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La maison vive

Lettre de Shila : “L’arbre de paix”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Ce matin quand je me suis ébrouée pour mes premiers moments éveillés de la journée, je me sentais comme toute courbaturée. Je pense qu’avec Kuttan nous avons trop travaillé la veille dans mes chères forêts du Kerala. Même si je suis encore jeune, certains troncs d’arbre que je soulève pèsent plus les années passant.

Je ne sais pas si cela vous fait le même effet, il y a des matins où l’on a l’impression dès le réveil d’être beaucoup plus vieux que son âge.

Mon cher Kuttan, qui veille sur moi avec tant d’attention, me dit que je pourrais consommer une tisane de tilleuls ; cette potion m’aiderait avant de m’endormir à moins ruminer et rallonger d’autant mon temps de sommeil pour mieux me requinquer.

Mon cher Henri, qui écoutait notre conversation en faisant sous le patio sa séance matinale de yoga, nous dit que le tilleul est une espèce native de par chez vous, en Europe, mais que cela vaudrait en effet le coup de tenter sa plantation dans notre petit pré tant l’arbre est joli et sa floraison enchanteresse.

Henri nous explique que ce sont des plantes d’autant plus remarquables qu’elles sont capables de vivre plus de six cents ans, telle l’arbre de paix planté non loin de chez vous, du côté de l’église de Marquise :

https://nord-decouverte.fr/le-vieux-tilleul-remarquable-marquise/

Si j’ai bien compris, cet arbre incroyable aurait été planté à la même époque et pour les mêmes raisons que la charrette médiévale que vous êtes en train de construire :

Planter un arbre en guise de serment pour que jamais la guerre ne ravage de nouveau les villes, les villages, ne fasse du mal aux humains et aux animaux ; voilà une belle idée 😊

Mais pourquoi planter un tilleul ? Emmanuel, l’ami de mon cher voisin Henri, qui téléphonait pour passer le bonjour, nous dit que non loin du village de Jeanne d’arc, un tilleul aussi vieux que celui de Marquise a sans doute vu le cheval de cette cavalière brouter à ses pieds.

Ah, donc ce serait une tradition héritée d’il y a bien longtemps de par chez vous : planter un tilleul pour s’assurer d’une paix durable.

Henri et Emmanuel m’ont expliqué que c’est plus compliqué que cela : les arbres de paix peuvent être aussi un chêne, comme en Alsace ou un ginko, comme en Charente maritime. Mon cher voisin Henri me dit que du côté de chez vous, à Boulogne-sur-mer, non loin du château, il a planté avec des militants de la paix lui aussi un ginko. Emmanuel nous parle d’arbres de paix plantés dans votre département, et notamment au Collège Daunou et au Collège Paul Langevin près de vos Maisons.

En fait, me dis-je, peu importe l’arbre, c’est l’intention de faire la paix qui importe.

Kuttan me dit qu’en Inde, c’est sous doute un ficus, appelé « l’arbre de la Bodhi » qui caractérise le plus l’idée de paix.

Humm d’accord, je comprends : l’arbre est d’abord le symbole de notre désir d’une éternité heureuse. Et bien mes chers enfants, je vous souhaite planter à votre tour régulièrement des arbres de paix : qu’ils vivent et nous accompagnent des centaines d’années. Les arbres sont nos amis :

A demain,

Bisous

Images du montage de l’exposition “Rien n’est joué d’avance”

Ce 14 septembre, Sylvie, professeure en arts plastiques du Centre de Jour et de la Maison Vive, les équipes du FRAC et du Musée de Boulogne-sur-mer, ont commencé l’installation de l’exposition “Rien n’est joué d’avance“, inaugurée le 17 septembre au Musée de Boulogne-sur-mer.

Un grand merci à Priscilla, du Musée, pour ces photos :

Découvrez les images réalisées par Sylvie :

Lettre de Shila : “Sur les pas de mon ancêtre”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Ce matin, après avoir brouté le petit déjeuner apporté par mon cher Kuttan, j’ai fait sept fois le tour de mon petit pré pour me dégourdir les pattes.

Vous connaissez ma passion pour l’arithmétique :

Et bien j’ai calculé dans ma tête la distance parcourue ce matin en faisant sept fois le tour de mon petit pré, à peu près douze kilomètres. Pas mal n’est-ce pas ?

Emmanuel, l’ami de mon cher voisin Henri, m’a félicité pour cette prouesse mais m’a dit qu’un de mes lointains ancêtres avait quant à lui parcouru près de deux fois le tour de la Terre tout en restant dans son chez lui, appelé l’Alaska soit près de quatre-vingts mille kilomètres !

Hummm, l’Alaska… Je crois, chers enfants, que vous connaissez un peu ce coin-là grâce aux expositions que vous faîtes au Musée de Boulogne-sur-mer :

Et bien de me dire que cette terre immense fut parcourue en long et en large tout au long de sa vie par mon aïeul mammouth au fil des saisons m’émeut et m’encourage à gambader toujours plus jour après jour.

Mais, saperlipopette ! Comment les humains ont-ils pu connaître avec autant de précision les pérégrinations de mon ancêtre ?

Mon cher Kuttan m’explique que cela est rendu possible en examinant les os de son squelette.

Ah, oui, je me rappelle de cette lettre où je vous faisais part des recherches d’ADN pour préciser la parenté entre nous autres, les éléphants, et eux-autres, les mammouths :

Et bien, me dit Kuttan, ce fut un peu le même procédé pour comprendre combien mon aïeul pachydermique parcourut les terres d’Alaska ; un peu comme les arbres, si j’ai bien compris, le squelette de mon ancêtre a raconté ce qu’il a vécu : ce qu’il a mangé, où il l’a mangé, depuis combien de temps il n’avait pas mangé ce qu’il a mangé.

Ouaaa, c’est hyper précis, mais comment les humains ont-ils pu déterminer tout cela ?

Dans l’ivoire des défenses du mammouth retrouvé en Alaska, me dit mon cher Henri, se trouvait du strontium. C’est une minuscule, minuscule, minuscule petite chose qui, si j’ai bien compris, est dans les végétaux que nous broutons, et qui a le pouvoir de rester dans les os des animaux jusqu’à des milliers d’années après leur disparition.

En comparant les différentes minuscules petites choses selon la profondeur de l’os, les humains ont pu, comme avec les cernes des troncs d’arbres qui racontent à leur façon les mêmes histoires de vie, dire à quel âge il a mangé ceci, cela.

OK, ça je comprends, mais comment peut-on déterminer les endroits où il a mangé des dizaines de milliers d’années après sa disparition ? C’est vrai quoi, l’Alaska a dû sacrément changer depuis toutes ces années.

Emmanuel me dit que cette minuscule, minuscule, minuscule chose appelée « Strontium » peut être trouvée aujourd’hui encore dans les espèces végétales qui poussent en Alaska ; les humains ont donc pu retrouver les lieux où broutait mon ancêtre.

Ouaaa, bravo les humains, c’est chouette de pouvoir raconter la longue histoire de la vie en reliant avec autant de précision les animaux, les végétaux, les sols, le climat.

Vive l’arborescence chers enfants, vive la vie 😊

Je vous embrasse très fort,

A demain.

Lettre de Shila : “Bonne fête d’Onam 2021 et belle année culturelle 2021-2022”

Chers enfants,

Si vous saviez comment, moi la gentille éléphante Shila, je suis heureuse de vous retrouver après ces longues vacances d’été. Vous me manquiez beaucoup, j’espère que vous allez bien et que vos vacances se sont bien passées.

Ici, à Kurichithanam et dans tout l’état du Kerala, le maudit virus nommé Covid-19 continue à contaminer de très nombreuses personnes et les services de santé doivent aussi faire face à un autre virus appelé Nipah et qui touche des gens au nord du Kerala.

Nous devons, pour l’instant, nous protéger, respecter les gestes barrières, se faire vacciner si possible, voilà où nous en sommes tous. Mon cornac adoré, Mister Kuttan, m’a cependant fait comprendre qu’il n’avait pas encore de vaccin pour sa chère éléphante, Shilakutty !!! Voilà qu’il devient encore plus affectueux à mon égard : Shilakutty peut se traduire par “petite Shila”, ou “jolie petite Shila”, quelle gentillesse !!!!

L’an dernier, je vous ai souhaité une bonne fête d’Onam 2020 et une bonne année culturelle 2020-2021.

Je renouvelle mes vœux cette année pour Onam 2021 et pour une nouvelle année culturelle 2021-2022.

Emmanuel et Henri m’ont fait savoir que le thème de cette année est l’arborescence. Bien sûr, je vais ruminer sur ce thème avec joie, déjà dès que l’on évoque les arbres, je suis dans mon élément.

Comme vous le savez, Onam est la grande fête du Kerala. Malheureusement la situation de la pandémie au Kerala n’a pas permis de faire autant la fête, car les rassemblements ne sont pas possibles. Mêmes les kéralais, vivant partout dans le monde, n’ont pas pu venir, comme d’habitude, passer cette fête en famille au Kerala.

Je vous ai déjà parlé de ce roi légendaire, Mahabali, appelé aussi Maveli, qui était adoré par son peuple, qui vivait dans le bonheur sous son règne.

Onam est la fête la plus vénérée et célébrée du Kerala. Il symbolise le retour annuel du roi Mahabali et célèbre l’avatar Vaman du seigneur Vishnu. Ce festival de dix jours apporte le meilleur de l’esprit festif parmi les habitants du Kerala et est célébré avec beaucoup de splendeur.

Thiruvaonam 2021 était le samedi 21 août.

Le premier Onam était le vendredi 20 août, Thiruvonam 2021 a été célébré le samedi 21 août. Les troisième et quatrième Onam ont eu lieu respectivement le 22 août, le dimanche et le lundi 23 août.

Selon la mythologie, le roi Mahabali était le plus grand roi du Kerala et c’est pendant son règne que la population locale a connu le meilleur des temps ; la prospérité et la grandeur régnaient partout. Pour mettre fin au règne de Mahabali sur terre, Lord Vishnu est apparu comme un Vaman (court brahmane) et a trompé le roi pour lui donner la terre qu’il possédait. Ainsi, le roi Mahabali fut envoyé dans un monde inférieur ; mais Vishnu lui a également accordé une aubaine qu’il pouvait visiter sa terre une fois par an. Onam célèbre ce retour du Roi.

Onam est aussi la fête des récoltes, on a un excellent repas de fête et l’espace à l’entrée de chaque maison est décorée d’une superbe rosace, le rangoli ou pookalam, composé par les femmes et les enfants.

Les motifs floraux caractéristiques connus sous le nom de « pookkalam » sont symboliques de ce festival. Habituellement, les femmes membres de la maison créent différents types de motifs sur le sol avec des fleurs et des lampes allumées pour inviter le roi Mahabali dans leur maison. Les gens offrent et portent de nouveaux vêtements connus sous le nom de « Onakkodi ».

De grandes fêtes sont préparées à cette occasion. C’est ce qu’on appelle « onam sadya ». Habituellement, environ 13 plats sont préparés pour cela. La nourriture est servie sur des feuilles de bananier et se compose généralement de riz ainsi que de différents plats, cornichons et papadams. Un plat sucré caractéristique appelé « payasam » est un must pendant Onam. Il est composé de riz, de lait, de sucre et de noix de coco.”

Cette grande fête hindoue est fêtée par tous les kéralais, sans distinction :

Onam est d’une importance particulière car il unit les personnes de toutes les religions résidant dans l’État. Il diffuse le message d’unité et de paix dans la société.”

Vous voyez, chers enfants, que je suis toujours très bavarde, quand il s’agit de vous expliquer la grande fête d’Onam. Même pour moi, l’éléphante qui aime la vie et la fête, je peux vous dire que Kuttan, en l’honneur d’Onam, m’a apporté en supplément de mon repas, des pousses de bambou, des fruits en quantité et des boules de sucre de canne.

Mon ami Henri m’a dit qu’il a été invité à célébrer Onam à Paris avec tous les kéralais qui se sont rassemblés le 21 août 2021, jour le plus important dans les dix jours de la fête d’Onam. Ce jour est appelé Thiruvaonam.

Onam, à Paris, a été préparé par l’association SAMA FRANCE, une merveilleuse association dont Henri m’a parlé avec enchantement :

La signification de SAMA est très forte, cest une contraction de “SArva MAlayalee”, dont la traduction est “Tous les Malayalis”, sans distinction de castes ou d’appartenance à une religion.

SAMA, en sanskrit, signifie aussi l’égalité, l’unité.

Les jeunes cadres dynamiques et hautement qualifiés qui animent SAMA ont préparé Onam 2021 de façon merveilleuse, préparant une salle pour accueillir les 320 invités à la fête, avec danses, chansons, jeux et bien sûr, un excellent repas dans la pure tradition d’Onam.

Mr l’ambassadeur de l’Inde à Paris, Monsieur Javed Ashraf, était présent, il a fait un superbe discours, disant sa joie de participer à la première fête indienne, après confinements et restrictions dues à la pandémie Covid-19. Les valeurs de solidarité, d’unité, d’humanisme de l’association SAMA ont été mises en avant et ceci dans la belle tradition du Kerala et de la fête d’Onam.

Un autre Henri, Henri Vidal, (que Vikas et son épouse, Deepa, la filleule d’Henri Villeneuve, appelent les Henri “les frères jumeaux”), a tenu le rôle du roi Maveli ou Mahabali.

Henri Vidal remplit merveilleusement le rôle de Maveli : il est formidable de voir les enfants si heureux de le rencontrer. Henri Vidal est complètement tombé sous le charme du Kerala et des malayalis. Il préside le club de football, fréquenté par nos amis malayalis, qui en plus d’animer SAMA, sont des grands sportifs.

Merci à tous de nous avoir enchantés par une fête digne du roi Mahabali, dont la vidéo jointe nous donne le ton.

Je ne pouvais pas, chers enfants, commencer cette nouvelle année sans vous souhaiter une bonne fête d’Onam, et vous en re-expliquer tout ce que ça signifie pour moi, l’éléphante pacifiste de Kurichithanam.

Je vous souhaite une bonne rentrée scolaire, une belle année culturelle et une beaucoup de bonheur.

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila

En avant-première : le tableau phare des enfants (exposition “Rien n’est joué d’avance”)

Inaugurée vendredi 17 septembre au Musée de Boulogne-sur-mer, l’exposition créée par les enfants du Centre de Jour et de la Maison Vive “Rien n’est joué d’avance” comptera parmi les œuvres exposées par le Musée et le FRAC ce tableau original, conçu par les enfants en recourant aux machines du FabLab des Maisons.

Découvrez en avant-première son image, transmise par Sylvie, professeure en arts plastiques des deux Maisons :

Lettre de Shila : “Les lettres de Shila et lepetitjournal.com Bombay”

Chers enfants et chers amis,

Moi, Shila, l’éléphante de Kurichithanam, petit village en plein cœur et centre du Kerala, me sens très honorée de l’attention portée par les amis du petit journal de Bombay.

Passionnée de rencontres et des liens tissés avec les enfants de la côte d’Opale, dans le secteur de Boulogne-sur-mer, j’ai des échanges épistolaires réguliers depuis mars 2020, date du premier confinement, dû à ce satané virus Covid-19.

Après un an et demi de recul, je me dis que “à toute chose malheur est bon” !!

Je me suis rendue compte que les enfants de la côte d’Opale étaient très intéressés non seulement par la vie des éléphants mais aussi par la vie des enfants autour de moi à Kurichithanam et au-delà de tout cela par les liens entre les gens et leur culture.

J’ai ainsi pu comprendre que l’un de vos grands poètes, Jean de la Fontaine, célèbre pour ses fables et ses contes, a été inspiré par le Grec Ésope et aussi par le Panchatantra, recueil très ancien des fables indiennes (vers 300 av J-C).

J’ai particulièrement été intéressée par ce travail de collection et de transmission, dans la mesure où je suis entourée d’enfants à qui les parents et les enseignants transmettent quotidiennement des messages importants en utilisant la fable et le conte.

J’entends chaque jour au moins un conte passionnant comme celui-ci : Kuttan s’est intéressé à l’écriture et a passé de nombreux mois à mettre en forme son conte. Il est allé voir le grand écrivain Vaikom Muhammad Bashir (Basheer) vous savez celui qui a écrit “grand-père avait un éléphant“.

Bashir, très heureux d’écouter Kuttan, s’est assoupi rapidement, et Kuttan a poursuivi la lecture jusqu’au bout, puis voyant toujours son interlocuteur assoupi, s’en est allé.

Triste et terriblement déçu, il s’en est allé, laissant Bashir endormi.

Quelques jours plus tard, croisant le grand homme dans la rue, celui-ci lui demande où il en est par rapport à son manuscrit, Kuttan lui confie l’avoir déchiré et brûlé, ayant compris que son histoire était nulle, ayant ennuyé son interlocuteur. Ce à quoi Bashir lui répond que, bien au contraire, elle est réellement merveilleuse et que qu’il l’avait écoutée avec une attention et concentration extrêmes.

Dépité et abattu, Kuttan dit que malheureusement son travail était parti en fumée, ce à quoi Bashir lui répond qu’il pouvait lui dicter à la virgule près l’ensemble de son écrit, l’invitant ainsi à récupérer son récit.

Bien sûr, chers enfants et amis, je n’ai pas le génie de Jean de la Fontaine pour vous conter cette histoire et les contes et fables que j’entends toujours avec un immense plaisir, ces contes qui enseignent sur l’importance de l’écoute, de l’observation, qualités primordiales à transmettre et à partager sans modération.

J’aimerais tant voir un poète, comme votre monsieur de la Fontaine, collecter ces nombreux contes et fables, qui font la joie des petits et des grands, les aidant à avoir ce recul nécessaire sur la vie de tous les jours.

Je ne peux cependant pas m’empêcher de vous inviter à lire le délicieux conte de Muhammad Basheer, “Grand-père avait un éléphant”, traduit en français. Vous serez emportés dans l’atmosphère de mon pays où, bien sûr, avoir un éléphant était signe de richesse, mais chaque fois que que l’on me conte l’histoire de Kounnioupattouma, je verse une larme de bonheur.

Chers enfants et amis, je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous.

A demain,

Shila

Note de rentrée saison culturelle 2021-2022

Le thème de la saison culturelle de cette année 2021-2022 est : « Arborescence ».

1913 : « Le berger qui ne fumait pas, alla chercher un petit sachet et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais. Je fumais ma pipe. Je me proposai pour l’aider. Il me dit que c’était son affaire. En effet : voyant le soin qu’il mettait à ce travail, je n’insistai pas. Ce fut toute notre conversation. Quand il eut du côté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits qui étaient légèrement fendillés, car il les examinait de fort près. Quand il eut ainsi devant lui cent glands parfaits, il s’arrêta et nous allâmes nous coucher. (…) Après le repas de midi, il recommença à trier sa semence. Je mis, je crois, assez d’insistance dans mes questions pour qu’il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille étaient sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu’il y a d’impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser à cet endroit où il n’y avait rien auparavant.

Quarante ans plus tard : « Sur l’emplacement des ruines que j’avais vues en 1913, s’élèvent maintenant des fermes propres, bien crépies, qui dénotent une vie heureuse et confortable. Les vieilles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. On a canalisé les eaux. A côté de chaque ferme, dans des bosquets d’érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthes fraîches. Les villages se sont reconstruits peu à peu. Une population venue des plaines où la terre se vend cher s’est fixée dans le pays, y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l’esprit d’aventure. »

(Jean Giono (2014), L’Homme qui plantait des arbres [1954], Paris, Gallimard jeunesse, p. 1, p. 7, p.19).

Les enfants de notre association, souvent les plus jeunes, aiment ramener de retour de randonnée avec leurs éducatrices et éducateurs des trouvailles glanées chemin faisant. Branches, cailloux, coccinelles, fleurs, escargots, herbes folles ; ces collections sont pour les enfants comme le moyen de garder mémoire de ce qui a eu lieu lors de ces pérégrinations, de ce que fut le lieu de leurs explorations. De retour dans les Maisons, les enfants confient à l’adulte ces biens précieux, ou les posent à des endroits bien choisis pour mieux les retrouver, soit dans une volonté de les partager avec d’autres, soit pour tenter d’agrémenter leur chambre. Dans ces moments dignes du travail d’inventaire et de classement des muséums d’histoire naturelle, l’équipe éducative doit comme “Elzéard Bouffier”, berger de son état et personnage fictif inventé par Jean Giono, séparer le bon grain de l’ivraie ; ce qui peut entrer dans la Maison, ce qui ne le peut, ce qui peut prospérer, ce qui serait implanté en vain.

Cette activité d’agencement, de classification, de répartition de sa relation de soi au monde, est une première façon de comprendre le thème de notre saison.

L’enfant constitue année après année des arborescences émotionnelles : des trésors personnels, des façons singulières et réfléchies d’être en lien avec l’autre que soi, des manières d’affirmer ses goûts. Ces arborescences affectives, esthétiques, ces attachements le définissent à mesure de son grandissement, marchant ainsi dans les pas de l’humanité, marquée à toute époque et en toute région du monde par l’émotion ressentie devant le mystère de la nature et méditant les conditions pour aimer sa splendeur ou, a contrario, détester ses possibles dangers, quitte à la juguler, lutter contre elle (Alain Corbin (2020), La douceur de l’ombre. L’arbre, source d’émotions, de l’Antiquité à nos jours, Paris, Flammarion, collection « Champs – Champs histoire »).

Ces associations privilégiées de choses et d’êtres, extraits par ses soins des espaces et des temps qu’il découvre et qu’il s’approprie, sont autant de points d’appui pour permettre à l’enfant de se dire qui il est et exprimer aux autres comment le comprendre. À nous de les repérer, et de l’instruire si la nature lui inspire la peur, l’indifférence. Nombreuses sont en effet les études nous rappelant que plus l’écosystème constitué par l’enfant, pour l’enfant, est riche de diversités, d’entités multiples associées à son initiative et avec la coopération de l’adulte bienveillant, plus sa conscience de l’altérité, plus son intelligence de ce qui fait collectivité, de ce qui construit et décuple les relations, croissent, se développent et lui annoncent une vie bonne en société.

Pour cette raison fondamentale, les métiers de l’éducation spécialisée sont des métiers jardiniers ; il s’agit de cultiver patiemment et continuellement avec l’enfant l’enfance de l’éveil. Comme le jardinier, nous travaillons chaque jour avec des êtres en devenir ; si nous réussissons, l’identité de l’enfant accueilli ne sera pas fixée par son histoire biographique, souvent traumatique, à tout le moins problématique, et raison de son placement le temps de pouvoir renaître à la vie. Le pari de notre intervention éducative est, autrement dit, de l’accompagner dans ses mouvements, son éclosion, sa dynamique d’existence.

De la sorte, et c’est là une deuxième façon de comprendre « Arborescence », nous nous inscrivons dans cette philosophie du mélange, devenue aujourd’hui dominante en science botanique (Emmanuel Coccia (2016), La Vie des plantes. Une métaphysique du mélange, Paris, Payot et Rivages).

Si la graine, la semence en bas de la plante, dans le sol, ont longtemps été considérées comme le ferment de l’intelligence, la feuille, le pétale de la fleur, sur la hauteur de ces êtres et hors du sol, sont désormais considérés par les scientifiques comme les endroits où se fabriquent la parenté, la généalogie, l’idée du familial : c’est là que s’hybrideraient les gênes. Certes les cellules de l’être végétal évoluent selon la direction du vent, la proximité avec d’autres espèces, l’arrosage des pluies, mais ces évolutions ne se font pas par la force, la prédation, comme on l’a longtemps pensé ; le végétal nous montre que la symbiose – cette façon harmonieuse et pacifique de recomposer le vivant, est première.

Les plantes ont ainsi cette particularité d’être inversées, et c’est un point commun avec les enfants de notre association. Comme les végétaux dont les feuilles, le pétale sont l’organe le plus important pour le devenir car ils grandissent en effet du haut par les rayons du Soleil, par le souffle du vent transportant matière à féconder, les enfants le font de même par l’appel d’air de l’ouverture au monde proposé par notre programme artistique et culturel intitulé « L’aventure de la vie ». Renforcés par l’assurance de constater qu’ils peuvent créer en arts, en lettres, sciences, en sports, en technique et en technologie, les enfants peuvent revisiter, reformuler leur parcours de vie, recombiner leurs rapports au monde, leurs racines familiales.

Ce n’est pas que le sol, les circonstances de la naissance, n’aient pas d’importance, bien au contraire : les études botaniques montrent combien les rencontres des racines avec des démultiplicateurs d’énergie tels les champignons sont déterminantes pour la vitalité des plantes, (Peter Wohlleben (2017), La vie secrète des arbres. Comment ils ressentent. Comment ils communiquent, Paris, Les arènes). Pas moins crucial non plus est le tronc, la tige, à mi-hauteur entre le sol et la cime : pour tenir droite malgré la rafale, pour harmoniser son expansion dessous et dessus, la plante a besoin de cet axe vertical, non pas rigide au risque de la casse, mais flexible, s’adaptant aux aléas de l’enracinement, de la feuillaison, de la floraison.

Comment ne pas voir dans ces démultiplicateurs d’énergie qu’ils soient en haut ou en bas, dans cet axe qui plie mais ne rompt pas, des figures de notre écosystème ? : juges des enfants, référentes et référents sociaux, professeures et professeurs de nos ateliers, intervenantes et intervenants de « L’aventure de la vie » sont autant de conditions fertiles de la résilience, terreau de l’arborescence.

Evaluation du parcours des enfants depuis novembre 2020

Ce mois de juin 2021, les équipes des Maisons ont travaillé comme chaque six mois à la rédaction d’un document clé de notre champ professionnel, appelé le “Document Individuel de Prise en Charge” (DIPC). Ce document permet de faire un point sur le parcours de l’enfant ou du jeune accueilli ; notre association a érigé pour règle d’associer celui-ci à ce bilan semestriel.

A cette occasion, et sur proposition du Conseil scientifique (voir sous-partie “II.B. Présentation des résultats statistiques du questionnaire proposé aux enfants et aux jeunes”), l’association a expérimenté pour la septième fois l’outil évaluatif développé en interne, permettant de comparer chaque six mois les parcours des enfants et des jeunes selon les grandes rubriques organisant notre travail éducatif.

Une fiche a été distribuée aux équipes  du Centre de Jour, de la Maison du Cirque, de la Maison de la Danse, de la Maison des Découvreurs, de la Maison du Sport et de la Maison Vive :

Cette fiche a été remplie pour chaque enfant et jeune des Maisons précitées.

Les résultats, pour cette vague de juin 2021, sont les suivants (69 fiches ont été traitées ; les enfants arrivés trop récemment dans nos effectifs, et les jeunes des studios et du service de maintien à domicile qui ne pratiquent pas systématiquement les activités culturelles de notre association, ne sont pas pris en compte).

I. Tendance générale ; les évaluations formulées par les équipes (en pourcentage) : 

(N.B : Nous surlignons le plus haut pourcentage obtenu).

“La situation s’est dégradée depuis 6 mois” : 18,4.

“La situation s’est améliorée depuis 6 mois, mais n’est pas encore satisfaisante” : 37.

“La situation s’est améliorée depuis 6 mois et donne satisfaction” : 27,5.

“La situation n’a pas évolué depuis 6 mois (satisfaisant)” : 19,9.

“La situation n’a pas évolué depuis 6 mois (insatisfaisant)” : 23,1.

II. Au cas par cas ; les thèmes, avec le plus haut pourcentage obtenu pour chacun d’eux  :

(N.B : Nous surlignons le plus haut pourcentage obtenu pour l’ensemble des thèmes).

“Le jeune et l’école” : La situation s’est améliorée depuis 6 mois et donne satisfaction (24,5).

“Le jeune et les liens familiaux” : La situation n’a pas évolué depuis 6 mois (insatisfaisant) (42).

“Le jeune et les soins” : La situation n’a pas évolué depuis 6 mois (satisfaisant) (27,5) et La situation s’est améliorée et donne satisfaction (27,5).

“Le jeune et l’éducation” : La situation s’est améliorée depuis 6 mois, mais n’est pas encore satisfaisante (24,6) et La situation n’a pas évolué depuis 6 mois (insatisfaisant) (24,6).

“Le jeune et l’activité culturelle” : La situation s’est améliorée depuis 6 mois et donne satisfaction (37,8).

Nous mobilisons cette fiche chaque six mois, à l’occasion des DIPC, afin d’être en mesure de dégager des tendances quant à la qualité des parcours des enfants et des jeunes de notre association, ainsi que des corrélations statistiques entre les différents thèmes de notre travail au quotidien avec eux : école, liens familiaux, soins, éducation (au sens de l’apprentissage du comportement en société), activité culturelle.

Lettre de Shila : “Bonne fête du yoga”

Chers enfants,

Comme je vous l’ai écrit dans ma dernière lettre, le 21 juin est un jour particulier dans l’année, puisque nous sommes au solstice d’été, dans l’hémisphère nord, avec le jour le plus long de l’année.

Mon cher Kuttan m’a expliqué que le 21 juin est, depuis 2015, la journée internationale du yoga.

L’assemblée générale de l’ONU a adopté la résolution, le 10 décembre 2014, invitant à célébrer la journée du yoga et permettre ainsi à connaître les bienfaits de la pratique du yoga.

Le yoga est une discipline alliant le corps et l’esprit dans la recherche d’un mieux-être. L’idée de cette journée était présentée par le premier ministre de l’Inde, Mister Modi, à l’assemblée générale de l’ONU en 2014 :

Le yoga est un cadeau inestimable de l’ancienne tradition indienne. Il incarne l’unité de l’esprit et du corps ; pensée et action ; retenue et épanouissement ; harmonie entre l’homme et la nature ; une approche holistique de la santé et du bien-être. Il ne s’agit pas de faire de l’exercice mais de découvrir le sens de l’unité avec vous-même, le monde et la nature. En changeant notre mode de vie et en créant une conscience, cela peut aider au bien-être. Travaillons à l’adoption d’une Journée internationale du yoga.”

Kuttan voyant mon intérêt grandissant pour le yoga m’a conseillé de commencer à le pratiquer, d’autant plus qu’il me sent stressée depuis quelques jours, avec ce voyage en avion, avec le vol sur Air India de Trivandrum (Thiruvananthapuram) Airport à l’aéroport d’Alprech près de Boulogne sur mer, où je suis invitée à la fête de la mer.

Mon voisin Henri me dit que le yoga aide à mieux gérer le stress, renforce les muscles, aide à garder le moral, améliore la souplesse et l’équilibre et augmente les défenses immunitaires !!! Rien que ça !!

Emmanuel qui prenait de mes nouvelles au téléphone, m’a dit que vous avez la chance pour certains d’entre vous de le pratiquer chaque semaine, à la maison du Sport et du bien-être.

À la Maison Vive, vous avez eu la chance aussi de pratiquer le yoga avec une experte, la nièce d’Éric du conseil scientifique des maisons, qui est intervenue de nombreux mois pour vous guider dans cette discipline.

La fille de mon ami Francis, administrateur de vos Maisons, est une guide experte dans le Boulonnais, professeure de yoga. Je ne fais pas de pub mais vous pouvez voir son site très intéressant.

Une autre professeure de yoga, dont je vous ai déjà parlé, en tant que merveilleuse mamie, Nanammal, a enseigné cette discipline jusqu’à sa mort, à près de 100 ans :

Comme quoi le yoga est excellent pour la santé et la longévité.

Mon voisin Henri me dit qu’à Kudakkachira il a toujours su que ses beaux-frères pratiquaient le yoga tous les jours, mais il n’a pas pu les observer, car son beau-frère aîné fait son yoga à 4h le matin et le plus jeune à 5h. Des heures matinales où mon voisin dort profondément !!!

Il me dit aussi que dans l’école Lilloise où est scolarisée Lisa, sa petite fille, une maman est venue leur donner un petit cours de yoga le 21 juin !!

Si mon pays pratique le yoga depuis des milliers d’années, je ne peux m’empêcher de saluer Mister Patanjali, qui aurait vécu au 2ème ou 3ème siècle avant Jesus Christ, qui a été le premier à écrire sur le yoga et son enseignement, les Yogas Sûtras.

Une très bonne émission de radio explique qu’il est aussi utile pour se soigner, des infirmiers, médecins l’utilisent pour aider leurs patients.

J’avoue, chers enfants, que ma pratique du yoga me montre mon manque de souplesse, d’équilibre, mais je commence à faire quelques petits progrès et ça me donne confiance et courage. Peut-être pourrai-je prendre mon avion pour les fêtes de la mer.

Quoiqu’il en soit, n’hésitez pas à le pratiquer, votre bien-être sera amélioré.

Je vous souhaite de bonnes et merveilleuses vacances, et à très bientôt pour la fête de la mer.

Je vous fais de gros bisous.

Shila