Archives de catégorie : la bise de shila

Vive la forêt des Maisons

Chers enfants,

Voilà déjà une année écoulée depuis ma dernière lettre, que le temps passe vite…

Tout d’abord je tiens à saluer les enfants avec qui j’ai eu le bonheur d’échanger pendant la période de la pandémie du COVID. Je pense particulièrement à Yannelle, Ethan, Claude, Lilian, Brandon, Killian et Stacy, dont j’ai gardé les lettres et les dessins. 

Ici, à Kurichitanam, mon village au cœur du Kerala, la vie a repris son cours comme avant la pandémie, après deux longues années au ralenti, j’ai repris mes activités, je continue mon travail d’éléphante forestière et je rencontre toujours beaucoup de monde qui s’arrête pour m’admirer, moi la jolie éléphante, image vivante de Ganesh.

Les touristes sont à nouveau de retour et mon petit pays, le Kerala, qui, avec ses paysages sublimes, composés de lagunes, les backwaters, de sa côte Malabar, avec ses épices, ses plantations de thé, ses montagnes, ses forêts tropicales où vivent mes cousins.., ce petit état qui attire les gens du monde entier.

J’ai régulièrement de vos nouvelles par mes amis Emmanuel et Henri et je suis vraiment pleine d’admiration pour ce que vous réalisez, en lien avec la nature, les arbres.

“Les méandres du baobab”, votre spectacle en juillet, cette année, a été un grand moment d’enchantement.

La création de la forêt des maisons me passionne particulièrement, c’est pour cela que je tiens à vous adresser ma nouvelle lettre.

Dans de précédentes lettres, je vous ai parlé de personnages passionnés qui ont planté des milliers d’arbres comme Abdul Kareem et Plavu Jayan.

Aujourd’hui, c’est vous mes chers enfants que je veux saluer et honorer, ainsi que les adultes qui vous accompagnent dans la plantation de centaines d’arbres à la Ferme de Bertinghen à St Martin Boulogne.

Je suis sûre que, d’ici quelques années, votre forêt aura le même effet attractif que mon petit pays paradisiaque.

Emmanuel m’a expliqué que cette forêt des maisons, appelée aussi jardin des maisons se situe à la ferme de Bertinghen à St Martin Boulogne.

Vous êtes entourés d’adultes experts en botanique et en création de forêt, Juliette, Marion et Benoit, avec qui vous apprenez beaucoup sur les plantes, les arbres, leurs essences…, je suis très admirative, c’est un peu comme moi quand j’écoute les explications de Kuttan, mon cornac adoré, ou de Jis, ma botaniste experte des orchidées, des plantes et arbres tropicaux.

Les experts sont importants, mais il faut aussi des volontaires pour les planter : j’ai cru comprendre que de nombreux bras sont venus contribuer déjà à la plantation des arbres, les enfants du conseil municipal des jeunes, de St Martin Boulogne, des lycéens de l’école agricole de Coulogne… 

J’en discutais avec Jis, je serais allée volontiers vous donner un petit coup de trompe, mais la distance entre Kurichitanam et St Martin Boulogne, 8000 kms, est un réel obstacle à mon aide tant espérée.

Par mon petit courrier, c’est tout mon soutien que je tiens à vous apporter ainsi que toutes mes félicitations à vous, chers enfants, et à tous les adultes engagés à vos côtés et ceux qui vous ont permis de vous lancer dans le projet, comme Emmanuel le rappelait avec le soutien des fondations.

Comme vous le voyez, je suis toujours avec un immense d’intérêt intérêt la vie si intense et créative de vos maisons, j’en profite pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année et une très belle année 2023, qui verra grandir la forêt et chacune et chacun de vous.

Je vous fais de gros bisous.

Shila

Conférences du jeudi : M. Henri Villeneuve, “La médecine des arbres en Inde”

Ce 7 avril, dans le cadre de nos “Conférences du jeudi” à l’attention des enfants du Centre de jour et des équipes de nos Maisons, M. Henri Villeneuve, co-auteur des Lettres de Shila, a raconté les relations entre les arbres et les humains en Inde.

Vous pouvez écouter la conférence de Monsieur Villeneuve ici.

Voici les images et films présentés lors de cette conférence.

Les images :

Les films :

Cette conférence enrichit notre création en cours à propos du thème de notre saison culturelle.

Le site de la Ferme de Bertinghen, destiné à accueillir le “Jardin des Maisons“, a par le passé accueilli 2500 arbres plantés lors de l’opération (“L’heure bleue”), petit clin d’œil à Abdul Kareem, raconté par Monsieur Villeneuve lors de la conférence 🙂

Lettre de Shila : “La sainte famille”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Quelle est votre meilleure copine, quel est votre meilleur copain ? Moi, outre mon cher Kuttan, dans la famille animale c’est un singe. Je l’ai appelé « Minimoi » tant il est aussi curieux et philosophe que je le suis.

Minimoi vient me visiter pratiquement chaque jour, descendant de son arbre préféré, et nous devisons ensemble en grignotant mes chers ananas que m’amène Kuttan.

C’est un très beau singe, que les humains ont nommé « Semnopithecus hypoleucos ».

Minimoi est adoré des humains, même si hélas son espèce tend à disparaître des montagnes du Kerala. Je reste cependant optimiste, car en Inde, mon petit pays, les singes sont vénérés comme nous les éléphants, ou mes copines les vaches.

Ainsi, au Radjahstan, existe un temple consacré à la divinité singe :

https://www.curiosity-escapes.com/fr/jaipur-temple-singes/

Et, comme il se doit bien évidemment, tant la réalité souvent se mêle avec malice à la fiction, ce temple est très fréquenté par des singes, d’une autre espèce que Minimoi.

J’ai toujours pensé que les temples étaient comme des grandes maisons rassemblant toute la diversité du monde. Vous connaissez ma passion pour les maisons de mon petit pays :

Je dois vous dire que, depuis que j’ai découvert grâce à Henri et Emmanuel le palais idéal du facteur cheval… :

… Ma passion pour les maisons s’est agrandie pour les monuments majestueux. Ainsi du Taj Mahal, dont je vous parlais… :

… Mais aussi de « Notre-Dame de Paris » dont Henri et Emmanuel m’ont vanté les beautés :

En fait, quand je regarde Notre-Dame de plus près, je vois d’étranges créatures perchées qui sont comme des animaux peuplant les façades du temple de Jaipur.

Henri, grand voyageur s’il en est, me raconte sa passion pour une cathédrale qui, si j’ai bien compris, est dans un pays appelé l’Espagne, pas trop loin de chez vous. Elle s’appelle la « Sagrada Familia », et Henri aime à la visiter régulièrement au fur et à mesure de son édification car c’est une cathédrale sans cesse à élever dans le ciel.

Henri m’explique que Monsieur Gaudi, son créateur, a voulu créer une forêt minérale pour arcbouter les tours immenses de sa cathédrale.

Emmanuel me raconte que dans le pays à côté de chez vous, qui s’appelle Belgique, se trouve une majestueuse église à Gand où il est possible de voir l’une de plus belles peintures réalisées par un humain au Moyen-âge : « L’agneau mystique ».

Emmanuel me raconte qu’au cœur de cette peinture trône un agneau, entouré d’anges, de rois, de musiciens. Humm chers enfants, que ces temples accueillent la grande famille du vivant 😊

Je vous embrasse très fort,

Belles vacances, meilleurs vœux pour cette nouvelle année,

Shila

Lettre de Shila : “Barrages et ponts, ces ouvrages d’art en danger”.

Chers enfants,

Emmanuel et Henri m’ont dit que tout près de la ferme de Bertinghen, se trouve le viaduc d’Echinghen, ce grand pont de 1300 mètres de long, enjambant la vallée et le petit village d’Echinghen :

Ce bel ouvrage d’art a été mis en service il y a 23 ans, en 1998, très récent et en même temps déjà très altéré en raison de la corrosion d’une dizaine de ses 330 câbles.

C’est suite à l’effondrement d’un viaduc à Gênes, en Italie que votre gouvernement a publié la liste des ouvrages à surveiller, le viaduc d’Echinghen figurait en tête des structures qui nécessitaient une intervention urgente.

Chez moi, au Kerala, un très très vieux barrage, situé dans la montagne des Ghats occidentaux, sur la rivière Periyar, fait la une des journaux.

Kuttan me semble très soucieux depuis qu’il a lu le compte rendu du rapport de L’ONU sur le barrage de Mullaperiyar.

Selon un rapport de l’Université des Nations Unies, l’infrastructure du barrage de Mullaperiyar au Kerala se détériore et cela peut mettre en danger la vie de 3,5 millions de personnes.

Le rapport dit que ce barrage vieux de 126 ans doit être mis hors service, il dit qu’il a survécu dangereusement aux 50 ans de vie prévues pour les barrages.

C’est quand même une drôle d’histoire, l’histoire de ce barrage de Mullaperiyar, construit par des ingénieurs coloniaux britanniques entre 1887 et 1895, sous la direction de Mister John Pennycuick.

Le barrage, suite à un accord conclu à l’époque, entre le maharaja de Travancore et l’autorité britannique, permet de détourner l’eau vers l’est, dans l’état du Tamil Nadu, beaucoup plus sec. Le parc national de Periyar, réserve des tigres, est situé tout autour de la retenue d’eau du barrage.

Le barrage est situé dans l’état du Kerala, mais son exploitation et son entretien sont faits par l’état du Tamil Nadu, ce qui entraîne des différends sans fin, que je ne peux vous expliquer tant ils sont nombreux et compliqués. Le Kerala défend la population qui vit en aval du barrage et qui est menacée, et le Tamil Nadu défend ses intérêts…

Si vous voulez tout savoir sur cette très longue histoire, vous pouvez lire l’article complet sur le ce barrage ici.

Quoiqu’il en soit, Kuttan m’a dit que tous nos voisins discutent du devenir de notre vieux barrage, et que d’un côté il y a ceux qui sont pour le mettre hors d’usage et de l’autre côté, ceux qui sont pour le prolonger en faisant des travaux nécessaires.

Pour moi, l’éléphante philosophe, je suis tout simplement admirative devant les ouvrages d’art faits par les anciens comme les dolmens de Marayoor et de Carnac ou les ponts romains comme le pont du Gard, dont Emmanuel m’a envoyé la photo, ou encore le pont d’Avignon, dont vous connaissez la chanson.

Je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila (de la part du Petit Journal de Bombay) : “Accidents d’éléphants en Inde”

Chers enfants,

Je vous donne fréquemment des nouvelles de ma famille pachydermique, famille que j’aime, et qui se voit menacée par la déforestation, par le conflit avec des humains, braconniers ou ne supportant pas notre voisinage :

Le conflit entre les éléphants et les humains est très présent en Inde :

Les tensions qui existent entre les éléphants et l’Homme en Inde ont des conséquences fatales. On dénombre des milliers de morts et de blessés parmi la population indienne mais aussi chez les éléphants.”

Nos amis du petit journal de Bombay et du petit journal de Chennai viennent de publier un superbe article hier.

Allons donc voir ce qui se passe dans l’état du Tamil Nadu, grâce à l’enquête d’Isabelle et de son équipe très heureuses de vous la partager.

L’article fait le point sur ce conflit chez mes voisins et amis du Tamil Nadu.

Il faut savoir que la belle montagne des Ghats occidentaux où vivent mes cousins, est, dans sa partie plus au sud de l’Inde, partagée par les États du Kerala, du Tamil Nadu et du Karnataka.

Merci chère Isabelle, chère équipe.

Je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous,

A demain,

Shila

Lettre de Shila (de la part du Petit Journal de Bombay) : “Planète tigre”

Chers enfants,

Les enfants qui se rendaient à l’école KR Narayanan de Kurichithanam se sont arrêtés pour m’interroger ce matin.

Ils m’ont demandé quel est l’animal qui est le roi de la jungle : le tigre, le lion ou l’éléphant ??

Vous connaissez ma modestie naturelle, bien que je pense que c’est l’éléphante, je n’ai pas voulu trancher et je leur ai laissé le choix.

Dans la montagne des Ghats occidentaux où vivent mes cousins éléphants, vivent aussi des tigres.

Mon pays les protège depuis plusieurs dizaines d’années et grâce à cela, la population des tigres indiens augmente.

Vous savez que je suis en contact étroit et amical avec Isabelle rédactrice du Petit journal de Bombay.

Isabelle a rencontré Monsieur Geoffroy, qui a fondé « Planète Tigre ».

C’est une très belle histoire qui nous est contée, merci à Isabelle qui nous embarque dans cette planète.

Gros bisous à vous chers enfants et à Isabelle ainsi qu’à Monsieur Geoffroy pour son travail auprès des enfants et des tigres.

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “La peur”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Pas trop froid en ce moment ? Henri m’a dit que par chez-vous les frimas de cette fin d’Automne sont gratinés. Couvrez-vous bien les enfants, et aussi mangez bien car c’est un bon moyen de résister aux aléas du temps mauvais.

Moi l’éléphante gourmande et curieuse de tout mange beaucoup de végétaux différents que m’apporte chaque matin mon cher Kuttan. Vous connaissez mes chères pousses de bambou. Ces derniers temps, je me prends aussi d’une passion pour les ananas :

Il faut vous dire que nous autres, les éléphants, ne rechignons pas à découvrir de nouveaux aliments, nous sommes mêmes les animaux les plus assurés dans la découverte d’autres goûts, d’autres substances alimentaires.

Mon cher Kuttan m’a expliqué que ce n’est pas forcément le cas pour d’autres animaux. Ainsi des oiseaux ; ils sont très très méfiants et réfléchissent à deux, trois, quatre fois avant de picorer ce qu’ils trouvent au pied des arbres.

Mais, de tous les animaux, me dit Kuttan, c’est sans doute le cheval le plus peureux. Cette créature a tout le temps besoin d’être rassurée, particulièrement aux aguets et inquiète lorsqu’elle broute.

Emmanuel, qui nous téléphonait pour passer le bonjour, me dit que les enfants des humains peuvent aussi développer cette peur s’exprimant lors du repas ; l’enfant refusant soit de manger même s’il aime les aliments, soit ne mangeant que très peu, ou toujours les mêmes plats.

Parmi les causes de peur des humains repérées depuis des siècles, il y a notamment la peur des arbres, des forêts.

Hummm, cette peur ne me semble pas très raisonnable. S’il existe des êtres bienveillants et apaisants, ce sont nos chers amis sylvestres. Emmanuel me dit que les humains ont développé de fausses croyances à propos de la forêt ; elle pourrait être le lieu des pires maléfices :

Ah oui, je me rappelle de cette lettre que je vous envoyais dissertant sur les cauchemars et leur interprétation :

Avoir peur des arbres, de la forêt, c’est non pas vis-à-vis de leur méchanceté ou monstruosité, mais de l’inconnu qu’ils représentent.

Mon cher Henri, passionné des arbres, nous a raconté que les humains scientifiques viennent de comprendre récemment que les arbres eux-mêmes pouvaient avoir peur, et développer des mécanismes de défense, de protection :

Emmanuel nous dit que s’il devait avoir peur des arbres, ce ne serait que pour la seule raison de ne pas les voir renaître à la vie au printemps, et que la feuillaison tant attendue n’ait lieu :

Chers enfants, la peur est un sentiment faisant partie du vivant ; il ne faut pas avoir peur de la peur, tout au moins savoir lui parler pour qu’elle sache nous laisser vivre une vie bonne.

Je vous embrasse,

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “L’arbre et la lignée”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Hier après-midi, avec Henri, nous papotions de mes amis les arbres.

Henri venait de relire ma lettre à votre attention à propos d’Alexandre le grand et son influence en Inde :

Henri m’a dit que l’un des écrivains d’Alexandre, appelé Ctésias, avait beaucoup regardé les arbres, les plantes et essayé de les décrire.

Ah, ce cher Henri : comme Kuttan et Emmanuel, ils sont toujours à ruminer les lettres que je vous envoie, et puis ils m’en reparlent alors que je suis passée à autre chose. Bah, ça me fait plaisir quand même, mais bon, Henri : vis au XXIème siècle bon sang de bois !

Je vous avoue que j’avais un peu oublié cette lettre à propos de ma découverte de cet empereur envahissant il y a des milliers d’années ma contrée et racontant pas mal de sornettes pour renforcer sa puissance.

Henri, qui fumait sa bidî en regardant avec moi les beaux nuages de mon petit pré, me dit qu’après tout, Ctésias n’avait pas trop écrit de bobards à propos des plantes qu’il a vues lors de cette invasion.

Ainsi, me dit Henri, des acacias majestueux poussant dans le désert et décrits par Ctésias ; depuis la venue d’Alexandre, ces arbres ont essaimé par-delà mon continent et redonnent espoir à tous les humains œuvrant aujourd’hui pour l’avènement d’une muraille verte aux quatre coins du monde :

Bon, chers enfants, tout ceci, c’est de l’histoire très vieille.

Moi l’éléphante pas dupe ne suis même pas sûre que c’est vrai. Et puis, nous vivons deux mille ans plus tard. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts : ces personnes dont me parle Henri, comment vous dire… Enfin bon, c’est Henri et ses rêveries.

Henri m’a raconté alors sa randonnée du côté d’un incroyable endroit non loin de chez vous, appelé Versailles. Si j’ai bien compris, cet endroit est un haut lieu de votre pays, car s’y sont trouvés de grands rois, un peu comme chez moi du côté du Radjahstan.

Henri me raconte les arbres incroyables qu’il a pu voir, témoignant de l’association très forte entre le symbole du pouvoir royal et l’arbre.

Lors d’autres randonnées, Henri a rencontré au contraire des arbres célébrant l’abolition de la royauté.

Emmanuel, qui téléphonait pour nous passer le bonjour, papote avec Henri de ce magnifique arbre qu’ils aiment tous deux, planté non loin de chez vous voici très très longtemps lors de négociations royales entre Angleterre et France de l’époque pour tenter de ne pas entrer en guerre :

Emmanuel nous raconte qu’hier soir, il a regardé un reportage passionnant à la télévision sur l’art de faire des arbres minuscules au pays des samouraïs :

Emmanuel nous dit qu’hélas les arbres géants d’Amérique sont quant à eux gravement menacés, et que ces feux gigantesques sont désormais un enjeu fort du développement des sociétés démocratiques.

Chers enfants, l’arbre c’est la vie, c’est notre Histoire, notre héritage, nos lignées. Qu’ils vivent à jamais.

Bisous,

A lundi,

Shila

Lettre de Shila : “La réduction de la pauvreté dans mon pays”

Chers enfants,

Comme chaque matin, je vois arriver mon cher Kuttan m’apporter quelques pousses de bambou fraîches et ce matin une boule de jaggery, vous savez, ce fameux sucre non raffiné dont je raffole.

Son deepika, sous le bras, j’ai tout de suite compris qu’il avait des nouvelles sympas à m’annoncer.

Le rapport du NITI Aayog (commission politique du gouvernement indien) vient d’être publié. Le dernier rapport concerne l’éradication de la pauvreté dans chacun des 28 États et 8 territoires de l’Union.

La joie de Kuttan est devenue aussi la mienne, quand il m’a dit que mon cher petit état du Kerala était, comme d’habitude, classé le premier, la pauvreté y est pratiquement éradiquée :

États de l’Inde avec le taux de pauvreté le plus bas :

Kerala : 0,71 %

Goa : 3,76 %

Sikkim : 3,82 %

Tamil Nadu : 4,89 %

Pendjab : 5,59 %

États les plus pauvres :

Bihar : 51,91 %

Jharkhand : 42,16 %

Uttar Pradesh : 37,79 %

Madhya Pradesh : 36,65 %

Meghalaya : 32,67 %

Territoires de l’Union avec le taux de pauvreté le plus bas :

Pondichéry : 1,72 %

Lakshadweep : 1,82 %

Îles Andaman et Nicobar : 4,30 %

Delhi : 4,79 %

Bien sûr, chers enfants, vous connaissez mon chauvinisme légendaire, je lève ma trompe et bats des oreilles quand j’apprends qu’il n’y a pratiquement plus de pauvres dans mon petit état, mais mon sentiment est partagé entre joie et tristesse, car je vois que le travail reste immense pour éradiquer la pauvreté dans de nombreux États de mon pays.

Mon grand voisin, KR Narayanan, premier président dalit de l’Inde, du 25 juillet 1997 au 25 juillet 2002, dont je vous ai déjà parlé et qui fait l’admiration de mon village de Kurichithanam, ce cher président ne cessait de rappeler que l’état du Kerala, dont il était natif devait servir d’exemple, notamment pour l’éducation.

Bien sûr, l’éducation est l’un des 3 éléments importants pour mesurer l’IPM (L’indice de pauvreté multidimensionnelle), les 2 autres éléments étant la santé et le niveau de vie :

L’IPM de l’Inde a trois dimensions également pondérées, la santé, l’éducation et le niveau de vie – qui sont représentés par 12 indicateurs de nutrition, mortalité infantile et adolescente, soins prénatals, années de scolarité, fréquentation scolaire, combustible de cuisson, assainissement, eau potable, électricité, logement, avoirs et comptes bancaires.”

Je voulais, chers enfants, partager avec vous, cette joie d’être entourée d’humains qui vivent de mieux en mieux.

Lorsque je suis au travail, tirant des troncs d’arbres dans les pentes plutôt abruptes dans nos collines, je croise fréquemment des femmes et des hommes qui coupent des épines et nettoient les bords de route et les fossés. Kuttan m’explique qu’ils sont employés dans le cadre de l’un des 4 programmes de réduction de la pauvreté en Inde pour le développement rural.

J’ai remarqué que ces femmes et ces hommes manifestent de la fierté dans ce service, d’autant qu’il leur permet d’être rémunérés et de vivre mieux.

Voilà encore une fois un sujet dont je suis fière, et que je me réjouis de partager avec vous.

Chers enfants je vous fais de gros bisous et surtout prenez bien soin de vous.

A demain,

Shila

Lettre de Shila : “Mon incroyable voisine de 104 ans, Kuttiamma”

Chers enfants,

Vous savez mon amour pour les grands-mères, comme je vous l’ai maintes fois répété. C’est toujours la grand-mère qui dirige notre famille pachydermique, celle que les éléphants respectent et honorent :

Je vous ai déjà parlé de ces grands-mères indiennes qui font mon admiration, Nanammal, qui enseignait le yoga à 100 ans, Papammal, qui perpétue l’agriculture biologique à 106 ans, ou encore, Meenakshi Amma qui enseigne le Kalaripayattu.

Aujourd’hui, c’est une autre grand-mère qui m’inspire : Kuttiamma vient de réussir à 104 ans son examen d’alphabétisation.

Kuttiamma habite à Ayarkunnam, à 17 kilomètres de chez moi, elle n’a pas eu la chance d’aller à l’école étant enfant et n’a pas pu apprendre à lire et à écrire.

Vous ne pouvez pas savoir, chers enfants, comment c’est difficile de dépendre toujours des autres quand on n’a pas acquis la lecture et l’écriture.

Kuttiamma s’est dit qu’il ne faut jamais abandonner et baisser les bras, aussi elle a su que le gouvernement du Kerala a lancé un programme pour apprendre à tout âge. Ce programme de formation continue propose un examen d’alphabétisation (Kerala State Literacy Mission).

Elle vient de réussir brillamment son examen avec la note de 89 sur 100.

Croyez-moi, chers enfants, je lève ma trompe en son honneur, et je suis aussi fière de son exploit que je le serais pour quelqu’un qui a conquis l’Everest.

Il me faut aussi vous expliquer que mon cher petit état du Kerala est pourtant, depuis très longtemps, l’état le plus avancé de l’Inde pour l’alphabétisation :

Le Kerala arrive en tête de liste des États de l’Inde avec un taux d’alphabétisation de 96,2 %. Selon le recensement de 2011, près de 96,11 % des hommes et 92,07 des femmes étaient alphabétisés dans l’État.”

Mon voisin Henri me dit que lors de sa première visite en Inde, en 1978, il était très surpris de voir que les universités du Kerala étaient très proches de la population. À 2 kilomètres de chez moi, vous avez possibilité d’aller à l’université, comme chez vous à Boulogne, à l’université du littoral, créée en 1991.

Autant dire que le Kerala avait déjà décentralisé très tôt l’université pour favoriser l’accès de tous au savoir.

Le ministre de l’éducation et du travail du Kerala vient de rendre hommage à notre chère Kuttiamma :

Le ministre de l’Éducation et du Travail du Kerala, V Sivankutty, s’est rendu sur Twitter pour partager les réalisations de Kuttiyamma. « Kuttiyamma, 104 ans, d’Ayarkunnam, district de Kottayam, a obtenu 89/100 au test de la Kerala State Literacy Mission. L’âge n’est pas un obstacle pour entrer dans le monde de la connaissance. Avec le plus grand respect et amour, je souhaite le meilleur à Kuttiyamma et à tous les autres nouveaux apprenants”, a-t-il écrit sur la plateforme de microblogging, en joignant une photo de Kuttiyamma rayonnant du sourire édenté le plus attachant.”

Vous comprendrez, chers enfants, que pour moi l’éléphante philosophe de Kurichithanam, je ne pouvais pas laisser passer cette belle opportunité de vous compter l’histoire de Kuttiamma, cette sacrée mamie.

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila