Compte-rendu de la réunion du Conseil scientifique de l’association
« Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Boulogne-sur-mer
5 octobre 2018
Présents :
Claire Beugnet, directrice de l’association
Anthony, représentant des enfants et des jeunes de l’association
Eric Legros, président du Conseil scientifique de l’association
Olivier Martin, professeur des universités en sociologie, Université Paris Descartes
Patrick Miquel, précédent directeur de l’Enfance et de la Famille, Conseil départemental du Pas-de-Calais
Claire Oger, professeur des universités en sciences de l’information et de la communication, Université Paris-Est Créteil
Emmanuel Paris, directeur adjoint aux affaires culturelles de l’association
Eric Parot, ingénieur physicien Schlumberger Ltd, précédent coordinateur France Fondation SEED
Francis Rembotte, membre du Conseil d’administration de l’association
François Roy, artiste dramatique, metteur en scène
Anick Traguardi-Menet, représentante du personnel de l’association
Henri Villeneuve, membre du Conseil d’administration de l’association
Excusés :
Jean-Paul Demoule, professeur des universités émérite en archéologie, Université Paris 1
Jean-Louis Etienne, membre du Conseil d’administration de l’association
Fleur Guy, docteure en géographie
Pierre Lemarquis, neurologue, attaché d’enseignement d’éthologie à l’université de Toulon-La Garde
Invité :
Maki Suzuki, artiste designer
Maki Suzuki a dessiné les participants pendant cette réunion ; découvrez ces croquis :
Ouverture de la dix-septième séance du Conseil scientifique par Eric Legros, président du Conseil.
En raison de la longueur conséquente de ce compte-rendu, nous proposons pour chaque partie de cliquer sur des fenêtres dynamiques permettant de faciliter le trajet de lecture.
I. Présentation des résultats statistiques du questionnaire proposé aux enfants et aux jeunes :
Emmanuel Paris présente les résultats du traitement statistique des réponses formulées par les enfants et les jeunes de l’association au questionnaire portant sur le programme culturel « L’aventure de la vie ».
Emmanuel Paris précise que ce questionnaire, proposé aux enfants et aux jeunes sur le mode du volontariat, est mis à disposition des équipes pour la quatrième année consécutive au terme de la saison culturelle ; à la mi-juillet.
On trouvera le détail de ces résultats sur notre site Internet ici.
Emmanuel Paris souligne trois résultats marquant cette livrée 2018 :
– La persistance de forts taux de réponses positives quelles que soient les questions posées dans le thème 1, ce qui signale de la part des enfants une adhésion au programme culturel quant à son principe et à sa mise en œuvre ;
– Une variation tendancière à la baisse dans les réponses (positives) dans le thème 3, consacré à l’acceptation par les enfants d’autres enfants. Emmanuel Paris informe les participants que, sous réserve d’interprétation statistique plus poussée, une hypothèse interprétative privilégiée est que la promotion 2017-2018 était caractérisée par un fort taux de renouvellement des effectifs ;
– La persistance des taux de réponses positives pour le thème 4 ; Emmanuel Paris dit que malgré cette difficulté des enfants à accepter la venue de nouvelles et nouveaux dans leur lieu de vie, la force des actions culturelles programmées tout au long de la saison a permis de créer des dynamiques, des synergies appréciées de tous.
Francis Rembotte remarque la chute du taux de participation des enfants et des jeunes pour répondre à ce questionnaire, considérant le taux de participation l’année précédente.
Emmanuel Paris observe que cette chute (de 69.6 % la saison précédente à 54 % cette saison) est certes remarquable, mais dit que le taux de participation au-dessus de 50 % maintient l’exercice dans un étiage significatif pour l’interprétation des réponses.
Claire Beugnet explique cet écart négatif entre le taux de participation cette saison, et celui de la vague précédente, par des droits d’hébergement accordés à des enfants et des jeunes des maisons dès la fin de l’année scolaire, le 7 juillet 2018 (retour en famille, en famille d’accueil ou dans une autre Maison d’enfants si le répondant est externe au Centre de Jour ou à la Maison Vive et accueilli par une autre institution que la nôtre). Une fraction importante des répondants potentiels à ce questionnaire n’était, autrement dit, pas présente sur les lieux de vie de l’association pour éventuellement participer, selon leur bon vouloir, à cet exercice.
Francis Rembotte demande si, pour surmonter cet écueil, il serait possible de proposer le questionnaire durant le mois de juin précédant la fin de la saison culturelle.
Claire Beugnet et François Roy expliquent l’importance du spectacle organisé au terme du festival annuel « Les Journées d’Enfance » pour la pertinence des réponses formulées par les enfants et les jeunes aux questionnaires. Cette date du calendrier (chaque saison, le spectacle est programmé à la fin de la première semaine du mois de juillet) est en effet déterminante tant sur scène les enfants et les jeunes présentent une synthèse créative de l’ensemble des activités artistiques et culturelles réalisées durant la saison écoulée.
François Roy précise que ce moment privilégié est notamment caractérisé par une effervescence collective, et l’acceptation par les enfants et les jeunes d’intégrer dans leurs expressions créatives des influences issues d’autres contenus d’ateliers – soient autant d’items composant le questionnaire.
Claire Oger remarque l’ambivalence des formulations de questions proposées dans le thème 1 (« Renforcement de la capabilité / de la confiance en soi »). Les résultats tous positifs aux questions 1, 2, 4 sont en effet peu cohérentes si on les interprète d’un même tenant, avec en particulier la question 2 qui signale que l’intérêt pour l’existence institutionnel du programme culturel est relatif pour les enfants et les jeunes, alors même qu’ils reconnaissent ses effets positifs sur leur grandissement.
Claire Oger dit que les formulations de question seraient plus aisées pour les enfants et les jeunes si elles les questionnaient en tant qu’individus, pensant à titre personnel des situations vécues concrètes à partir desquelles ils peuvent se référer pour répondre.
Francis Rembotte relève une erreur dans le paragraphe commentant les résultats de la réponse 3 : « en se référant aux résultats de la précédente saison culturelle, le taux de réponses positives a baissé de près de 10 %, le taux de réponses intermédiaires a baissé de près de 2 %, le taux de réponses négatives a baissé de 11 %. ». Le fait que l’ensemble des taux baisse n’est pas possible.
Emmanuel Paris dit qu’il va reprendre les écrits de travail pour repérer et corriger l’erreur de commentaire. (NDLR : après vérification, la phrase de commentaire correcte est : « en se référant aux résultats de la précédente saison culturelle, le taux de réponses positives a baissé de près de 10 %, le taux de réponses intermédiaires a baissé de près de 2 %, le taux de réponses négatives a augmenté de 11 %. »).
II. Présentation de la saison culturelle 2018-2019 :
Les membres du Conseil analysent différentes actions culturelles programmées cette saison. On trouvera en particulier dans cette partie une présentation détaillée par Eric Legros d’une nouvelle exposition conçue à l’attention des enfants et des jeunes et portant sur l’apprentissage du droit.
Emmanuel Paris distribue aux participants la note de rentrée diffusée auprès des équipes et présentant au mois de septembre « Y’a d’la joie ! », thème de la nouvelle saison. On trouvera le contenu de cette note ici.
Olivier Martin demande si, comme le suggère ce texte, peu de parents sont venus lors du spectacle de fin de saison 2017-2018.
Claire Beugnet et Anick Traguardi-Menet confirment ce phénomène, sans doute dû à la date de la programmation du spectacle (un jeudi soir). Claire Beugnet et Anick Traguardi-Menet précisent que la salle était comble en raison de la présence de professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfants, des établissements scolaires auxquels les enfants et les jeunes sont affiliés et aussi de membres des familles des personnels de l’association.
Anick Traguardi-Menet dit que les enfants et les jeunes intériorisent souvent la possibilité que leurs parents ne viennent pas, même s’ils ne se résolvent pas à cette perspective.
Francis Rembotte dit que cette expérience douloureuse leur apprend au moins qu’ils consentent tous ces efforts pour eux en premier lieu, ce qui est un élément important de l’effort éducatif.
Emmanuel Paris distribue aussi le programme mois après mois de cette saison 2018-2019. On trouvera le contenu de ce programme ici.
Parmi les actions culturelles organisant ce programme, Emmanuel Paris demande aux participants si le mode d’organisation du colloque, le 5 juillet 2019, sera reconduit. Emmanuel Paris signale que cette configuration a particulièrement été appréciée par les participants, orateurs et auditeurs.
Anick Traguardi-Menet et Claire Oger signalent que l’amphithéâtre numéro 1, salle qui a accueilli leur atelier lors de la précédente édition du colloque, le 6 juillet dernier, n’offre pas les mêmes qualités d’échanges avec l’auditoire que dans des salles de cours du site universitaire. Anick Traguardi-Menet et Claire Oger expliquent que l’amphithéâtre est trop grand pour installer une ambiance interactive er recommandent de privilégier l’organisation des trois ateliers de parole dans trois salles de cours du site universitaire.
Afin d’améliorer encore la fluidité des réflexions et interlocutions durant la journée de colloque, les membres du Conseil scientifique précisent le planning idéal :
9h : ouverture du colloque et discours de bienvenue ;
9h20-10h : projection du film de la discussion entre le parrain d’association et des enfants des Maisons autour du thème de la saison culturelle ;
10h-11h : deux interventions « généralistes » d’une demi-heure chacune autour du thème de la saison culturelle ;
11h-12h30 : trois ateliers co-animés chacun par un duo membre du conseil scientifique / membre du personnel de l’association, proposant aux auditeurs de discuter des acceptions du thème de la saison culturelle ;
12h30-13h30 : repas au CROUS du site universitaire ;
13h30-14h : les duos ayant animé les trois ateliers du matin réfléchissent à une synthèse des propos qui s’y sont dits ;
14h : reprise du colloque, 14h-15h : deux interventions « spécialisées » (ex : témoignages d’acteurs de la société civile) d’une demi-heure chacune autour du thème de la saison culturelle ;
15h-16h : restitution collective des ateliers du matin, appuyée par les dessins de Christian Antonelli réalisés durant la journée de colloque.
Emmanuel Paris remercie les membres du colloque et dit qu’il sollicitera le site universitaire de l’ULCO Boulogne-sur-mer, antenne Saint-Louis, pour bénéficier des trois salles de cours en sus de l’amphithéâtre 1 lors de la prochaine édition du colloque.
Emmanuel Paris présente les autres actions culturelles de la saison 2018-2019, qu’elles soient d’ores et déjà initiées, à venir, ou à confirmer.
Mercredi 29 août, Madame Dehée, avocate au barreau de Boulogne-sur-mer et présidente de l’association « Maison des Enfants de la Marine » co-fondatrice de notre association, a rencontré la Maison de la Danse et de la Maison de la Musique pour réfléchir ensemble à l’importance de la Loi et éveiller les enfants quant à leurs droits, repères essentiels aussi bien promus par notre République qu’au niveau mondial, par la convention de l’Organisation des Nations Unies dont la France est signataire.
On trouvera le compte-rendu de cette rencontre ici.
Dix panneaux conçus par Eric Legros, président de notre Conseil scientifique, et réalisés par l’agence Double-hélice en partenariat avec l’association dont Madame Dehée est la présidente, ont permis d’enrichir ces beaux échanges avec les enfants ; « D’où vient le droit ? », « Qui fait le droit ? », « Quels sont mes droits ? » furent quelques thèmes de discussion parmi bien d’autres.
On trouvera sur le site Internet de l’agence Double-hélice une page dédiée à cette exposition.
L’exposition commentée par Madame Dehée poursuivra ces prochains mois son périple, de Maison en Maison.
Eric Legros présente cette exposition :
« Cette exposition se veut un outil à disposition de tous les acteurs de terrain ou centres de formation, souhaitant développer la culture du droit auprès des travailleurs sociaux et des bénéficiaires.
L’institution de référence reste celle du Défenseur des Droits. Ses outils repris dans « Educadroit » sont accessibles à tous et en ligne ici.
Tout d’abord, cette exposition vise à faire entendre que le droit, « une fabrique » de notre humanité, se constitue au fil du temps et des expériences humaines, qu’il a vocation à être modifié, et que chacun peut être à même de l’interpeller, pour lui-même ou pour autrui. L’enfant et l’adolescent sont sujets de droit (et non plus objets de droit) depuis l’adoption par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989 de La convention Internationale des Droits de l’Enfant, qui vise à être universelle. Elle est donc toute récente au regard de l’histoire de l’humanité ! Elle fait loi pour les 196 pays l’ayant ratifiée mais reste très inégalement effective.
Trop souvent le droit est perçu comme extérieur à soi.
Un deuxième objectif de cette exposition est donc de pouvoir faire comprendre et partager que le droit est constitutif de notre propre personne, en ce qu’il limite et lie chacun à la communauté humaine.
En se fondant sur les interdits fondamentaux de meurtre et d’inceste, la loi, le droit vise à nous contraindre dans nos pulsions. Ainsi il protège de la violence contre soi ou autrui, contient, et ouvre à la vie sociale, donne une place à chacun dans sa filiation et dans sa génération. Il est donc constitutif de notre subjectivité. Le droit protège et oblige. Il est au fondement de notre culture et du développement de la personne.
Le troisième objectif est de débattre de tous les thèmes qu’évoque cette exposition et en particulier de tenter de dépasser l’opposition entre droits et devoirs, les uns s’appuyant sur les premiers pour faire barrage aux seconds, et inversement. Dialogue de sourd.
L’éducation a pour mission le développement des compétences, l’autonomie de la personne, et les capacités de vivre et d’être utile en société, c’est-à-dire entrer dans le contrat social.
Comme nous l’avons dit plus haut, le droit protège et oblige. Or, c‘est en s’appropriant des limites qui lui sont transmises par les adultes tutélaires que l’enfant ou l’adolescent acquiert de nouvelles capacités et grandit en autonomie et en droit.
Trop souvent, les travailleurs sociaux opposent droits et devoirs, à l‘endroit même ou il est nécessaire de faire entendre cette dialogique inséparable, qui est à même de faire comprendre aux enfants et adolescents les bénéfices pour chacun à être « dans le droit ».
Il est vrai que lorsque le contrat social n’est pas respecté, soit par exemple, avoir un travail ou une utilité sociale donnant reconnaissance et autonomie financière, alors le contrat social devient inique et les efforts perçus tout au long de l’éducation inutiles. De même lorsque l’enfant ou l’adolescent n’est pas reconnu dans les capacités de son âge, il ne peut percevoir les bénéfices de ses efforts pour devenir autonome et respecter le droit. C’est pourquoi il doit être instruit de ses droits et ressentir la reconnaissance des adultes tutélaires dans ses efforts.
Ainsi, l’un des messages de l’exposition est de sensibiliser le jeune à un droit transversal à tous les autres et repris dans la C.I.D.E : le droit à être associé à toutes les décisions qui le concerne. Le monde éducatif doit donc pouvoir s’appuyer sur ce droit dans sa mission d’éducation. Ce faisant, l’enfant et l’adolescent, sont en mesure de mieux comprendre les décisions prises, les amender, les discuter, se les approprier. Il sera à même, et ce n’est pas le moindre de ses bénéfices de pouvoir le transmettre. Il peut ainsi se projeter dans cet avenir de citoyen qui est le sien, développer sa pensée et sa capacité critique, inventer son avenir.
Les illustrations permettent de réfléchir au quotidien proche de la vie actuelle de l’enfant ou de l’adolescent : le jeu, le harcèlement, le respect d’autrui et de sa différence, de sexe, de religion, de couleur. Mais aussi sur son droit à la protection quant aux traumas que certains enfants ou adolescents subissent dans la sphère familiale, ainsi qu’aux inégalités sociales ou situations dramatiques des enfants dans les pays en conflits
Nous connaissons les distorsions existantes entre ce que dit le droit et la réalité, ici en France ou dans les pays étrangers. Moins qu’elles ne disent l’impuissance du droit, leur évocation est une occasion de les reconnaître et de mobiliser les uns et les autres pour œuvrer vers plus de justice.
Cette exposition s’adresse donc aux enfants et adolescents. Elle tente de contribuer à la connaissance des droits et particulièrement la C.I.D.E dans leurs fonctions dynamiques et de débats, et pourrait servir d’appui et d’outil à des formations pour les intervenants en droit, pédagogie, psychologie, ou en soins. »
Eric Legros présente les visuels de chaque panneau d’exposition et lit aux membres du Conseil leur contenu détaillé.
« Panneau 1
Sur Terre, plus d’un être humain sur trois est un enfant.
Tu es l’un d’eux, une personne à part entière et tu contribues à l’aventure humaine…
Panneau 2 : Tu es unique
Tu fais partie de la longue histoire du cosmos et des êtres vivants sur terre : l’aventure de la vie !
Tu es relié à l’histoire de tous les hommes et femmes de ce monde par l’évolution biologique, mais aussi par ta culture, par ta langue, par l’histoire de ta famille, de ta communauté, de ton pays.
Ton identité permet de te distinguer parmi tous : ton nom, ta date et ton lieu de naissance, les noms de tes parents. Tout cela est inscrit dans des registres de l’état civil tenus par l’Etat.
Tu es unique et tu contribues à construire l’humanité ! Avec les autres enfants, tu feras le monde de demain…
Panneau 3 : Les droits dans le passé…
Autrefois, les enfants n’étaient pas reconnus comme des personnes et n’avaient aucun droit. Le mot enfant vient du latin infans qui signifie celui qui ne parle pas, en d’autres termes celui à qui on ne demande pas son avis.
L’école n’existait pas et, à part dans les familles riches, les enfants ne recevaient pas d’instruction et travaillaient très jeunes. Le père avait tous les droits sur ses enfants, c’est lui qui décidait de leur avenir.
Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle que les philosophes ont fait progresser l’idée que l’enfant était une personne à part entière, qui avait besoin de soins, de protection, d’écoute et d’éducation. Durant cette période appelée « Les Lumières », on a pris conscience de la valeur de tout être humain, adulte ou enfant. On a compris que chacun pouvait s’épanouir par l’éducation et l’accès aux connaissances, avait son rôle à jouer dans l’histoire de l’humanité et devait être respecté et défendu par la loi.
Panneau 4 : Naissance du droit
Dans l’histoire des communautés humaines, petit à petit, sont nées des habitudes, des coutumes, des règles pour bien vivre ensemble. Ces règles définissent les obligations et les droits de chacun pour que la société puisse bien fonctionner. Pourrais-tu jouer au foot ou aux échecs sans respecter les règles du jeu ?
Les droits ne sont pas seulement des règles de vie sociale. Ce sont aussi des cadres qui permettent à chaque personne de vivre dans de bonnes conditions et de pouvoir s’épanouir. C’est ainsi que sont nés les Droits de l’Homme en 1789 à la fin du siècle des Lumières, puis 200 ans plus tard, les Droits de l’Enfant en 1989.
Parce que les enfants sont fragiles et en plein développement, leurs droits et leurs devoirs ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux des adultes.
Chaque pays a ses propres règles, mais peu à peu des droits universels fondamentaux ont été reconnus par tous et écrits dans des textes signés par tous les gouvernements. Ces droits internationaux font de nous des citoyens
Panneau 5 : Le droit se construit tous les jours.
Les droits ne sont pas toujours respectés. Il est souvent nécessaire de les défendre.
Ils évoluent au fil du temps et de l’acquisition des connaissances.
Tu sais qu’il y a dans le monde trop de régions où règne la famine et de pays ravagés par la guerre. Les enfants y sont les premières victimes de la faim et de la violence. Même près de chez toi, dans la rue, tu peux voir des familles et des enfants dont les droits les plus élémentaires sont bafoués. L’humanité a déjà énormément progressé mais il reste beaucoup à faire pour que chacun soit respecté, puisse vivre heureux et développer ses compétences !
Pour y contribuer, tu dois connaître et défendre les droits des enfants, pour toi-même et pour tous ceux qui t’entourent. C’est ainsi que les choses avancent, quand chacun sait ce qui doit être et met du sien pour le réaliser.
Panneau 6 : les droits des enfants en dix points
Voici en résumé ce que dit la Convention internationale des droits de l’enfant (en encart).
Ainsi, tu as non seulement le droit d’être nourri, soigné, protégé, mais aussi le droit de t’instruire et de jouer, pour te construire, développer tes capacités, tes talents et tes projets.
Les droits sont les mêmes pour tous, sans distinction de sexe, de couleur, de langue, de religion ou de communauté, de handicap… Même si cette convention n’a pas résolu tous les problèmes, elle ouvre la voie vers une société plus équitable.
Les panneaux suivants développent quelques-uns de ces droits fondamentaux.
Panneau 7 : Vivre sans violence
La violence n’est pas seulement physique (coups, bagarres), elle peut aussi être morale. Elle est faite de tout ce qui peut te troubler, t’humilier ou te peiner :
le harcèlement scolaire,
le racisme,
la publicité omniprésente,
les abus sexuels,
l’exploitation…
Les enfants ne doivent subir ni violences ni exploitation commerciale ou sexuelle.
Tes parents, éducateurs ou enseignants peuvent te protéger de ces violences et te conseiller.
A l’adolescence, les relations sexuelles sont possibles entre personnes mineures qui en ont le désir. Par contre, elles sont interdites entre un adulte et un mineur de moins de quinze ans : elles peuvent être considérées comme un viol et l’adulte impliqué peut être puni par la loi.
Pas plus que les adultes, les enfants n’ont le droit d’agir avec violence. Lorsqu’ils sont responsables de délits graves, ils peuvent être jugés par une justice spéciale pour les mineurs.
Panneau 8 : Apprendre et jouer
Apprendre est un droit fondamental.
L’éducation te permet de connaître l’histoire des hommes et celle de ton pays, de ta culture, de ta religion.
Elle t’enseigne l’histoire de la planète, le respect des autres et de l’environnement, à comprendre que tu appartiens à la société humaine et au cycle de la vie.
Apprendre contribue à faire de toi un être humain épanoui, te permet de construire ta personnalité et déployer tes talents. Tu peux ainsi mieux mener ta vie, devenir un citoyen responsable dans la société humaine et sur la planète Terre.
Tu as aussi le droit de te reposer, de jouer, d’avoir du temps libre, de faire des choses non productives.
Le jeu est essentiel, il permet aux enfants d’apprécier leurs différences, d’expérimenter le monde par eux-mêmes, de créer leurs propres règles. Jouer apprend à maîtriser son énergie, à ressentir la limite entre soi et les autres et à développer ses émotions positives (enthousiasme, bienveillance, amitié, respect d’autrui).
Panneau 9 : S’exprimer librement
Tu as le droit de dire ce que tu penses et d’être entendu, être associé à toutes les décisions qui te concernent.
Tu as le droit de parler sans contrainte et sans être manipulé, le droit de recevoir toutes les informations nécessaires à ta compréhension pour te faire ton propre jugement.
Le droit aussi de ne rien dire si tu ne souhaites pas t’exprimer.
Enfant écouté par un adulte attentif.
Tu vois qu’à chacun de tes droits s’attache un devoir essentiel : celui de respecter les autres.
Panneau 10 : Des droits mais aussi des devoirs…
Dès que tu es en âge de comprendre, tu es responsable du tort que tu infliges à autrui. Ainsi, même si tu es un enfant ou un adolescent, tu peux être traduit en justice pour avoir volontairement blessé quelqu’un ou volé ses biens.
Tu as le devoir d’être respectueux et reconnaissant vis-à-vis des adultes, en particulier de tes parents, qui te nourrissent, te soignent et te protègent. Tu as le devoir d’agir poliment. Ne pas dire bonjour à quelqu’un qui te salue est une incivilité, une petite violence que tu fais à l’autre. Jeter tes déchets au sol, cracher sur les trottoirs est une incorrection irrespectueuse du bien commun.
Quand tu connais tes droits et que tu respectes ceux des autres, tu deviens plus autonome et capable de prendre des décisions et des responsabilités. Nos droits et nos devoirs nous permettent de construire ensemble une communauté humaine pacifique et épanouissante pour tous. »
Henri Villeneuve valorise la qualité de cet outil pédagogique et demande si l’exposition ne pourrait pas aussi être proposée aux établissements scolaires.
Eric Legros dit que l’exposition est mise à la disposition de l’ensemble des acteurs de la société française travaillant avec des enfants et des jeunes.
Claire Beugnet dit que M. Delattre, membre du Conseil d’administration de l’association et instituteur à Samer, commune proche de Boulogne-sur-mer, a manifesté son intérêt pour mobiliser l’exposition dans le cadre de l’activité scolaire de son établissement.
Claire Beugnet précise que l’exposition sera par ailleurs présentée aux spectateurs de la « Journée territoriale des droits de l’enfant » organisée le 21 novembre 2018 dans la salle de spectacle boulonnaise « La Faïencerie » ; cette action s’inscrira dans la participation des Maisons pour la septième édition consécutive à cette journée pédagogique et festive organisée par la MDS de Boulogne-sur-mer à l’attention de la population – et particulièrement des familles.
Claire Beugnet dit que, s’agissant de l’étape de l’exposition à la Maison de la Danse et à la Maison de la Musique, enfants et membres des équipes éducatives ont beaucoup interagi avec Madame Dehée ; la question de l’encadrement de la violence par la Loi fut l’un des thèmes les plus discutés.
Eric Legros dit que cette exposition aussi vocation à être utilisée par les acteurs des institutions de la santé ; Eric Legros cite par exemple les psychologues et pédopsychiatres agissant dans les pôles médicaux du territoire. Eric Legros dit que c’est là la réaffirmation de la qualité du droit en tant que façon pour tous de prendre soin de soi ; le droit est, autrement dit, constitutif de la personnalisation de l’être.
Francis Rembotte signale que l’IFAR, association proposant des formations, services de consultance et d’évaluation auprès des établissements des secteurs de la santé, du social, du médico-social et de l’animation, a fait l’acquisition de trois exemplaires de l’exposition. Francis Rembotte précise qu’un exemplaire est dédié à la formation des professionnels de l’action sociale, le deuxième à l’attention d’établissements scolaires et associations au Maroc, et le troisième pour le Congo et particulièrement les écoles de Kinshasa.
Eric Legros informe les participants que cette exposition est aussi utilisée dans le Sud de la France, par des acteurs de la société civile en lien avec l’agence « Double Hélice ». Eric Legros signale que ce contenu d’exposition va aussi être développé au format livre.
Claire Beugnet signale que M. Benslimane, Juge des Enfants au tribunal de Boulogne-sur-mer, souhaite créer en décembre 2018 un espace dédié à la lecture dans les locaux du tribunal pour enfants. Claire Beugnet dit qu’elle va proposer à M. Benslimane l’exposition, et l’informer de la production à terme d’un livre nourri de ces contenus.
François Roy dit que l’exposition est très belle et demande si elle pourrait être traduite en anglais pour faciliter sa circulation dans les pays anglo-saxons. François Roy propose que l’exposition soit installée dans les locaux de l’association afin que les visiteurs puissent, sur le modèle de l’exposition accrochée sur le site administratif du site d’Outreau, régulièrement découvrir ses contenus.
Francis Rembotte et Eric Legros disent que cette exposition a besoin de la présence humaine d’un médiateur formé aux questions du droit pour exprimer de manière optimale son potentiel pédagogique. Francis Rembotte précise que cette nécessité sera par exemple d’autant plus importante à Kinshasa, les enfants appelés à découvrir l’exposition étant bien loin de par leur vie vécue des considérations formulées dans les panneaux. Francis Rembotte cite comme exemples les enfants soldats, les enfants orphelins vivant dans les rues de cette capitale.
Emmanuel Paris présente d’autres actions culturelles rythmant la nouvelle saison de l’association.
Emmanuel Paris cite la reconduction des partenariats muséaux (FRAC Grand large Hauts-de-France, Musée Le Louvre Lens), mais aussi les ateliers en physique chimie du Centre de Jour (partenariat Fondation SEED / Ecole Supérieure de Physique Chimie Industrielles de la ville de Paris). Emmanuel Paris informe les participants que l’exposition « Trait d’union » programmée au FRAC jusque le début de ce mois de septembre a généré 14 233 visiteurs.
Eric Parot, qui co-anime ces ateliers avec Sophie Goujon-Durand et Yoann Jaffre, précise qu’il envisage de proposer aux enfants et aux jeunes du Centre de Jour des ateliers axés sur l’analyse des qualités respectives des énergies renouvelables et non renouvelables. Eric Parot cite en exemples les propriétés énergétiques de l’uranium, la calorie comme valeur physique et chimique déterminant le vivant.
Autre action culturelle marquant la nouvelle saison, Emmanuel Paris annonce l’inauguration du FabLab des Maisons le premier semestre 2019. Emmanuel Paris précise que le FabLab, projet soutenu par la Fondation Sopra Steria sous l’égide de l’Institut de France et par la Fondation Auchan sous l’égide de la Fondation de France, sera équipé graduellement. Une première catégorie de machines dites « intelligentes » sera installée au premier semestre 2019 ; des « plotters de découpe ».
Eric Parot demande si le FabLab peut proposer rapidement aux enfants et aux jeunes de l’association la réalisation d’un démonstrateur, prototype qui serait présenté aux employés de l’entreprise Sopra Steria en guise de premier objet concret issu de ce projet pluriannuel.
Emmanuel Paris dit que cette question sera examinée avec Frédéric Renaux lors de la prochaine réunion du Conseil de la Culture d’entreprendre le 9 novembre.
Emmanuel Paris informe les participants que le partenariat avec l’INRAP et « Les Chalcophore » s’est achevé au mois de juillet ; l’atelier mensuel se poursuivra cependant, animé par deux éducateurs des Maisons. Il s’agira de poursuivre la fabrique à l’échelle 1 d’une charrette ayant circulé au XIXe siècle dans le cadre des négociations entre royaumes anglais et français.
S’agissant des activités sportives, Emmanuel Paris dit que la programmation de tournois inter-maisons sera encouragée tant les retours des enfants et des équipes éducatives sont positives.
Emmanuel Paris conclut ce passage en revue des actions culturelles 2018-2019 par deux informations ; la rencontre de représentants de l’établissement de diffusion de culture scientifique et technique « La Coupole », ainsi que d’un collectif artiste recommandé par le Conseil départemental afin d’évaluer avec eux et respectivement la faisabilité d’un partenariat pluriannuel et d’un atelier d’écritures au premier trimestre 2019.
III. Présentation de la résidence art / science 2019 :
Autre action culturelle programmée cette saison, la résidence art / science 2019 soutenue par le programme « Les nouveaux commanditaires » de la Fondation de France et par la Fondation Daniel et Nina Carasso sous l’égide de la Fondation de France sera réalisée par Maki Suzuki.
Maki Suzuki présente les problématiques de cette résidence ; le cahier des charges réalisés par les chefs de service, la direction et Madame Dehée, présidente de l’association propriétaire du site hébergeant « Le petit déjeuner sous l’herbe », insiste sur la nécessité pour lui de prendre le relais d’auteurs initiaux (les concepteurs qui, en 2010, ont créé le petit déjeuner sous l’herbe), et cette création de sa part devra à son tour être reprise par d’autres, qui vivront en 2050 pour fouiller le site archéologique.
Maki Suzuki dit que son rôle sera dès lors de « mettre en signes », de « signifier » ce lieu ainsi que le rituel du 2 juillet ; Maki Suzuki dit que cela pourrait passer par la re-transmission d’histoires par des objets interrogeant quiconque, de sorte qu’ils amènent à poser des questions d’enquêteurs et ainsi de rechercher celles et ceux capables de raconter les histoires du 2 juillet.
Parmi ces objets questionnants, Maki Suzuki cite la roulotte, laquelle pourrait être placée sur le parking de la ferme pour obliger les automobilistes à tenir compte de son existence pour se garer.
Eric Legros dit que « Le petit déjeuner sous l’herbe » fut une opération pour faire mémoires dans l’institution ; donner un lieu de mémoire pour l’enfant, pour l’éducateur, pour le lien enfant – éducateur.
Ce faisant, précise Eric Legros, il s’agissait de se créer un espace-temps disponible de manière permanente pour contrecarrer la pression de la pensée à court terme, format habituel de l’action éducative tant elle s’inscrit dans des variations à la journée des manières d’être, de faire et de dire des enfants et des adultes.
François Roy dit que cette opération initiale fut un moyen institutionnel pour permettre le retour du passé dans le présent, et aussi son ancrage dans un devenir. François Roy informe les participants qu’à Outreau se trouve une malle au-dedans de laquelle se trouvent des objets incongrus, issus de la collecte opérée par la roulotte dans le cadre de la campagne « Nos objets d’enfance ».
Maki Suzuki se dit impressionné par la coexistence permanente sur le site de la ferme de Bertinghen d’objets témoignant d’actions culturelles particulièrement ambitieuses, et de la discrétion des personnes ayant fait vivre ces actions. Maki Suzuki compare ce phénomène à des ruines, des vestiges archéologiques présents à la surface du sol, dit que c’est un espace recelant pléthore d’indices, de traces superposées dans le périmètre du champ de vision quotidien.
Emmanuel Paris cite un ouvrage réfléchissant aux phénomènes qui mettent en mouvement l’énergie d’enquêter sur le monde. Il s’agit de l’ouvrage de Carlo Ginzburg L’interprétation des indices.
Maki Suzuki dit que la question de la prise en compte de la dynamique temporelle passé – présent – futur lui paraît plus prégnante pour « le petit déjeuner sous l’herbe » que pour le rassemblement annuel du 2 juillet.
Francis Rembotte dit qu’à Kinshasa, des barres métalliques sortant régulièrement des façades sont autant d’indices visuels analogues à ceux qui sont discutés à l’occasion de cette présence de Maki Suzuki : ces barres sont des reliquats de construction inachevée, et annoncent de possibles développements ultérieures du bâti, par d’autres occupants que ceux ayant vécu ou vivant là.
Olivier Martin cite l’exemple du site d’enfouissement des déchets radioactifs de Bure, pour lequel les collectifs œuvrant à sa concrétisation réfléchissent à des moyens de communication permettant aux habitants, dans des centaines d’années, de savoir que ce site existe, qu’il faut en tenir compte, et des modalités pour pouvoir le gérer dans les meilleures conditions.
IV. Lecture commentée de l’article « Quand les liens familiaux s’appuient sur les médias socionumériques. Approche sociojuridique des relations familiales au sein de la protection de l’enfance » :
Olivier Martin présente le texte :
« Les auteurs :
- Émilie Potin : MCF en sociologie à Rennes 2, doctorat sur l’enfance protégée
- Gaël Henaff : MCF en droit à Rennes 2
- Hélène Trellu, IR à Rennes 2
Présentation générale de l’article :
L’article s’interroge sur les effets des correspondances numériques sur les liens familiaux et sur les principes/catégories de régulation du système de protection de l’enfance. Il s’agit d’une analyse sociologique et juridique sur le rôle, les effets des outils de communication (ordinateurs, tablettes mais surtout téléphones ; SMS, réseaux sociaux, voix, Skype…) dans les situations d’enfants placés.
Les auteurs ne s’intéressent qu’aux échanges entre les enfants et leurs parents (père, mère), et laissant les autres interactions (avec les pairs, avec les copains, les amis, les camarades). Donc, article centré sur la relation parent-enfant, et sa médiatisation par les techniques contemporaines de communication.
L’article croise/mêle donc deux approches (qui constituent les deux principales parties de l’article) :
- Une analyse des pratiques de communications, des modalités d’interactions entre les parents et les enfants dans des situations où les enfants sont placés et protégés.
Cette analyse repose sur des enquêtes par entretiens auprès d’enfants placés ou d’adultes en contrat jeune-majeur (12-21 ans), de parents (au total 29 personnes)
2. L’analyse des principes juridiques mis en œuvre par les magistrats et des normes et des pratiques professionnelles des éducateurs dans de telles situations (75 professionnels, magistrats et éducateurs et assistants familiaux, ont été interrogés). L’analyse juridique repose sur l’analyse de décisions juridiques et sur des entretiens avec des magistrats.
Au total 15 situations ont été analysées de manière croisée, en interrogeant à la fois les protagonistes (enfants, parents) et les professionnels concernés. Pour ces 15 situations, les points de vue de chacune des parties ont été saisis.
L’enquête souligne qu’à la fois par « le caractère discrétionnaire des équipements numériques » et par « l’autonomie relationnelle » qui en découle, les « modalités du lien familial au sein du système de protection de l’enfance prennent une forme inédite qui interroge autant la structuration familiale que le cadre de la protection. » (p. 188).
Les principales conclusions, résumées à l’excès :
- Primo, « les acteurs professionnels du placement se trouvent en difficulté pour réguler la correspondance familiale numérique » (p. 202).
- Secundo, les auteurs se demandent si le cadre juridique n’est pas devenu obsolète, inadapté, dépassé. Les catégories par lesquels on pense et on agit sont-elles encore pertinentes ?
Quelques détails sur le propos :
La réglementation régit les Visites, les Hébergements et la Correspondance (VHC) : le droit de visite des parents et les modalités de la visite (présence d’un tiers ; programmation chronologique) ; les modalités d’hébergement des enfants ; les modalités de correspondance entre les parents et les enfants (et leur éventuel contrôle par un tiers).
L’arrivée puis la banalisation des outils de communication changent les choses.
Pour partie, la correspondance numérique échappe au regard des travailleurs sociaux (l’enquête montre l’existence d’un décalage entre ce que disent les éducateurs et ce que disent les enfants de leurs échanges avec leurs parents). Les travailleurs sociaux témoignent de la difficulté à articuler au quotidien leur mission d’accompagnement à l’autonomie avec leur mission de protection.
Les outils de communication contemporains offrent une « autonomie relationnelle » (Metton, 2010) aux enfants (et aux parents) alors que la relation parent-enfant est supposée être régulée par les dispositifs de l’ASE.
Ainsi, « si le placement cherche à déplacer le cadre de vie du mineur, d’un point de vue géographique, l’objectif semble rempli ; seulement d’un point de vue cognitif, les médias socionumériques paraissent limiter ce déplacement. » (p. 190).
Et, « dans la mesure où le cadre de l’échange est maîtrisé par le jeune, il va aussi pouvoir être détenteur du fil de l’information aux dépens des professionnels. Cet espace échappe au regard totalisant des professionnels qui encadrent le quotidien des jeunes placés, décident des orientations liées aux parcours juvéniles ou encore alimentent le contenu du dossier » (p. 191).
Pour les enfants, ces modalités de correspondance leur permettent justement de préserver une certaine forme d’intimité dans les échanges, de garder un contrôle sur leur vie, de maintenir une zone hors de contrôle des autorités et tutelles qui les entourent.
Elles leur permettent d’échapper à ce regard qu’ils estiment parfois totalisant.
Cette autonomie relationnelle dans les communications offre aux enfants la possibilité d’affirmer leur autonomie : elle contribue à asseoir leur volonté d’avoir une vie à eux, une vie qui échapperait aux adultes et à leur contrôle. Ils peuvent échapper aux regards que les services de l’ASE ont sur eux ; ils peuvent aussi réguler (ou espérer réguler) les relations avec leurs parents (perso)
En pratique comme en théorie, il revient aux équipes de travailleurs sociaux d’inventer des manières de gérer ces situations : en « l’absence de cadrage sur les équipements et les usages socionumériques, l’ajustement des pratiques se construit dans l’accueil et dans la relation éducative » (p. 193) mais les témoignages font état de difficultés à faire face à ces situations et à ces pratiques de communication qui leur échappent. Les auteurs parlent de « difficultés à s’approprier la configuration nouvelle qui déplace le rôle de tiers » (p. 194).
Les situations sont d’autant plus complexes que le payeur de l’abonnement téléphonique obtient, de facto, un droit ou un pouvoir de regard sur les usages du téléphone. Il peut par exemple se sentir autoriser à demander qu’on l’appelle ou que des échanges réguliers s’installent puisqu’il paye pour cela.
Dans la pratique des magistrats, les attitudes sont actuellement très variées :
– dans certains cas, on constate l’absence de toute mention des médias socionumériques dans les jugements de placement. Cette absence est parfois justifiée par « l’inclusion implicite de ces médias sous le vocable de correspondance. « Je pense que dans l’absolu, ça pourrait totalement être considéré pareil. » (Entretien individuel, juge des enfants, femme). (p. 198)
– dans d’autres cas, certaines décisions limitent les droits de correspondance en incluant explicitement l’usage des outils socionumériques.
– mais, il semble globalement que les magistrats sont peu enclins à interdire ou simplement restreindre l’usage des outils de communication : ils semblent souvent estimer que ce type de décision est inefficace, probablement vaine. Ils renvoient parfois à l’éducatif, aux équipes de travailleurs sociaux le soin de gérer les situations. Certains estiment même qu’il serait intéressant que les services s’emparent davantage de ces outils pour en faire un instrument du travail éducatif.
Pour les auteurs la présence et l’usage des techniques socionumériques a ou aura plusieurs conséquences :
- « Compte tenu de la rapidité de l’évolution des technologies de communication, il ne fait pourtant aucun doute que la correspondance numérique s’invitera de plus en plus dans les réflexions pratiques et juridiques concernant les placements » (p. 200). C’est d’ailleurs déjà le cas dans le cadre des contentieux des séparations, des divorces, de couples avec enfant.
- « La deuxième évolution possible pourrait consister en une remise en cause des catégories traditionnelles nommées dans la loi : visite, hébergement et correspondance. En effet, ces catégories ne sont-elles pas transcendées pour ne pas dire dépassées par l’usage des médias socionumériques ? » (p 201) Par exemple : la vidéo est une forme de co-présence donc de visite ; les SMS sont-ils de la correspondance ? les
- Mise en cause de la hiérarchie dans le sens de la communication et de la dissymétrie parents-enfants : « les médias socionumériques interrogent le sens unique de l’octroi des droits de VHC (droits de visite, droits d’hébergement, droit de communication) des parents vers l’enfant. Si, pour établir ces droits, les acteurs de la décision (juge ou services compétents) sont amenés à définir l’intérêt de l’enfant et à recueillir son point de vue, il revient aux parents de faire valoir leur droit. S’ils n’appellent pas l’enfant, l’enfant n’est pas autorisé à le faire. Les médias socionumériques égalisent cet état de fait en partageant l’initiative de la communication et en égalisant le droit de le faire ou de ne pas le faire. » (p. 201) ».
Patrick Miquel, pensant au fait que chaque enfant ou presque possède désormais son smartphone, et intégrant aussi l’information dite par la note de rentrée de cette saison qui signale que des parents ne sont pas venus assister au spectacle, demande s’il ne serait pas possible de réaliser des vidéos ad hoc (personnalisées) du spectacle, lesquelles seraient proposées à chaque enfant, ce qui leur permettrait de les montrer à ses parents ou détenteurs légaux.
Lucie Legros et François Roy remarquent que cela risquerait de fortement contrevenir à l’un des axes majeurs de l’organisation du spectacle ; la force du collectif et l’harmonisation des prestations individuelles au service d’une œuvre commune.
Anick Traguardi-Menet confirme que, le jour même du spectacle, des enfants reçoivent de leurs parents un SMS lui annonçant leur présence lors du spectacle, et cependant le constat fait par l’enfant de l’absence de ses parents dans la salle.
Emmanuel Paris dit que cela relève de nombre d’actions de communication plus généralement, où l’important n’est pas tant le contenu du message envoyé, mais le fait qu’un message soit envoyé afin de réaffirmer l’existence d’un lien entre celui qui envoie et celui qui reçoit le message. Emmanuel Paris nomme ce phénomène ; la fonction « phatique », et dit qu’elle est souvent particulièrement aliénante.
Eric Parot demande des précisions sur la formulation du concept d’« autonomie relationnelle » ; est-ce une propriété de l’enfant ? Est-ce une qualité désignée par le sociologue observant l’enfant ?
Olivier Martin répond que l’article insiste régulièrement sur la capacité de l’enfant à réguler par lui-même ses relations en ligne – manifestant en cela une des acceptions du concept.
Olivier Martin et François observent que cette capabilité n’est pas le propre des enfants et des jeunes de l’Aide Sociale à l’Enfance, mais de l’ensemble de la population.
Eric Parot dit qu’il serait intéressant de programmer avec les enfants des journées sans portable et sans connexion sur Facebook, afin qu’ils évaluent par eux-mêmes ce que cela génère, aussi bien en terme de prise de liberté que de dégradation de la qualité de vie.
Olivier Martin dit que cette dimension pédagogique inspire l’interdiction des portables dans les établissements scolaires depuis la rentrée.
V. Lecture commentée de l’ouvrage « Le massacre des innocents. Les Oubliés de la République » :
Patrick Miquel présente le texte :
« Le titre de ce manifeste, le massacre des Innocents, nous renvoie, entre autres, à l’Ancien Testament (Evangile St Matthieu 2,16) et aux atrocités d’Hérode, roi des Juifs, qui ayant appris par les rois Mages la naissance à Bethléem de celui qui devrait devenir le roi des Juifs, décida de faire assassiner tous les enfants mâles de moins de deux ans afin de rester le seul roi des Juifs. D’autre part, le massacre c’est l’action de tuer en masse des personnes sans défense, ici des enfants, avec sauvagerie.
D’emblée les auteures entendent nous provoquer afin que nous prenions la mesure du problème. L’exagération est permanente, je cite (dernière de couverture et page 27) : « La France n’aime pas les enfants… La France est le paradis des pédophiles… La France maltraite les plus faibles », plus loin (page 57) : « Noa : l’insupportable angélisme des services sociaux ».
Cette provocation a aussi un but, celui d’amener le lecteur à soutenir leur manifeste adressé aux pouvoirs publics (cf. pages 3 & 170) : « Pour soutenir ce manifeste, ajoutez la phrase suivante, dans les commentaires sur le livre, sur amazon.fr – Je soutiens le manifeste en faveur des Oubliés de la République »
Qui sont les auteures ?
Françoise Laborde, juriste de formation, journaliste, ancien membre du CSA et Michèle Créoff, juriste de formation et spécialiste de la protection de l’enfance, est la vice–présidente du Conseil National de la Protection de l’Enfance (CNPE).
Le CNPE, placé auprès du Premier ministre, le conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) est une instance instituée par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant (article L.112-3 du code de l’action sociale et des familles), il est présidé par la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzin.
On trouvera ici le contenu de cette loi et de l’article en question.
Ses missions, sa composition et les modalités de son fonctionnement ont été précisées dans le décret n° 2016-1284 du 29 septembre 2016 (articles D 148-1 à D 148-3 du code de l’action sociale et des familles).
Cette instance nationale a rendu onze avis concernant l’adoption, la prévention, l’adaptation des prises en charges aux besoins de l’enfant, la formation ainsi que la connaissance et l’évaluation de la politique de protection de l’enfance dans son premier rapport d’activité. On trouvera le contenu détaillé du rapport ici.
La création du Conseil national de la protection de l’enfance ne s’est pas faite dans l’unanimité parlementaire, le Sénat y voyait une reprise en main par l’Etat de la protection de l’enfance confiée aux départements par les lois de décentralisation, dont ce dernier ne faisait d’ailleurs pas mystère à l’époque. En est-il de même sous ce gouvernement ?
Pour des raisons de temps, j’ai suivi l’ordre des paragraphes pour vous parler de ce livre.
1° partie, L’indifférence générale
Dans les années 70, la France fait preuve de laxisme vis-à-vis des agresseurs d’enfants et en particulier à l’égard des pédophiles qui peuvent sans vergogne se déclarés comme tel sans être inquiétés par la Justice et sans majoritairement susciter d’indignation. Peu à peu la parole des femmes ayant été violées va se libérer et elles vont relater les dommages qu’elles ont subis. Elles situent la prise de conscience de l ‘opinion française en 1996 avec l’affaire Dutroux (loi de 1998 sur l’enregistrement des auditions de mineurs victimes).
L’idéologie de la famille met à mal la perception de la maltraitance, les services sociaux rechigneraient à intervenir – dans les familles pauvres pour ne pas les accabler et dans les familles riches pour ne pas ternir leur respectabilité. Un rapport de l’IGAS en 2000 démontre que le retrait d’enfants intervient dans les familles maltraitantes sans distinction de condition sociale contrairement à ce qu’affirmait à ‘époque le mouvement ATD Quart Monde.
Les auteures reviennent succinctement sur les évolutions législatives relatives à la protection de l’enfance, de la décentralisation à la loi du 14 mars 2016. Elles regrettent que la maltraitance n’ait pas été suffisamment nommée dans les textes, que la loi de 2007 a fait une part trop belle à la négociation avec les familles dans le cadre des interventions socio-éducatives et que la protection de l’enfance aurait dû échapper à la décentralisation. La loi du 14 mars 2016 paraît à leurs yeux celle qui va rétablir la possibilité d’une intervention plus rigoureuse et plus ferme dans les familles et en particulier l’instauration du conseil national de la protection de l’enfance permettra un pilotage national. Les deux auteures oublient toute la difficulté qu’il y a à piloter une politique dans un contexte fort de décentralisation, et si le CNPE est porteur de tous leurs espoirs pourquoi appeler, en soutenant leur manifeste, à mobiliser les pouvoirs publics.
Pour illustrer ce qu’elles appellent la frilosité des Juges et des Elus, elles reviennent longuement sur la loi du 3 août 2018 qui maintient un pouvoir d’appréciation aux Magistrats pour qualifier de viol (crime) un acte de pénétration sexuelle par un adulte sur un mineur de 15 ans et donc sans qualification de crime pas de renvoi aux Assises.
Elles passent sous silence nombre d’articles qui démontrent qu’un procès rapide (au TGI) peut être plus salutaire pour la victime que d’attendre de longues années un procès d’assises.
2° partie, Des faits divers très ordinaires
8 cas d’enfants martyrs sont relatés assortis de commentaires des auteures sur ce que les services (police, gendarmerie, éducation nationale, santé, ASE, procureur…) auraient dû faire afin qu’il n’y ait pas de fin tragique pour ces enfants.
Ensuite, à partir de trois récits de vie d’assistantes familiales qui se sont vues retirer la garde de l’enfant qui leur était confié elles émettent un jugement péremptoire et décrètent qu’au lieu de vouloir maintenir un lien avec une famille biologique au mieux indifférente au pire maltraitante il vaudrait mieux encourager les déclarations d’abandon…et les adoptions.
3° partie, Les chemins du possible
Elles évoquent le cas de Céline Raphaël, enfant maltraitée devenue médecin qui, confrontée dans son activité hospitalière à un cas de maltraitance, s’est vue refusée la possibilité de faire un signalement… c’est ce que j’appelle se tirer une balle dans le pied. Comment donner des leçons sur ce qu’il faut faire pour lutter contre la maltraitance faite aux enfants et accepter qu’un médecin, ancienne enfant maltraitée de surcroît, s’exprime de la sorte sans que lui soit rappelé l’obligation faite aux professionnels de santé de dénoncer les cas de maltraitance dont ils ont connaissance, de plus sans craindre les foudres du Conseil de l’Ordre due à la rupture du secret professionnel.
Après avoir longuement dénoncé, les auteures proposent des pistes d’amélioration auxquelles nous pouvons souscrire :
- Améliorer le traitement des informations préoccupantes
- Prendre en compte l’état de santé des enfants protégés
- Développer un réseau de soins psychiques pour les enfants protégés
- Rendre obligatoire l’enregistrement et le visionnage des auditions d’enfant victimes
- Mettre à l’abri les enfants victimes le temps de l’enquête
- Rendre obligatoire le conseil d’un avocat auprès de l’enfant dans toutes les procédures le concernant
- Développer les services d’accompagnement auprès des assistantes familiales
- Organiser un dispositif d’accueil spécifique pour les mineurs non accompagnés
- Contrôler le retrait de l’enfant de sa famille d’accueil
- L’Etat doit être garant du fonctionnement des commissions de vérification des statuts créés par la loi de 2016 sur la protection de l’enfance
- Mettre en œuvre un dispositif d’inspection et d’analyse mobilisable en cas de décès pour cause de maltraitance d’un enfant dans sa famille ou de violences subies dans un établissement
- Organiser l’accompagnement, pour ceux qui le souhaitent, des jeunes adultes entre 18 et 21 ans
4° partie, Les Oubliés de la République
Les auteures développent dix-neuf préconisations regroupées en six thématiques :
- Diagnostiquer « vite et bien » la maltraitance familiale pour une intervention rapide
- La lourdeur et la violence de la procédure pénale nécessite un accompagnement approprié des enfants
- Il faut lutter contre les parcours chaotiques des enfants confiés
- Il faut prodiguer des soins adaptés aux enfants confiés à l’ASE
- L’indignité de l’accueil des mineurs non accompagnés doit cesser
- Rendre obligatoire l’accompagnement des jeunes adultes
et elles terminent en appelant à la signature de leur manifeste afin que les enfants en danger ne soient pas les « Oubliés de la République ».
Conclusion :
La démonstration que les auteures entendent faire, celle de l’incurie des services institutionnels (tous confondus) face à la maltraitance et à la prise en charge des enfants en danger est marquée du sceau de l’exagération, du manque d’objectivité, de la généralisation et ne repose sur aucune étude exhaustive et à mon avis produit l’effet contraire à celui recherché.
Je pourrais les rejoindre si après avoir constaté la difficulté à instaurer une politique nationale d’amélioration continue de la protection de l’enfance dans un contexte décentralisé et d’autonomie des départements qui en ont la charge, elles faisaient des propositions raisonnables et acceptables en prenant en compte aussi les contraintes budgétaires de l’Etat et des départements. »
Claire Oger observe que ce livre et la pétition proposée à la fin de l’ouvrage circule beaucoup sur le réseau social Twitter, et dans les médias ayant une influence sur la composition de l’agenda politique.
Claire Oger propose que le Conseil scientifique, conscient de cette effervescence des prises de parole publique à propos de la protection de l’enfance, puisse à chaque séance nourrir une cartographie des acteurs qui s’expriment. Claire Oger précise que cela permettrait de mieux comprendre qui dit quoi, et quelle influence les analyses et propos mobilisés prennent dans le processus de décision de cette politique publique.
Les membres du Conseil agréent cette proposition.
VI. Questions annexes :
Francis Rembotte informe les participants que la Fondation de France développe un nouvel outil de soutien appelé « Bourse aux associations », dont on trouvera le contenu ici.
Emmanuel Paris informe les participants que, dans le cadre de l’anniversaire des cinquante ans de la Fondation de France, l’association accueillera en octobre 2019 un concert piano de musique classique.
Les prochaines réunions du Conseil scientifique auront lieu les vendredi 25 janvier et 5 avril 2019, de 10h à 13h. L’assemblée plénière des Conseils et comités de pilotage aura lieu le jeudi 4 juillet 2019, de 10h à 12h. Le colloque aura lieu le vendredi 5 juillet 2019, de 9h à 16h.
Eric Legros clôt la dix-septième séance du Conseil scientifique.