Compte-rendu de la réunion du Conseil scientifique de l’association
« Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Boulogne-sur-mer
28 avril 2017
Présents :
Claire Beugnet, directrice de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Eric Legros, membre du Conseil d’administration de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale », vice-président du Conseil scientifique de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Pierre Lemarquis, neurologue, attaché d’enseignement d’éthologie à l’université de Toulon-La Garde
Patrick Miquel, précédent directeur de l’Enfance et de la Famille, Conseil départemental du Pas-de-Calais
Claire Oger, professeur des universités en sciences de l’information et de la communication, Université Paris-Est Créteil
Emmanuel Paris, directeur adjoint aux affaires culturelles de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale », coordinateur du Conseil scientifique de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Eric Parot, ingénieur physicien Schlumberger Ltd, coordinateur France Fondation SEED
Francis Rembotte, membre du Conseil d’administration de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Adrien Thiébaux, représentant des enfants et des jeunes de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Annick Traguardi-Menet, représentante du personnel de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Excusés :
Joseph Bako, chef de service de la Maison de la Musique et du service « Itinérance », association Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale
Jean-Paul Delevoye, précédent président du Conseil Economique Social et Environnemental
Jean-Paul Demoule, professeur des universités en archéologie, Université Paris 1
Fleur Guy, docteure en géographie, chercheuse associée à l’UMR 5600 Environnement Ville et Société
Pierre Hilaire, directeur de l’Enfance et de la Famille, Conseil départemental du Pas-de-Calais
Olivier Martin, professeur des universités en sociologie, Université Paris Descartes
Invité :
Jean-Charles Sergeant, éducateur Maison de la Musique, association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale.
Ouverture de la quatorzième séance du Conseil scientifique.
I. Nomination du nouveau président du Conseil scientifique :
Noël Quéré, président du Conseil scientifique nommé à cette fonction le 2 juillet 2014 par Philippe Hazelart, président de l’association, souhaite mettre un terme à son mandat et propose, pour lui succéder, Eric Legros, actuellement vice-président du Conseil scientifique.
Francis Rembotte demande si la charte du Conseil scientifique a spécifié les modalités permettant la prise de fonction à la présidence du Conseil scientifique.
Emmanuel Paris répond par la négative, précisant que de la date de création du Conseil, le 27 juin 2013 jusqu’à l’assemblée plénière du 2 juillet 2014, Philippe Hazelart présidait l’instance sur proposition de Noël Quéré, alors président de l’association.
Francis Rembotte propose aux participants d’inscrire dans une version réactualisée de la charte les modalités permettant la prise de fonction à la présidence du Conseil scientifique.
Les participants approuvent cette recommandation.
Francis Rembotte propose que le Conseil scientifique mette au vote la ou les candidatures pour accéder à la présidence du Conseil scientifique – ces candidatures devant être portées par des membres du Conseil scientifique, puis que la personnalité élue soit présentée au Conseil d’administration de l’association pour validation.
Les participants approuvent cette recommandation.
Francis Rembotte propose que le mandat de la présidence du Conseil scientifique soit de deux années à compter de la prise de fonction. La nouvelle présidence du Conseil scientifique, moyennant validation du Conseil d’administration de l’association lors de sa prochaine réunion, entrerait par conséquent en vigueur lors de l’assemblée plénière organisée pendant les « Journées d’Enfance 2017 ».
Les participants approuvent cette recommandation.
Eric Legros présente aux participants les nouveaux thèmes sur lesquels il aimerait proposer au Conseil scientifique de travailler en particulier dans les deux années à venir. Eric Legros insiste sur l’intérêt de développer une réflexion sur l’épistémè clinique à l’œuvre dans le quotidien de travail des Maisons de l’association. Eric Legros précise qu’il s’agirait de penser l’évolution des pratiques professionnelles, pour les ouvrir aux savoirs, savoir-faire et savoir-être issus des travaux en neurosciences. Eric Legros dit que cette ouverture ne se substituerait pas aux sciences de l’esprit (psychanalyse, psychologie, pédopsychiatrie), corpus mobilisé de longue date par l’institution lors des réunions d’équipe hebdomadaire ou les rendez-vous personnalisés avec des enfants de l’association, mais enrichirait cette épistémè par un dialogue fécond et systématisé avec les neurosciences. Eric Legros propose à Claire Beugnet de revenir sur le cas d’un enfant afin d’illustrer la pertinence d’une telle alliance.
Claire Beugnet raconte aux participants comment Quentin, enfant de la Maison de la Musique, a effectivement su trouver par-lui-même les moyens de contrôler ses émotions grâce à des images IRM que la direction et l’équipe éducative lui ont affichées dans sa chambre ainsi que dans l’espace de vie commune de la Maison.
On trouvera le contenu de ces images ici.
Claire Beugnet précise que l’idée de présenter aussi systématiquement à Quentin ces images a tenu compte de ses dires ; Lucas expliquait qu’il sentait régulièrement monter en lui de fortes émotions au point d’avoir « la tête qui bouillonne », mais ne parvenait pas ni à les nommer ni à les maîtriser. Claire Beugnet informe les participants que Quentin aujourd’hui vit une vie bonne ; il a intégré un ESAT, obtenu un CDI, et s’épanouit dans la relation aux autres.
Jean-Charles Sergeant se souvient aussi de Quentin, et dit qu’il avait aussi su trouver une manière de contrôler ses émotions en marchant autour de la Maison d’enfants lorsqu’elles étaient trop fortes.
Claire Beugnet observe que l’accompagnement par les équipes éducatives est déterminant pour optimiser l’efficacité de tels protocoles.
Emmanuel Paris signale un autre outil de visualisation des émotions utilisé par l’équipe de la Maison Vive pour proposer aux enfants des moyens de conscientiser leurs corps et leurs émotions. Emmanuel Paris cite l’atelier de pensée, organisé chaque semaine, et mobilisant une cartographie des émotions reprenant les codes esthétiques des mangas japonais. Une réflexion des enfants et de l’équipe sur l’inclinaison des sourcils, des commissures de lèvres, permet ainsi à l’enfant de préciser l’intensité de telle ou telle émotion dont il dit être affecté au moment de l’atelier.
On trouvera un exemple de grille pictomanga permettant de sérier les intensités émotionnelles ici.
Emmanuel Paris propose à Eric Parot de dire aux participants les analyses qu’il a pu lire à propos de ces approches.
Eric Parot insiste sur le fait qu’il n’est pas spécialiste de ces questions ; la lecture d’un article l’a informé sur les possibles dérives du comportementalisme dans des protocoles mis en œuvre aux Etats-Unis. Les techniques utilisées pour aider les personnes à réguler leurs émotions n’avaient en effet nullement pour objectif de s’attaquer aux causes des troubles. Eric Parot dit que cela est problématique, puisque si le protocole est efficace, il n’aide que très relativement la personne.
Pierre Lemarquis confirme la possibilité de tels manquements mais précise qu’il est possible, par ces techniques d’imagerie objectivant les émotions et leurs effets corporels, de travailler les causes des symptômes. Pour ce faire, explique Pierre Lemarquis, il est important d’articuler l’usage de ces technologies avec des informations biographiques de la personne concernée.
Jean-Charles Sergeant dit que les équipes éducatives, particulièrement à même de connaître l’histoire et l’évolution jour après jour des enfants de leur Maison d’enfants, parviennent à lier les comportements observés et leurs causes profondes. Jean-Charles Sergeant confirme le besoin par les équipes d’outils permettant de mettre en perspective les symptômes observés.
Eric Legros dit qu’il est en effet très important pour les enfants, pour les professionnels, de pouvoir accompagner les relations transférentielles égrainant le travail quotidien des équipes par des cadrages, des mises en perspective formulées et réactualisées par les recherches scientifiques.
Emmanuel Paris propose aux participants de mettre au vote la candidature d’Eric Legros. Eric Legros ne prend pas part au vote ; la candidature d’Eric Legros est votée à l’unanimité.
II. Préparation du colloque « Où est ton courage ? », 7 juillet 2017 :
Conformément aux décisions formulées par le Conseil scientifique lors de ses réunions organisées durant la saison culturelle, le colloque « Où est ton courage ? », organisé le vendredi 7 juillet 2017 dans le cadre du festival annuel « Les Journées d’Enfance 2017 », évoluera par rapport aux éditions précédentes.
Emmanuel Paris informe les participants de cette nouvelle mouture, et présente l’état d’avancement du filage au 28 avril 2017 :
« Tout au long de la journée : dessins réalisés par Christian Antonelli.
Matin (9h-12h) :
- 9h-10h :
Discours du président de l’association (20 minutes)
Vidéo Patrick Bourdet / enfants, film de la rencontre entre le parrain du festival et des enfants des Maisons : discussion collective autour du thème « Où est ton courage ? » (30 minutes)
- 10h-10h30 :
Présentation de l’association PREMA par Estelle Gavrand.
- 10h30-10h45 : pause
- 10h45-12h :
Présentation de Gourdoulou (les dix premières minutes du film)
Grégory Buchert (genèse de cette œuvre), Gérard-Henri Durand (Italo Calvino « Le chevalier inexistant » / William Shakespeare « Macbeth »), Jean-Paul Demoule (Effondrement et résilience des civilisations) : 20 minutes par prise de parole.
Pause repas
Après-midi (13h30-16h) :
De 13h30 à 15h, trois ateliers co-animés par éducateurs et membres du Conseil scientifique, dans trois salles différentes de l’Université.
- Atelier 1 (13h30-15h) : Jean-Charles Sergeant, recommandation de deux textes :
« Le courage
Avoir du courage ne se manifeste pas toujours par des actes héroïques d’envergure.
Avoir du courage, c’est se respecter assez pour savoir dire non, plutôt que de céder aux demandes qui ne nous conviennent pas.
C’est accepter de reconnaître la réalité même quand elle fait mal.
C’est se relever des coups durs, encore et encore et encore, parce que rien ne peut nous détruire sans notre consentement.
C’est se montrer vulnérable, alors que les masques seraient si faciles à remettre en place pour nous protéger.
C’est parfois avancer dans le vide, même avec la peur au ventre, parce qu’on sait qu’il y aura toujours un soutien, un appui quelque part, même si nous nous croyons seuls.
Le courage fait toujours équipe avec la peur, parce que l’un n’existe pas sans l’autre.
Faire preuve de courage, c’est accepter d’être imparfait et s’aimer quand même, parce que le courage est l’une des plus grandes preuves d’amour envers soi-même. »
(Source non identifiée)
« Je voulais que tu comprennes
Ce qu’est le vrai courage…
C’est savoir que tu pars battu d’avance et, malgré ça, agir quand même et tenir jusqu’au bout »
(Harper Lee (2015), Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur [1960], Paris, Editions Audiolib)
- Atelier 2 (13h30-15h) : Joseph Bako, à partir des séjours Itinérance : ;
- Atelier 3 (13h30-15h) : Anick Traguardi-Menet / Claire Oger
15h-16h, retour dans le grand amphithéâtre : synthèse des trois ateliers. »
Emmanuel Paris propose aux participants d’affiner cette organisation, aussi bien sur les temps dévolus aux prises de parole, que sur la mise en lien des éducateurs porteurs de thème des ateliers de l’après-midi avec des membres du Conseil scientifique.
Les participants formulent les deux premières recommandations suivantes :
- Les discours inauguraux sont de vingt minutes, partagés par le président de l’association et, sous réserve de confirmation, par une ou un représentant du Conseil départemental du Pas-de-Calais ;
- La prise de parole dédiée à l’association PREMA est de 45 minutes, permettant de valoriser ses raisons d’être et d’agir.
Emmanuel Paris détaille l’atelier consacré à la présentation de l’œuvre intitulée « Gourdoulou ». Emmanuel Paris dit que cette œuvre a été découverte de manière fortuite par les enfants et les équipes éducatives lors du vernissage de la précédente exposition réalisée par les enfants du Centre de Jour et de la Maison Vive le 29 juin 2016 au Fonds Régional d’Art Contemporain Nord Pas-de-Calais.
L’ensemble des Maisons avait alors par hasard regardé « Gourdoulou », projetée dans une pièce afférente au parcours d’exposition « Chemin faisant II ». Emmanuel Paris dit que la qualité d’attention des enfants et des équipes était impressionnante, et que Claire Beugnet et lui-même ont vu dans le récit mis en image par ce film l’expression métaphorique des métiers de l’éducation spécialisée, ainsi que du thème de la saison culturelle à venir : « Où est ton courage ? ».
Emmanuel Paris explique que Gourdoulou est dans le texte d’Italo Calvino un garçon sans conscience de ce qu’il est, mais dont le corps est si présent au monde : quand il rencontre des canards, il est un canard, quand il rencontre le roi Charlemagne, il est un roi, quand il est en présence des chevaliers de la cour, il est un chevalier, etc. Et, par opposition, le second personnage clé du texte de Calvino : Agilulfe, est une personne ayant une extrême conscience de sa fonction, mais dont le corps n’existe pas.
Ceci, dit Emmanuel Paris, peut – et l’œuvre de Grégory Buchert : « Gourdoulou » ainsi que de sa réception par les enfants et les équipes en juin 2014 permettent de le penser, être en effet une métaphore pertinente, à la signification manifeste, de l’essence du métier exercé en nos Maisons. Les éducateurs portent les enfants sur leurs épaules, travaillant sans cesse à retrouver l’équilibre afin de vivre pleinement en ce monde.
Emmanuel Paris lit aux participants les échanges préparatoires avec l’artiste Grégory Buchert, auteur de cette œuvre, ainsi que de Gérard-Henri Durand et Jean-Paul Demoule.
Emmanuel Paris précise ce faisant que Grégory Buchert s’est inspiré du Chevalier inexistant, écrit par Italo Calvino en 1962, et de la phrase extraite du « Macbeth » de William Shakespeare pour penser ce film.
Emmanuel Paris lit d’abord à voix haute ce passage extrait du « Chevalier inexistant », dont il dit qu’il est d’une grande modernité à propos de l’effort que doivent déployer les institutions pour continuer à agir en intelligence avec ce que vivent et ressentent les individus (p. 51) :
« L’état des choses du monde, en cet Âge ancien où se déroule mon histoire, était encore plein de hasards. Plus d’une fois, il arrivait qu’on se trouvât mis en présence de vocables, de notions, d’institutions et de formes à qui ne correspondait rien de réel ; en revanche, le monde regorgeait de choses, d’énergies et d’êtres que rien, pas même un nom, ne différenciait du reste : bref, une époque où la volonté opiniâtre d’être là, de marquer son passage, de se colleter avec tout ce qui existe, demeurait souvent sans emploi. À dire vrai, bien des gens n’en avaient que faire : les uns étaient trop ignorants, trop misérables, les autres, trop favorisés, pour en éprouver le besoin ; de sorte qu’une certaine quantité allait se perdre dans le néant. Mais il pouvait advenir aussi que cette volonté, ce sentiment de soi, restés en suspens, précipitassent, en quelque sorte, pour former un grumeau : ainsi voit-on que l’impalpable poudroiement des gouttelettes se condense en une bourre de nuages. Et quelquefois, par l’effet du hasard ou d’une intuition, cette masse venait se loger dans un nom, un titre nobiliaire – il s’en trouvait alors quantité de vacants – en une case de l’organigramme militaire, avec un ensemble de missions à remplir et de règlements déterminés ; et puis, surtout, dans une armure inoccupée, car, sans armure, par les temps qui couraient, même l’homme qui existait risquait fort de disparaître : alors, pensez donc, le malheureux qui n’existait pas… ».
Emmanuel Paris dit à voix haute une autre phrase, prononcée au début du film « Gourdoulou » et formulée par Shakespeare dans Macbeth : « J’ai dans la tête d’étranges choses qui réclament ma main et qui demandent qu’on les exécute avant de les examiner de trop près. » Emmanuel Paris informe les participants que Grégory Buchert a particulièrement valorisé cette citation quand il réfléchit aux raisons d’être et d’agir des équipes avec les enfants.
Emmanuel Paris explique que Gérard-Henri Durand a accepté de prendre la parole lors du colloque à propos de ces filiations littéraires, Jean-Paul Demoule acceptant quant à lui de réfléchir aux dynamiques de résilience des civilisations. A l’image du film « Gourdoulou », les civilisations redécouvertes par les archéologues trébuchent, se relèvent, avancent malgré tout pour instituer des manières renouvelées de se représenter le monde et la place que chacun peut y prendre.
S’agissant du film valorisant la rencontre d’enfants des Maisons et du parrain de l’association, Patrick Bourdet, pour réfléchir ensemble au thème du colloque, le Conseil scientifique après visionnage valide le document audiovisuel.
Emmanuel Paris propose aux participants de réfléchir aux modalités d’organisation de l’après-midi du colloque.
Emmanuel Paris présente pour commencer la proposition de Joseph Bako ; il s’agirait de réfléchir aux expressions du courage, du découragement, de l’encouragement durant les séjours de rupture à l’étranger organisés régulièrement par l’association.
Le principe de ces séjours de rupture Itinérances, de leur création en 1993 jusqu’à ce jour, pourrait être résumé par ces questions fondatrices formulées dans l’ouvrage de Tobie Nathan « L’étranger ou le Pari de l’Autre » : qui es-tu ? ; qui t’envoie jusqu’à moi ? ; pourquoi viens-tu ? On trouvera une présentation plus détaillée de cet ouvrage et de ses questionnements ici.
Par ces questions, les jeunes réalisant ces séjours de rupture sont en capacité de revisiter radicalement leur parcours de vie et formuler la feuille de route pour leur vie à venir.
Pierre Lemarquis propose de co-animer cet atelier avec Joseph Bako. Pierre Lemarquis et Claire Oger nomme les problématiques universelles vécues par les enfants durant ces séjours : le dépaysement, le déplacement, le déracinement, la confrontation à la découverte d’une altérité.
Pierre Lemarquis cite cette question posée par Bruce Chatwin dans l’ouvrage « Le chant des pistes » : « A quoi sert un gros cerveau ? A trouver son chemin en chantant dans le désert… ».
On trouvera une présentation de cet ouvrage ici.
Pierre Lemarquis explique que dans ces dimensions d’itinérance, travaillant à la perte de repères pour mieux en formuler d’autres, se joue aussi le développement d’intelligences multiples au principe du grandissement et de l’épanouissement des personnes.
Eric Legros et Claire Oger disent que des anciennes et anciens ou des enfants actuellement dans les Maisons parlent souvent de leur séjour Itinérance comme un élément marquant de leur vie.
Jean-Charles Sergeant (atelier 2), lit à voix haute les textes auxquels il a pensés tenant compte du thème de notre saison culturelle.
Jean-Charles Sergeant explique que le premier texte a été publié sur la page Facebook intitulée « Les belles choses de la vie ». Les deux textes retenus par Jean-Charles Sergeant lui font penser à ce qui est vécu chaque jour dans les Maisons d’enfants de l’association : les actes de courages peuvent être manifestées par les enfants toujours dans une expression singulière, à minima (par exemple et ne serait-ce que se lever le matin pour aller à l’école). Jean-Charles Sergeant cite aussi cet exemple d’un enfant de la Maison de la Musique qui aujourd’hui accepte de se mettre devant le micro durant l’atelier de musique hebdomadaire, de rester concentré pour bien chanter. Jean-Charles Sergeant dit à son propos que c’est là la marque d’un grandissement particulièrement appréciable. En un an l’enfant a su trouver en lui et avec l’accompagnement de l’équipe les capacités à être présent à la situation, adapter son comportement à ce qu’il est attendu de lui, accepter de s’exposer aux regards des autres, concentrer à bon escient ses gestes et ses déplacements dans l’espace convenu par tous de la représentation de soi.
Jean-Charles Sergeant cite l’exemple d’un jeune qui, voici plusieurs années, avait lors d’un séjour organisé par l’association participé à des randonnées de « via ferrata » en milieu montagneux. Le jeune, en suspension sur la falaise à gravir, accroché aux systèmes de fixation, s’est crispé, ne pouvait plus avancer tant il était impressionné par la peur du vide. Puis il a su trouver en lui les capacités à remobiliser ses forces motrices afin de redescendre avec les autres, pour continuer la randonnée.
Eric Legros propose à Jean-Charles Sergeant de co-animer cet atelier.
Francis Rembotte recommande que les ateliers puissent s’ancrer dans le quotidien vécu par les équipes, afin que ces espaces de parole collective lors du colloque puissent aussi constituer des propositions de manières d’être et de faire ensuite utilisées durant le cours de l’année. Francis Rembotte dit aussi que l’atelier dédié aux séjours Itinérance prévoit un temps de présentation du service à l’attention de celles et ceux qui ne connaîtraient pas ses spécificités.
Claire Oger dit que les ateliers prévus ne doivent pas, à son avis, être des ateliers qui conduisent à prescrire des manières d’être et de faire : cela relève de la formation professionnelle et non de ces échanges collectifs destinés plutôt à réfléchir, même si chacun doit en tirer des enseignements : l’atelier dédié à réfléchir aux formats du courage lors des Itinérances peut être aussi un moment durant lequel penser plus généralement l’acte d’itinérer, les déplacements auxquels la vie contraint, etc. De manière plus générale, l’idée est de faire émerger des sujets de préoccupation, des conceptions, des questions. Claire Oger pense que chacun saura en tirer des conclusions, mais que cela doit rester ouvert.
Jean-Charles Sergeant dit que ces ateliers ne prétendent pas à prescrire aux équipes des outils, mais à minima permettent la facilitation du partage d’informations entre professionnels.
Anick Traguardi-Menet et Claire Oger présentent l’atelier 3.
Anick Traguardi-Menet et Claire Oger proposent de travailler les items suivants en dialogue avec « Où est ton courage ? » : la position éducative, la position de l’éducateur, l’acte éducatif.
Emmanuel Paris dit que cela est d’autant plus important que l’association a posé comme pré-requis « tous éducateurs » ; maîtresses de maison, veilleurs de nuit sont considérés par l’institution comme membres à part entière de la communauté éducative, et participent donc par leurs interactions et interlocutions avec les enfants de la Maison à la formulation des manières d’être, de faire, de penser pour grandir et s’épanouir.
Anick Traguardi-Menet dit que cela peut dès lors être une autre acception parlée durant cet atelier ; le courage pour les éducateurs d’accepter d’autres agents statutaires comme alter ego dans le travail éducatif, et vice-versa le courage des maîtresses de maison, des veilleurs de nuit, d’accepter assumer cette responsabilité.
Francis Rembotte propose une définition de la lâcheté : le lâche n’est pas celui qui manque de courage ou n’en a pas. Le lâche est celui qui a une femme, des enfants, un compte en banque.
Eric Parot demande s’il sera possible, la saison prochaine, d’identifier avec l’équipe du FRAC Nord Pas-de-Calais une œuvre exprimant le nouveau thème lors du colloque, à l’image de « Gourdoulou » cette année.
Le Conseil scientifique résume l’organisation de l’après-midi :
- il est à souhaiter que les films diffusés le matin puissent imprégner les discussions des ateliers organisés l’après-midi ;
- les ateliers doivent être programmés de 13h30 à 14h45, le quart d’heure rendu disponible permettant aux co-animateurs des ateliers de rédiger la synthèse présentée ensuite, entre 15h et 16h, dans le grand amphithéâtre ;
- les thèmes des trois ateliers respectifs sont les suivants : atelier 1 : le courage en Itinérance ; atelier 2 : le courage chez l’enfant ; atelier 3 : le courage chez l’éducateur.
Emmanuel Paris remercie les participants pour ces contributions, et demande aux trois duos animateurs de lui envoyer d’ici le mois de juin une brève présentation des mots et idées clés travaillés respectivement, afin d’en faire part au public du colloque, en début d’après-midi, pour que chacune et chacun puissent se déterminer sur son choix d’atelier.
III. Présentation des « Journées d’Enfance 2017 » (focus sur l’assemblée plénière du 6 juillet 2017) :
Emmanuel Paris présente d’abord aux participants l’organisation d’une réunion multipartite, réunissant l’ensemble des instances conseillant l’association dans son développement : le Conseil de la Culture d’entreprendre, le Conseil de la Vie Sociale, le Conseil scientifique et les comités de pilotage thématiques du programme éducatif et culturel « L’aventure de la vie ». Cette réunion, l’« assemblée plénière », aura lieu le jeudi 6 juillet, de 10h à midi, sur le site de la Ferme de Bertinghen ; elle permettra aux membres des instances respectives de se rencontrer, et de partager autour des activités menées dans leur périmètre d’actions. L’assemblée plénière sera l’une des animations du festival annuel « Journées d’enfance 2017 » ; elle symbolisera l’achèvement de la saison culturelle 2016-2017 et annoncera le lancement de la saison culturelle 2017-2018.
Les autres dates du festival sont les suivantes :
- Dimanche 2 juillet, de 10h à 11h30 : diffusion des chroniques filmées dans le caafé-théâtre Michel Lafond de la ferme de Bertinghen, à l’attention des enfants et des équipes de service ce 2 juillet et, de 12h à 15h, « Les grandes tables de la ferme », rassemblement annuel de la communauté éducative et des anciennes et anciens de l’institution ;
- Mardi 4 juillet, de 18h à 20h : sur les bords de la Liane, côté pont de l’entente cordiale, joute nautique inter-Maisons co-organisée avec le BCK ;
- Jeudi 6 juillet, 10h-12h, assemblée plénière des instances conseillant l’association dans le développement de son programme « L’aventure de la vie » ;
- Vendredi 7 juillet, de 9h à 16h sur le site de l’antenne Saint-Louis, ULCO Boulogne-sur-mer : colloque « Où est ton courage ?) et, à 20h, spectacle « Passeurs de cœur » dans la salle « Le Phenix » d’Outreau.
IV. Point sur l’état d’avancement du financement des retranscriptions écrites des entretiens réalisés durant les deux études en cours du Conseil scientifique :
Emmanuel Paris informe les participants que l’association est en train de négocier l’usage d’une dotation octroyée par la Fondation Sopra Steria / Institut de France, pour le financement des retranscriptions écrites des deux études portées par le Conseil scientifique.
Claire Oger informe les participants qu’il sera possible de contractualiser une convention avec les laboratoires universitaires des deux équipes, permettant en suite le financement des vacations dédiées à ces activités de retranscription des entretiens.
Claire Oger dit que son laboratoire serait prêt à abonder le budget dédié pour l’étude sur le sentiment d’appartenance au territoire, à hauteur de 500 euros.
Claire Beugnet remercie au nom de l’association Claire Oger en sa qualité de représentante du laboratoire.
V. Questions annexes (focus sur le thème de la prochaine saison culturelle) :
Emmanuel Paris propose la formule « Trait d’union » pour inspirer la saison culturelle à venir, commençant en septembre et se terminant en juillet 2018.
Emmanuel Paris explique que cette proposition tient, comme à chaque fois, compte de plusieurs facteurs avec comme premier d’entre eux ce que vivent et expriment les enfants de l’association.
Emmanuel Paris se réfère au film réalisé le 5 avril à l’attention du colloque des « Journées d’Enfance 2017 » ; les enfants ont formulé avec Patrick Bourdet des raisonnements sur le courage au cours desquels ils ont souvent articulé deux idées, par exemple la peur et la confiance.
Il s’agit donc d’une pensée dialectique, laquelle peut être symbolisée par le trait d’union, forme syntaxique symbolisant la valorisation d’une pluralité de sens par leur jonction, leur mise en rapprochement par celui qui parle, écrit, dit.
Emmanuel Paris précise que la même énergie conciliatrice caractérise les équipes éducatives ; il s’agit pour les professionnels de faire œuvre de médiation, de facilitation du lien entre différentes parties prenantes (l’enfant, le ou les parents, les services de l’Aide Sociale à l’Enfance, l’établissement scolaire, le Juge des Enfants, etc.).
Emmanuel Paris conclut sur le fait que « trait d’union » peut aussi signifier le travail du programme culturel de l’association qui en arts, en lettres, en sciences et technologies, en sports, joint l’expressivité de l’enfant aux systèmes de mise en représentation développés par l’humanité pour représenter la généalogie, la vie, le monde, l’univers.
Emmanuel Paris prend à ce propos appui sur un ouvrage écrit par l’anthropologue Tim Ingold ; « Une brève histoire des lignes », dont on trouvera une présentation ici.
Claire Beugnet demande si le thème pourra être pleinement approprié par les enfants et les équipes.
Claire Oger dit qu’il est possible de trouver dans la bibliographie de Tim Ingold des textes très concrets, qui parleront sans aucun doute aux enfants et aux équipes. Claire Oger pense par exemple à un second ouvrage d’Ingold dont on trouvera la présentation ici.
Jean-Charles Sergeant dit que les thèmes des saisons culturelles permettent chaque année aux équipes de renouveler leur regard sur les enfants, qui à l’occasion des créations issues du programme « L’aventure de la vie » leur montrent des nouveaux ou d’autres aspects d’eux-mêmes et de leurs représentations du monde.
Pierre Lemarquis signale que le logo d’une association appelée « Alzheimer trait d’union » reprend La création d’Adam, œuvre du peintre Michel Ange insistant sur le petit espace entre le doigt du divin et le doigt humain. C’est ce petit espace, dit Pierre Lemarquis, qui est au cœur de l’énergie de vie, de l’énergie créatrice.
Eric Legros reprend l’idée du trait d’union comme insistance mise sur l’entre-deux : c’est « l’entre » qui rend ce trait, cette figure syntaxique, si important.
Francis Rembotte dit que le thème « trait d’union » est très positif ; il parle de ce qui rassemble, de ce qui unit, de ce qui permet de comprendre un ensemble (chaque mot a un sens, et mis en jonction par le trait d’union, ils prennent un troisième sens). C’est une métaphore du travail quotidien de l’association : l’enfant / l’altérité / l’enfant autre.
Jean-Charles Sergeant dit que le travail des éducateurs est de faire le trait d’union entre parents, école, Aide Sociale à l’Enfance.
Autre information dans le cadre de ces questions annexes : Eric Parot signale l’émergence d’une entreprise boulonnaise sur le point de contribuer à l’essor des énergies renouvelables, et demande si des enfants pourraient rencontrer ce collectif innivant. On trouvera plus d’informations sur cette start-up, « Eel Energy », ici.
Les membres du Conseil scientifique fixent la date de la réunion de rentrée de l’instance : le 20 octobre 2017, de 10h à 13h.