante mais passionnante, et vous propose d’écouter avec moi cette musique rigolote pour nous encourager à poursuivre la recherche de qui nous sommes :

Je vous embrasse très fort,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Cher Mister Darwin, je vous écris cette lettre”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Ce matin je regardais comme à mon habitude mon petit pré avec beaucoup d’attention.

Vous le savez, je suis très curieuse.

Je dois vous dire que, depuis la lettre d’avant-hier au sujet de la coopération entre animaux, entre humains, je vois mon cher lieu de vie avec un œil un peu différent.

Ce qui m’intéresse désormais est de savoir qui va aider l’autre, qui ne va pas le faire.

Et bien j’ai compté ce matin les situations où quelqu’un ou quelque chose fait du bien avec quelqu’un d’autre, quelque chose d’autre ; à mon grand étonnement, j’en ai repéré beaucoup, beaucoup plus que des situations où il ne se passe rien.

Je trouve cela pas mal de voir le monde avec cette paire de lunettes là.

Mon cher voisin Henri m’a expliqué que les humains avaient radicalement changé de regard sur le monde depuis les recherches d’un Monsieur appelé Charles Darwin.

Si j’ai bien compris, Mister Darwin a aidé tout le monde à s’apercevoir que le sens de la vie, ce n’est pas la Loi du plus fort, l’écrabouillement : le sens de la vie, c’est la capacité à faire avec d’autres que soi.

Hummm, cela m’intéresse beaucoup.

Je me suis renseignée sur ce Monsieur Darwin.

De découvrir son histoire m’a donné envie de lui écrire une lettre, au nom de tous les animaux, de tous les humains, de tous les végétaux, de tous sols qui nous portent.

Je me permets, chers enfants, de vous la faire partager.

Oh, je sais bien que Mister Darwin ne me répondra pas, mais comme je me dis que l’important n’est pas tant d’être lue que d’écrire pour dire ce que l’on vit, ce que l’on ressent, et bien j’ai pris beaucoup de plaisir à rédiger cette lettre en notre nom à tous.

« Cher Mister Darwin,

Je m’appelle Shila. Vous ne me connaissez pas, mais je sais que dans vos travaux, vous avez beaucoup pensé aux animaux, aux plantes, aux sols et leurs relations. Je suis une éléphante, et je vis au XXIème siècle dans un pré en Inde.

Certes vous n’êtes jamais venu dans mon pays, mais je sais aussi que vous vous y êtes beaucoup intéressé pour réfléchir à votre théorie de l’évolution des espèces.

Excusez-moi, je suis une éléphante parfois trop indiscrète, mais je me dis que votre si grand intérêt pour le vivant, ses conditions d’épanouissement, sont peut-être dues à votre expérience parentale, compliquée ?

Je pense à votre fille Anne, disparue trop tôt.

Sachez, cher Mister Darwin, que je l’embrasse très fort, où qu’elle soit maintenant.

J’ai beaucoup apprécié les dessins de vos enfants, qu’ils ont avec votre autorisation et bienveillance inscrits dans vos carnets de recherches. C’est tellement chouette d’inviter le regard de l’enfant dans des pensées d’adultes si sérieuses.

Je dois vous dire que, comme vous, chaque jour je partage avec des enfants. Les miens sont d’un autre pays, la France.

Je trouve cette façon de vivre avec d’autres que soi si passionnante, si enrichissante. Je comprends très bien votre curiosité pour ce qui nous lie et nous relie.

Au moment de vos travaux tellement importants, des français ont parcouru le mien, pour confirmer vos analyses préparant la théorie de l’évolution.

Ce ne furent pas que des français ; vos compatriotes anglais ont aussi beaucoup regardé les plantes de mon pays pour voir grâce à vous les relations de coopération entre espèces.

Vous ne connaissez pas ma copine Jis, mais veuillez bien croire, cher Mister Darwin, que son travail quotidien marche dans les pas de votre pensée.

Je sais que vous n’étiez pas du tout content de la façon dont certains de vos contemporains ont totalement déformé vos travaux dès leur publication, laissant croire qu’ils faisaient l’éloge de la Loi du plus fort, comme si tout ce qui vit est appelé à disparaître au nom d’une nécessité que vous n’avez pas observé :

Je ne sais si cela vous consolera, mais sachez, cher Mister Darwin, que bien d’autres humains n’ont pas reconnu ces interprétations fallacieuses, et en sont même en colère tant elles peuvent justifier des souffrances si l’on n’y prend pas garde.

Cher Mister Darwin, nous ne sommes pas du même siècle, aussi je ne pourrais pas vous rencontrer pour vous le dire in vivo ; sachez que moi l’éléphante, mais aussi les animaux, les humains, les enfants, les végétaux, les sols sur lesquels nous vivons, bref : le vivant, pensons à vous pour exprimer notre gratitude.

Je vous envoie cette image de pensée : vous, cher Mister Darwin, en train d’explorer avec un enfant des contrées incroyables durant vos expéditions scientifiques (cet enfant a perdu un bras lors d’une bataille terrible entre adultes)  :

Bien à vous,

Shila »

Chers enfants, vive Mister Darwin.

Rien ne disparaît ; tout existe sous bien des formes si l’on veut y prêter attention.

Je vous embrasse très fort,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Happy Republic Day”

Chers enfants,

Comme je vous l’ai déjà dit, janvier est un mois où les fêtes commencent et se multiplient chez moi. Chaque village, au Kerala, organise sa fête, les rues sont décorées, enrubannées, les sonos marchent à fond… !!!

Les écoles font aussi leur fête, avec spectacles, danses.

Il en est de même pour les familles, beaucoup de mariages sont célébrés en janvier et février.

Mais la grande fête nationale, c’est le « Republic Day » qui a lieu chaque année depuis 1950, à sa date anniversaire le 26 janvier.

Le « Republic Day » est l’une de nos trois fêtes nationales :

26 janvier : Republic Day

15 août :    Independence Day

2 octobre :  Anniversaire de Gandhi (Gandhi Jayanti)

Autant vous dire que je partage la joie des enfants qui se rendent à leur école pour fêter ensemble le Republic Day, le drapeau indien va être levé et les enfants vont chanter l’hymne national de l’Inde :

Autant vous dire encore que les enfants vont ensuite être récompensés de leur participation en recevant des bonbons !! Me concernant, Kuttan, mon cornac adoré, va aussi me gâter avec une grosse boule de sucre de canne et un régime de bananes !!

Bien sûr, chaque village de l’Inde fête le Republic Day, mais il faut expliquer ce qu’est le Republic Day. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article qui raconte bien ce jour si important :

Le Republic Day est l’une des trois fêtes nationales en Inde et est célébré le 26 Janvier. Ce jour commémore l’entrée en vigueur de la Constitution de l’Inde en 1950. On vous raconte un peu.

Un jour férié à l’image du 14 juillet français :

Le 26 Janvier marque l’entrée en vigueur de la Constitution de l’Inde, qui remplace ainsi le “Government of India Act”, mis en place par les Britanniques alors que l’Inde était encore une colonie. Ce jour est à ne pas confondre avec le 15 août 1947, proclamation de l’Indépendance de l’Inde. Par la suite, une constitution a été réalisée en anglais et en Hindi, promulguée le 26 janvier 1950.

Le Republic Day est aujourd’hui un jour férié célébré partout en Inde, mais mieux vaut voir la parade à Delhi : Un défilé militaire est organisé sur Raj Path, avec notamment le Camel Corps (le corps d’armée à dos de chameaux), des éléphants à baldaquins, des dromadaires, des tableaux vivants, des avions et des troupes de danse. Le Premier Ministre Indien participe à l’évènement en compagnie d’autres ministres. La Parade est suivie et diffusée par la télévision nationale. Concernant les tableaux (scènes historiques, traditionnelles, ou autres pour montrer la diversité et la richesse culturelle de chaque Etat Indien), le ministère de la défense a annoncé en avoir sélectionné 22 parmi 56 proposés par les Etats, le même nombre que l’an dernier.”

Vous vous souvenez sûrement de la très belle lettre (mes chevilles enflent) que je vous ai envoyée sur l’éléphant volant :

C’était lors de la Parade du Republic Day à Delhi, il y a cinquante ans ; quelle belle réalisation que de faire voler un de mes cousins !!

Cette année, j’ai entendu dire que c’est des avions Rafale, que mon pays a acheté à la France, qui vont être les vedettes de la parade !! Excusez-moi, chers enfants, mais je regrette le temps où l’on nous faisait voler, c’était plus poétique !

Bien sûr, il y a toujours la Parade avec de très jolis tableaux, avec des éléphants, des chameaux, des acrobates sur les motos royal enfields

Chaque année, l’Inde invite un chef d’état étranger à la fête du Republic Day, il participe aux célébrations auprès du premier ministre de l’Inde. Je sais par Henri que la France a été l’invitée d’honneur cinq fois depuis 1950, représentée par Giscard, Chirac (deux fois), Sarkozy et Hollande.

Cette année, l’invité d’honneur était Boris Johnson, représentant le Royaume-uni, mais en raison de la crise sanitaire et du satané virus, l’invité d’honneur sera absent pour la première fois depuis 1966 !!!

Comme vous le voyez, chers enfants, la fête a tellement d’importance dans mon pays que nous participons tous, chacun à son niveau. Mais on m’a dit que la constitution indienne, entrée en vigueur, il y a soixante et onze ans, est une garantie pour la démocratie dans mon pays. Ce qui est arrivé à Washington, loin de chez moi, le 6 janvier, montre bien que la démocratie est fragile !!

Je lève ma trompe et bats mes oreilles pour que vive la démocratie de mon pays !!

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Face au chacun pour soi, la coopération, le vivre ensemble”

Chers enfants,

Mon cornac bien aimé, Kuttan, m’a donné des gâteries ce matin, du sucre de canne en boule, un régime de bananes et des ananas, tout cela me met en forme pour réfléchir et philosopher sur la coopération, la participation, le vivre ensemble.

Je peux observer, avec mes petits yeux pétillants, comment les plantes s’entraident pour se développer, comment mes cousins de la montagne protègent leurs petits…, comment ils contribuent à protéger leur environnement en semant les graines par leurs bouses…. La forêt est l’habitat qui héberge et nourrit tellement d’animaux et de plantes et qui est le poumon qui nous oxygène.

Je vous ai parlé des mangroves du Kerala, qui forment une protection contre les tsunamis, un habitat pour les oiseaux et un lieu de reproduction pour les poissons et crustacés…les pêcheurs et agriculteurs sont conscients de l’importance de la mangrove.

Le poivre, épice qui parfume le Kerala, et aussi le monde entier, ressemble à une liane grimpante ; savez-vous qu’il s’appuie sur un arbre tuteur, car l’arbre vivant lui donne l’ombre dont il a besoin ?

Autour de moi, je vois des centaines d’arbres sur lesquels grimpent la plante.

Dans la montagne, à 50 kms de chez moi, à Vagamon, il y a des plantations de thé : là aussi des arbres sont plantés au milieu des théiers, (ces petits arbustes dont la feuille séchée fait le thé, cette boisson réputée). Ces arbres ont pour fonction de donner un peu d’ombre aux théiers.

Près des plantations de thé, pousse la cardamome, cette épice si réputée, au parfum envoûtant. La cardamome pousse dans les sous-bois, elle a besoin de l’ombre des grands arbres et de l’humidité tropicale des ghats du Kerala.

Cette interdépendance entre les plantes, les arbres, les animaux et les humains, c’est l’histoire de la vie, nous avons besoin des autres… Des exemples comme ceux que je vous ai donnés, vous pouvez vous-même les observer en nombres autour de vous.

Observez les pucerons, se nourrissant des feuilles tendres du jeune pommier, poirier ou rosier, vous verrez les fourmis grimper le tronc de l’arbre pour aller coopérer avec les pucerons voraces. Le jardinier, qui n’apprécie pas cette attaque de ses arbres, va trouver une parade en apportant des coccinelles qui vont manger les pucerons. Tout cela fait partie des interactions de la nature.

Cette belle coopération, parfois contrariée, existe bel et bien chez vous, les humains, malgré les courants de pensée qui aimeraient faire de l’humain un individu sans lien avec les autres humains ou la nature. Seule la compétition et la rentabilité sont mises en avant !!

J’ai la chance d’avoir autour de moi des humains qui savent faire valoir le droit et qui ne s’en laissent pas conter. La coopération entre eux n’est pas un mot vide de sens, les valeurs que sont la solidarité et la fraternité, que vous, en France, avez pour devise (Liberté, Égalité et Fraternité), sont défendues avec force.

Ici, en Inde, le collectif a toujours été valorisé ; un de nos grands poètes, Tagore, prix Nobel de littérature, comparait le collectif à un fagot de branches : une branche seule est facile à briser, à casser en morceaux, par contre, il est impossible de de casser un fagot en deux !

Le Kerala est un lieu de résistance permanente, les entreprises financières néolibérales voudraient réduire au silence les syndicats. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article racontant cette lutte :

Ralentir les activités syndicales militantes unSunil

Les questions liées au syndicalisme militant ne sont pas nouvelles au Kerala. Cela existe depuis des siècles et jusqu’à présent aucun gouvernement n’avait lancé de mesures pour réduire cette menace. Il est un fait connu que les entrepreneurs ou les entreprises hésitent à investir ici ou à lancer de nouvelles entreprises car l’État est bien connu pour son militantisme syndical.

À moins que ces syndicats ne soient contrôlés et limités, les choses ne changeront jamais. La nouvelle génération de cet État devrait se montrer à la hauteur et faire en sorte que les partis politiques soutenant les syndicats militants ne puissent pas arriver au pouvoir. Il est temps de se débarrasser de ces rats et de ces marmots de l’État si nous voulons voir le développement se produire…

Au Kerala, le syndicalisme fait partie de l’ADN des gens, quand ils ne supportent pas une forme d’injustice, ils s’unissent pour la combattre ; vous vous rappelez ma lettre sur la lutte menée contre coca cola qui les privait de l’eau et polluait leur environnement :

Vous vous souvenez aussi du combat contre Bayer India, cette multinationale qui a empoisonné humains et animaux dans le district de Kasarkod, au Nord du Kerala, avec un pesticide appelé “endosulfan” :

La culture du conflit qu’il faut gérer, c’est vraiment une tradition chez nous, rappelez-vous la chaîne humaine où des millions de femmes se tenaient ensemble sur plus de 600 kms, du Nord au sud du Kerala, il y a 2 ans. Elles soutenaient la décision de la cour suprême de l’Inde qui leur permettaient d’entrer dans le temple de Sabarimala, alors que les traditionalistes hindous leur interdisaient l’entrée :

Autant vous dire, chers enfants, ma réelle fierté voir que, chez moi, les gens restent vigilants et que les manipulateurs de tout poil, qui tentent de nous mener par le bout du nez, n’ont qu’à bien se tenir.

Je suis sûre, chers enfants, que vous aussi, vous restez vigilants, que vous apprenez l’esprit critique et que vous ne vous en laissez pas conter !!

Je suis sûre que vous pouvez me donner de nombreux exemples où vous vous donnez la main, où vous vous encouragez et entraidez, dans une relation d’amitié.

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Animaux Graffitis Bunkers”

Bonjour chers enfants, avez-vous profité ce week-end d’un moment pour aller sur la plage non loin de chez vous, du côté du Mont Saint-Frieux ? Emmanuel me dit que vos éducatrices et éducateur vous proposent d’y marcher entre mer et dunes de temps en temps pour s’aérer, regarder les magnifiques paysages.

Henri et Emmanuel me disent que sur cette plage se trouvent des drôles de maisons, construites il y a bien longtemps durant une guerre terrible. Henri et Emmanuel me disent que par chez vous, il y a plein de ruines de ces maisons, appelées « bunkers ».

Dans mon pays je ne connais pas de telles maisons, je suis toute étonnée. Henri et Emmanuel me disent que ce n’étaient pas des maisons accueillantes dont vous savez mon affection : elles étaient conçues pour faire du mal. Hummm, que je n’aime pas ça.

Henri et Emmanuel m’ont expliqué qu’aujourd’hui, des personnes cherchent à donner à ces bunkers un nouveau sens, et qu’elles font dessus des peintures pour cela :

Est-ce que des éléphants sont peints sur ces drôles de maisons ? Emmanuel m’a dit qu’un artiste talentueux en avait eue l’idée à quatre-cents cinquante kilomètres de chez vous, sur la plage d’une commune appelée Biville :

Magnifique représentation de moi, n’est-ce pas chers enfants ? J’espère qu’un jour vous irez à Biville pour m’y voir.

Emmanuel me dit que cet artiste a réalisé d’autres peintures sur ces bunkers, où l’on y peut voir par exemple un magnifique nautile (c’est une sorte de pieuvre, d’après ce que m’a dit Henri).

Henri et Emmanuel me disent que des humains trouvent que ce n’est pas bien de peindre sur ces maisons, car elles sont avant tout les témoins de la guerre atroce. Henri et Emmanuel me disent aussi que la force de la mer est telle, qu’un jour prochain ces bunkers, aussi impressionnants soient-ils, vont disparaître, submergés.

Mes chers enfants, moi l’éléphante passionnée d’Histoire, je me dis que ces peintures d’animaux sur ces drôles de maisons sont l’expression d’une volonté des humains depuis des milliers d’années pour célébrer la beauté du monde.

Je pense à cette récente découverte dans un pays à dix mille kilomètres de chez moi, en Indonésie, de l’autre côté de mon océan. Ce serait d’après vous autres les humains le premier dessin réalisé de votre part, il y a quarante-cinq mille ans : c’est un cochon !

Et, plus près de chez vous, des humains ont représenté de manière extraordinaire des animaux.

Tout comme ces bunkers, certains endroits peints de votre part il y a des milliers d’années vont disparaître, envahis par la mer.

Alors, chers enfants, si je comprends bien ceux qui n’aiment pas qu’on dessine sur ces drôles de maisons de vos plages car c’est changer l’interprétation qu’on doit pourtant leur donner, je me dis que la beauté du geste de celui qui peint reste de première importance tant c’est un acte positif :

Bonne ballade à la découverte des animaux – graffitis – bunkers chers enfants,

Gros bisous,

A lundi,

Shila

Lettre de Shila : “Le son du silence”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Pas eu trop de mal à vous endormir hier soir ? Vos éducatrices et éducateurs si bienveillants ont-ils réussi à faire revenir au calme votre maisonnée, si bien que vous ayez pu vous assoupir dans un silence de rêve ?

Dans les grandes villes de mon pays, ce n’est pas très calme, c’est même très bruyant. Je suis heureuse d’être une éléphante campagnarde, car moi qui ait de si grandes oreilles, je suis sûre que je deviendrais rapidement folle avec tant de sons :

J’admire mes cousines et cousins citadins, je ne sais comment ils parviennent à rester tranquilles. Et je ne vous parle pas de Pooram à Thrissur pas loin de chez moi. Les humains sont déchaînés ! :

Mon cher voisin Henri me dit que le Kerala est aussi prisé pour la qualité de son silence, permettant à vous, les humains, d’organiser ce que vous appelez des « retraites de méditation ». Si j’ai bien compris, c’est essayer de ne pas bouger, d’être le plus calme possible, pour tenter d’écouter la sagesse qui serait en chacun de nous.

Hummm, très intéressant. Il faut je pense être très concentrée pour parvenir à un tel degré de paix intérieure.

Emmanuel m’a expliqué un phénomène incroyable, que je ne savais pas. Les humains ont découvert que le silence absolu, si l’on n’y prend pas garde, peut rendre fou tout être vivant au bout d’à peine quarante-cinq minutes.

Si j’ai bien compris, des scientifiques et des ingénieurs recherchent à travers le Monde le « silence absolu » afin de voir si cela peut servir le bien-être de toutes et tous :

Une de ces recherches a montré que le « silence absolu » ne pourrait exister même si tout autour de nous, il n’y avait aucun son.

Ah bon ?

Bah oui : Emmanuel m’a expliqué que le son du battement de notre cœur, ou de celui de notre respiration, seraient même dans ces circonstances absolument désagréable.

Moi l’éléphante philosophe, je me demande bien comment nous pourrions dès lors définir le silence. Il ne semble pas vraiment pouvoir exister. Henri et Emmanuel me disent que c’est, effectivement, un casse-tête, et que beaucoup d’humains se penchent sur cette question épineuse depuis des centaines et des centaines d’année. Toute la difficulté, si j’ai bien compris, est de savoir faire la différence entre « le silence », « le néant », « le rien », « le vide ».

Ouille ouille ouille, j’en ai mal à la tête rien que d’y penser.

Je préférerais aller dans l’espace à bord d’une des fusées de mon pays : au-moins là-haut, il n’y’a rien et ce serait plus aisé de vivre dans le silence.

Emmanuel me dit que je me trompe ; les humains ont découvert que l’univers est aussi très bavard.

Ah, mes chers enfants, je comprends que même si parfois c’est pénible (ça fait mal aux oreilles, on en a la tête farcie), le bruit, c’est la vie.

Je vous propose cette solution, trouvée notamment par des moines habitant dans les immenses montagnes au Nord de mon pays ; puisque nous avons besoin de bruit pour vivre, autant l’organiser en jolis sons pour trouver les voies de la sérénité :

Je vous embrasse très fort,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Always the Sun”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Henri m’a dit que samedi vous avez pu profiter de la neige pour bien vous amuser. Mon cher voisin Henri me dit qu’en ce moment par chez vous les températures sont vraiment frisquettes, l’Hiver est donc digne de ce nom.

Hier je vous parlais des fêtes que nous organisons dans mon pays en ce moment pour fêter la journée la plus courte de l’année : le solstice d’Hiver. Emmanuel me dit que vous autres, les humains, avez remarqué une curiosité l’année dernière : notre Terre a tourné plus vite sur elle-même, du coup la journée la plus courte de l’année est un peu plus courte que les journées les plus courtes.

Ouille ouille ouille, que c’est bien mystérieux tout cela.

Cela va vous paraître au moins tout aussi bizarre, mais les températures par chez moi n’ont rien à voir avec les vôtres. A Kurichithanam, mon village, les températures hivernales sont dignes d’un très bel Eté chez vous.

Henri me dit que le mois prochain, les températures devraient encore un peu augmenter.

De manière générale, il fait toujours bon vivre au Kerala ; nous sommes très habitués à une chaleur constante.

Oh, certes, il peut y avoir des gelées dans mes montagnes, mais quand cela arrive, c’est considéré comme un événement incroyable.

Vous devez vous dire que lorsqu’il y a, dans le sens inverse de la chaleur (record de températures à la hausse), cela doit être infernal. Et bien pas tant que ça finalement. Ces derniers temps, la forte canicule au Kerala a atteint 42 degrés : ce n’est pas si terrible.

Emmanuel me dit que, tout comme dans votre pays, le bulletin météo de mon pays est parmi les émissions télévisées les plus regardées par mes compatriotes. Je ne résiste pas à l’envie de vous montrer le bulletin de vendredi. C’est passionnant n’est-ce pas ? :

Moi l’éléphante curieuse, je me demande comment se fabriquent les températures sur notre Terre. Est-ce que ce sont vos radiateurs ou vos frigos qui expliquent cela ? Emmanuel m’a envoyé pour vous un film qui raconte bien les mécanismes de ce que vous, les humains, appelez le « climat » :

Si je comprends bien, au cœur de ces lois de la physique incroyables, une étoile, que vous appelez « le soleil », joue un rôle central :

Je comprends que ce soleil est notre ami, sans lequel nous ne pourrions exister. Pourtant, à le regarder d’un peu plus près, je le trouve bien tumultueux :

Emmanuel me dit que vous autres, les humains, avaient récemment envoyé un robot qui ne sera vraiment pas loin du Soleil pour mieux comprendre encore comment il fonctionne.

Cher robot, même si les humains t’ont façonné pour que tu puisses résister aux températures infernales si près de notre étoile star, je t’envoie des bisous pour que tu saches te protéger du mieux possible. Bonne chance, cher « Parker Solar Probe ».

Mais au fait, si le soleil est une étoile, ça veut dire qu’il y a plein de soleils au-dessus de nos têtes ?

J’ai essayé de les compter hier soir, alors que le ciel était dégagé au-dessus de mon petit pré. J’ai arrêté au bout de 54, je n’en pouvais plus. Emmanuel me dit que seules des machines commencent à nous dire combien il y aurait de soleils dans l’espace. C’est un chiffre phénoménal.

Devinez… 300 000 000 000 000 000 000 000 !

Mes chers enfants, je trouve le soleil fascinant et vous propose de vous joindre à moi pour le célébrer en chantant tous ensemble ce refrain : « Always the Sun » 😊

Gros bisous les enfants,

A demain,

Shila