Compte-rendu de la réunion du Conseil scientifique de l’association
« Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Présents :
Claire Beugnet, directrice de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Marie-Christine Briatte, directrice du Pôle d’Action Municipale Solidarités et Réussites Educatives à la Mairie de Boulogne-sur-mer
Marie-Pierre Bouchaudy, cheffe de l’inspection de la création artistique à la direction générale de la création artistique, Ministère de la Culture
Jean-Paul Demoule, professeur des universités émérite en archéologie, Université Paris 1
Pierre Lemarquis, neurologue, éthologue, attaché d’enseignement d’éthologie à l’université de Toulon-La Garde
Olivier Martin, professeur des universités en sociologie, Université Paris Descartes
Patrick Miquel, précédemment directeur de l’Enfance et de la Famille, Conseil départemental du Pas-de-Calais
Claire Oger, professeur des universités en sciences de l’information et de la communication, Université Paris-Est Créteil, présidente du Conseil scientifique
Emmanuel Paris, directeur adjoint aux affaires culturelles de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Eric Parot, ingénieur physicien retraité Schlumberger Ltd, précédent coordinateur France Fondation SEED
Francis Rembotte, membre du Conseil d’administration de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Anick Traguardi-Menet, représentante du personnel de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Henri Villeneuve, membre du Conseil d’administration de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Excusés :
Patrick Girard, éducateur du service DMAD DARF, association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Fleur Guy, Géographe
Eric Legros, membre du Conseil d’administration de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Louis Quéré, membre du Conseil d’administration de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Philippe Richard, membre du Conseil d’administration de l’association « Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale »
Invité :
Rémy Boiron, comédien, écrivain
Ouverture de la vingt-deuxième séance du Conseil scientifique par Madame la présidente.
I. Présentation de Marie-Pierre Bouchaudy et de Patrick Girard, nouveaux membres du Conseil scientifique :
Emmanuel Paris informe les membres du Conseil que deux personnalités ont accepté d’intégrer l’instance. Emmanuel Paris remercie Marie-Pierre Bouchaudy et Patrick Girard pour cet engagement. Emmanuel Paris excuse Patrick Girard, absent pour cette réunion ; Patrick Girard est éducateur du service DMAD DARF de l’association ; il représentera les personnels de notre institution.
Emmanuel Paris explique les modalités de cette nomination ; les précédentes éditions du colloque organisé par l’association lors du festival annuel ont donné lieu à la programmation d’ateliers co-animés par des membres du Conseil et des éducatrices, éducateurs, maîtresses de maison. Emmanuel Paris a contacté ces personnes (six membres d’équipes éducatives des Maisons) pour leur proposer de candidater au poste de représentant des personnels pour le Conseil scientifique. Quatre membres ont candidaté ; la nomination de Patrick Girard a fait appel à la règle de l’ancienneté dans les effectifs. Cette nomination est motivée par le prochain départ à la retraite d’Anick Traguardi-Menet, qui a par ailleurs accepté de continuer à siéger au Conseil.
Marie-Pierre Bouchaudy présente aux membres son parcours professionnel. Marie-Pierre Bouchaudy a occupé différentes fonctions au ministère de la Culture : dans les services transversaux de la Délégation au développement et aux formations (1990-1998), à la DRAC Picardie, au cabinet de Michel Duffour, secrétaire d’Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle (2000-2002), et à celui d’Audrey Azoulay, ministre de la Culture (2016-2017). Marie-Pierre Bouchaudy a été par ailleurs responsable de la Culture à La Ligue de l’enseignement (1998-2000), directrice de la Culture à la Région Bretagne (2004-2010) et chargée d’une mission d’accompagnement et de conseil auprès de l’agglomération de Plaine Commune – Territoire de la culture et de la création (2011-2015). Marie-Pierre Bouchaudy est cheffe du service de l’inspection de la création artistique au ministère de la Culture depuis début 2018.
II. Point sur l’état d’avancement de la saison culturelle 2020-2021 :
Emmanuel Paris remercie Rémy Boiron, qui a commencé le 6 janvier 2021 une résidence d’artiste aux Maisons. Emmanuel Paris explique que cette résidence fait partie des actions artistiques et culturelles financées par la Fondation Daniel et Nina Carasso (plan triennal de résidences art / science 2020-2023). Rémy Boiron présente sa résidence avec les enfants et les équipes, organisée au premier semestre 2021.
Rémy Boiron présente aux participants un avant-projet de cette résidence.
« 1. Réflexions préalables :
En m’y plongeant, j’ai réalisé que la « vérité », est un sujet tellement vaste (Une dizaine de page Wikipédia, 80 lignes dans le dictionnaire historique d’Alain Rey, plus de 300 lignes en petits caractères dans le Grand Robert, …),
Qu’on ne peut parler que de vérités, au pluriel.
Alors même que la vérité se prétend souvent unique et absolue.
Aussi, peut-être que la vérité ne peut être que multiple, même si, pour des raisons particulières, l’homme est souvent amené à n’en considérer qu’une partie.
Je prends un exemple :
Pour nous, occidentaux, 1+1 = 2 et cela va de soit, comme une évidence, une vérité socle.
Mais pour un aborigène, 1+1 = 3 et cela va de l’évidence pour lui, une vérité.
Car pour représenter 1, il prend une petite liane et fait un nœud en son milieu.
Pour faire un autre 1, il répète l’opération avec une deuxième liane.
Et pour additionner les deux… il les relie d’un nœud.
D’où 1+1 = 3
… Ce qui, à mon sens, en soit, n’est pas faux, car l’addition de deux corps offre souvent davantage que la simple somme de ceux-ci.
À deux, on trouve souvent des idées que ni l’un ni l’autre ne pourrait trouver seul.
Mais il paraît difficile de bouleverser le système mathématique occidental aujourd’hui pour prendre en compte cette « vérité ».
… Même si elle me semble nécessaire.
Prenons un autre exemple, celui de la croissance économique.
On nous dit qu’une bonne croissance mondiale, pour le plein emploi et la prospérité de chacun serait de 3% par an. Et nous y sommes à peu près.
On pourrait supposer que à l’échelle d’un siècle, la croissance serait de 300 % (3% par an pendant 100 ans), c’est à dire quatre fois plus (100% = 2 fois plus, 200% = 3 fois plus).
Or, on oublie de calculer un petit paramètre, le nœud aborigène J
Si la croissance est de 3% une année, pour arriver au même résultat l’année suivante, il faut une croissance de 3%… d’une production qui a déjà augmenté de 3% l’année précédente, donc 3,02%, et davantage l’année suivante et ainsi de suite.
Aussi, au rythme de 3% par an, la croissance sur un siècle serait non pas de 300%, mais de 1.900 %, c’est à dire vingt fois plus.
Est-il raisonnable de penser que nous pouvons produire dans cent ans vingt fois plus d’ordinateurs, de voitures, de blé, de couches, de rideaux, de machines à laver, … ?
Où est la vérité ?
Ou plutôt… que fait-on de cette vérité ?
Le sujet est passionnant.
Voici ce qu’en dit Wikipédia en introduction :
« Définition générale :
La vérité est un concept abstrait qui se situe au confluent, pour l’humain, d’une croyance en un système issu de la conscience et représentative du réel, et de sa correspondance supposée avec le symbolisme du langage.
Théories de la vérité
. Correspondantisme
Le correspondantisme, appelé aussi théorie de la vérité-correspondance, est l’ensemble des théories définissant la vérité comme une relation de correspondance entre un énoncé et une chose réelle. Un énoncé est vrai seulement s’il correspond à la chose à laquelle il réfère dans la réalité.
. Cohérentisme
Le cohérentisme est l’ensemble des théories définissant la vérité comme une relation de cohérence systématique d’une théorie composée de multiples énoncés. Un énoncé est vrai seulement s’il fait partie d’un système cohérent d’énoncés.
. Pragmatisme
Le pragmatisme est l’ensemble des théories définissant la vérité comme la propriété d’une croyance qui se révèle satisfaisante à la fin de l’étude. William James et Charles Sanders Pierce sont les deux grands représentants du pragmatisme.
. Constructivisme
Le constructivisme est l’ensemble des théories selon lesquelles la vérité est le produit d’une construction sociale contingente.
. Redondantisme
Le redondantisme est la théorie de la vérité selon laquelle la vérité est indéfinissable car redondante. Le redondantisme est caractérisé par la thèse d’équivalence selon laquelle énoncer une proposition (affirmation) est équivalent à affirmer que cette proposition est vraie ; autrement dit : « p est vrai” » est équivalent à l’énoncé « p est » tout seul, ce qui revient à dire que « …vrai » ne signifie rien de plus. Gottlob Frege est le premier à avoir défendu le redondantisme. »
On peut donc constater que la vérité se décline sous différentes théories, et que le concept lui-même a évolué au fil du temps.
Par exemple :
Au 10ème siècle, il désigne en religion une opinion conforme au réel, opposé à l’erreur, puis au 12ème siècle, de manière générale, la conformité de l’idée avec son objet, d’un récit avec un fait. Il s’oppose alors au mensonge.
… Et que dire de « In vino veritas » ?
Ou de Jésus déclarant : « Je suis le chemin, la vérité et la vie »
Ou de « La Vérité », ce tableau insolite de Jules Joseph Lefebvre (1870).
Ou de Cahuzac déclarant aux députés : « Les yeux dans les yeux, je vous dis la vérité »,
Ou de Paul Reynaud déclarant le 10 septembre 1939 : « Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus forts. »
Et enfin… toute vérité est-elle bonne à dire ?
Un vieux sage soufi m’a appris un jour la pratique du « mensonge pieux », celle qui consiste parfois à dire à quelqu’un une autre vérité que celle qui est, pour préserver sa peine et souffrance.
A contrario, il est aussi possible d’annoncer le contraire de ce que l’on pense pour tenter de générer une réaction de la part de l’autre. « Tu n’en es pas capable » par exemple, pour stimuler l’orgueil.
Le sujet est passionnant et peut se décliner sous de multiples formes.
. Vérité et mensonge,
. Vérité et éthique,
. Vérité et paradigme,
. Vérité et temps
. Etc
2. Travail concret :
Je travaille à l’heure actuelle sur différents modules, jeux d’écriture et jeux oratoires autour de cette question.
Ils peuvent, qui sait, contribuer à l’éveil des consciences, au développement culturel et des capacités oratoires, à l’art de l’argumentation, au plaisir de dire.
Je propose de commencer par des petits jeux d’échauffement,
Aussi bien en écriture :
Ecrire le maximum de couleurs différentes en 1mn30, ou d’animaux, ou de mots finissant par « ette » ; puis créer un petit texte intégrant le maximum de ceux-ci
(La coquette Janette, à la silhouette en pirouette caquette …);
Qu’en art oratoire :
Dire en abécédaire le plus rapidement possible, sans nom propre (Abricot, Banane, Cri, Dinette, …),
Dire le maximum de fois possible un mot, dans un récit (Ex « Montre », je montre ma montre à Mr Montre, qui me démontre que ma montre …)
… Puis de s’approcher de « taquineries » autour de « vérités »
Par exemple :
. Chacun présente trois affirmations sur lui-même (particularité physique, anecdote, aventure, …). Parmi ces trois, deux sont vraies, une est fausse. Les autres ont 5 minutes pour questionner, puis doivent choisir. Et la vérité se dit ensuite.
. Apprendre à argumenter sur un sujet auquel on n’adhère pas… tout en faisant croire qu’on y adhère (le racisme, la pollution, la violence, …)
. Décliner des contrevérités insolites. Par exemple :
« Je suis une femme. Jacques »
« J’aime le soleil, la nuit »
« J’ai mangé mon vélo »
3. Valorisation :
J’attache une importance particulière à la valorisation de ce travail, notamment avec « l’extérieur ».
Les jeunes sont en situation particulière, en maisons des enfants, liée à différents évènements.
Je crois que plus leur travail peut être présenté et valorisé en extérieur, plus ils peuvent gagner en reconnaissance, assurance et intégration en vie « normale ».
Par exemple :
. Des petites phrases écrites par eux et glissées en suspension à la médiathèque et ou en vitrines de magasins ;
. Des lectures théâtralisées en collège, à l’occasion du printemps des poètes ;
. Un parcours original, ouvert au public, du centre-ville à la Maison des enfants, avec un jeune tous les 10 ou 20 mètres, qui annonce un bout du récit, avec un final original en Maison des enfants.
. Ou toute autre proposition qui ferait l’adhésion ».
Les participants remercient Rémy Boiron pour cette présentation.
Emmanuel Paris présente d’autres actions réalisées ou en cours depuis la précédente réunion du Conseil scientifique, le 2 octobre 2020.
La résidence « La couleur de l’eau » a commencé ce mois d’octobre 2020, et proposera aux enfants du Centre de Jour et de la Maison Vive des séances en arts plastiques et en océanographique jusqu’au mois d’avril 2021. On trouvera une présentation détaillée de cette résidence ci-après :
L’exposition « Rien n’est joué d’avance » réalisée par les enfants du Centre de Jour et de la Maison Vive au Musée de Boulogne-sur-mer est confirmée. Son vernissage est programmé le 17 septembre 2021. Emmanuel Paris précise que les créations issues de la résidence « La couleur de l’eau » pourront intégrer les corpus pré-sélectionnés par le FRAC Grand Large – Hauts-de-France et le Musée de Boulogne-sur-mer. On trouvera ci-après le détail des corpus et des séances d’ateliers :
La programmation d’une résidence « Compagnons du tour de France » est confirmée ; Jean-Michel Bidal, menuisier, et Guilhem Carigand, ébéniste, rejoindront les enfants au mois de juillet, après le Festival de fin de saison, pour achever la construction de la copie à l’échelle 1 de la charrette médiévale réalisée chaque mois depuis deux ans par les enfants des Maisons et Christophe Lefèvre, chef de service de la Maison du Cirque et de la Maison du Sport. On trouvera ci-après l’article relatant la précédente séance mensuelle :
Le financement de la création d’un arboretum/conservatoire botanique sur le site de la Ferme de Bertinghen est confirmé ; la Fondation Daniel et Nina Carasso a accepté d’orienter les fonds consacrés aux années 2 et 3 de la dotation dédiée à l’organisation de résidences art / science à ce projet. Ce projet, mobilisant notamment l’intervention d’un artiste en Land Art, permettra aux enfants avec les conseils d’un architecte paysager de créer un espace de déambulation, ouvert aux habitants du territoire, et permettant de s’instruire sur les ressources végétales locales, les problématiques de biodiversité. Marie-Christine Briatte informe les participants que ce projet, tout comme le développement du FabLab et la réalisation de l’exposition « Rien n’est joué d’avance », ont été retenus parmi les actions portées par le comité de pilotage « Cités éducatives » de la Mairie de Boulogne-sur-mer. On trouvera ici une présentation de ce label d’Etat.
Eric Parot propose que le département « Informatique » de l’Université du Littoral Côte d’Opale, site Sciences Humaines et Sociales de Boulogne-sur-mer, puisse être informé du projet arboretum des Maisons. L’idée, dit Eric Parot, serait d’intéresser des étudiants en Master pour le développement d’une visite du site de l’arboretum en réalité virtuelle, permettant aux enfants, aux équipes, aux habitants des communes du Boulonnais, de pouvoir visualiser le grandissement des espèces plantées sur plusieurs décennies. Les membres agréent cette proposition.
Eric Parot informe les participants qu’un archéologue, Henri Gandois, propose d’organiser au Centre de Jour une animation pour couler avec les enfants des objets de l’âge du Bronze selon les techniques de l’époque. Les membres du Conseil agréent cette proposition.
III. Colloque international « Enfance + culture = socialisation. La socialisation culturelle des enfants : dispositions, catégorisations, reconfigurations » :
Emmanuel Paris remercie Marie-Pierre Bouchaudy pour lui avoir signaler la tenue d’un colloque international pouvant intéresser l’association dans sa réflexion sur le développement de son programme artistique et culturel. On trouvera ici la présentation de ce colloque.
Les membres du Conseil proposent que la consultation en ligne de ce colloque puissent étayer la conception d’un cycle de formation à l’attention des équipes, en 2022. Des captations audiovisuelles des plénières organisées le 8 janvier lors de cette première journée du colloque sont d’ores et déjà disponibles.
Un calendrier de travail est arrêté ; les membres du Conseil conviennent de réfléchir d’ici la prochaine réunion pour proposer des thèmes et des corpus bibliographiques. Emmanuel Paris consultera dans le même temps les équipes pour recueillir leurs idées, et en informera de même le Conseil à l’occasion de cette réunion.
Marie-Pierre Bouchaudy a pris contact avec les organisateurs du colloque ; des inscriptions pour regarder en ligne des plénières ou ateliers sont encore possibles, mais les demandes sont nombreuses et il faut lui transmettre par conséquent rapidement toutes demandes. Les membres du Conseil recommandent plutôt de consulter a posteriori les captations mises en ligne, au fur et à mesure de la réalisation de ce colloque.
Henri Villeneuve propose de demander aussi aux équipes ce que leur inspirent le thème de la saison en cours : « En vérités » afin d’enrichir les réflexions du Conseil lors de sa prochaine réunion. Les participants agréent cette proposition.
IV. Finalisation de l’organisation du colloque « Rien n’est joué d’avance », juillet 2021 :
Les membres du Conseil confirment la date de l’organisation du colloque de l’association, le 1er juillet 2021. Emmanuel Paris contactera l’ULCO site SHS de Boulogne-sur-mer début avril pour finaliser la convention permettant l’organisation de ce colloque dans les locaux de l’Université.
Ce colloque reconduira la programmation convenue pour l’édition 2020, qui n’a pu avoir lieu en raison des mesures sanitaires contre la Covid-19.
Emmanuel Paris informe les membres que l’ensemble des participants ont confirmé leur participation à cette nouvelle édition, dans l’hypothèse où les mesures sanitaires en vigueur en juillet 2021 permettent sa tenue. On trouvera ici le contenu de la programmation, telle que travaillée lors de la réunion du Conseil scientifique le 13 mars 2020 (cf. « II. Préparation du Colloque « Rien n’est joué d’avance », vendredi 3 juillet 2020 »).
Les membres du Conseil conviennent de la date de l’Assemblée générale des Conseils et comités de pilotage du programme artistique et culturel de l’association le 2 juillet 2021 de 10h à 12h sur le site de la Ferme de Bertinghen, permettant ainsi aux membres disponibles de participer au rassemblement annuel des anciennes et des anciens de l’institution, ainsi qu’au spectacle des enfants, à partir de 20h en la salle « Le Phenix » d’Outreau.
V. Lectures commentées :
Emmanuel Paris distribue aux participants les textes recommandés par Olivier Martin et Pierre Lemarquis.
– Olivier Martin (à propos de l’ouvrage de Barbara Stiegler : “« Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique“, paru aux Editions NRF Gallimard en 2019).
– Pierre Lemarquis (à propos de son ouvrage « L’art qui guérit », paru aux Editions Hazan en 2020).
V.A. Présentation de l’ouvrage « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique » » par Olivier Martin :
« Quelques mots à propos du néolibéralisme (NL), en s’appuyant notamment sur l’ouvrage de Barbara Stiegler, Il faut s’adapter (Gallimard, 2019). Il ne s’agit pas d’un compte rendu de l’ouvrage. L’ambition de ce propos n’est pas non plus de s’intéresser aux manifestations concrètes, aux dispositifs et mises en œuvre contemporaine du NL, mais d’en identifier les grands traits théoriques, les soubassements conceptuels et philosophiques (à l’aide d’ouvrage de Stiegler et d’autres écrits). Ce travail nous parait d’autant plus nécessaire que les termes de « NL » (et ses dérivés : « néolibéraux, néolibéral… ») sont à la fois très souvent utilisés et pas toujours bien définis. Ces termes sont omniprésents mais peu intelligibles si on se contente d’examiner les contextes et situations où ils sont utilisés.
Un premier point est de bien distinguer le NL de l’ultralibéralisme ou d’hyperlibéralisme. Ces deux derniers termes ne sont que des radicalisations du libéralisme, tandis que le NL se présente comme en rupture avec le libéralisme. Le NL ambitionne de réactualiser radicalement la doctrine libérale tout en maintenant l’initiative privée et le marché au cœur des dispositifs et de la pensée. L’axe politique que trace le NL ne correspond pas aux axes « gauche-droite », « progressistes-conservateurs » ou « libéraux-socialistes ». La frontière ne passe pas entre la gauche progressiste et la droite conservatrice, mais entre ceux prônant les valeurs de l’individualisme et du marché libre, et ceux prônant des États forts, des États-providence, des États interventionnistes et protecteurs, des formes de collectivismes et des idées de communautés dominant les individus (du communisme au nazisme). La philosophie du NL n’est pas du tout conservatrice – même si le paysage politique tend à le positionner à proximité de la droite conservatrice (ex : Thatcher, Reagan).
Le NL trouve ces racines dans la critique du libéralisme et du capitalisme qui n’ont pas su faire face à la grave crise économique et financière de 1929, ni à l’émergence de totalitarisme (Russie soviétique, Fascisme, Nazisme). Au moins trois noms peuvent être retenus : Walter Lippman (1889-1974, intellectuel et journaliste à la New Republic ; auteur de The Good Society (1937)) ; Friedrich von Hayek (1899-1992, économiste anglais critique de l’intervention de l’État dans l’économie et de la planification) ; Milton Friedman (1912-2006, économiste américain défendant la primauté des marchés et militant pour leur libéralisation). Un moment fondateur du NL est le colloque tenu au Musée social à Paris en 1938 où 26 économistes et intellectuels libéraux s’interrogent sur le libéralisme et le nouveau-libéralisme autour de la pensée de Lippmann.
Voici ce qui semble devoir être les principaux traits du NL.
• Le NL n’est pas une théorie économique (sur les marches et les rôles des agents publics) mais une théorie de la vie, de l’adaptation, du vivant et de l’évolution, qui défend l’idée d’un besoin de changement permanent. C’est aussi une théorie sociale et politique sur la manière dont il faut gouverner, exercer le pouvoir, agir sur les collectifs. Le NL est, finalement, une théorie anthropologie générale couvrant tous les aspects de la vie des individus.
• Le NL érige en impératif le principe d’adaptation, une adaptation qui ne fasse pas confiance au cours naturel des choses (car le rythme d’adaptation n’est pas assez rapide et les pathologies nées avec l’industrialisation montrent bien que l’adaptation de l’homme n’est pas suffisante) et qui soit volontaire, dirigée, gouvernée. Ce processus d’adaptation, nécessaire, doit être permanent. Il repose sur de la flexibilité, de la mobilité, de la « libération des énergies ».
• Cette adaptation passe par une mise en concurrence de toutes et tous, à tous les moments. La concurrence ou la compétition ne sont pas des aspects nouveaux mais elles sont généralisées et systématisées dans le cadre d’une vision néolibérale.
• Le NL conçoit l’individu comme responsable de lui-même (mais tout de même placé sous surveillance). Les individus doivent être acteurs de leur propre vie, autoentrepreneurs d’eux-mêmes, engagés au développement et à l’exploitation de leur capital personnel (compétences, savoirs, aptitudes, expériences, qualifications…).
• La société, le collectif, l’unité, la communauté, l’humanité, l’homme au sens de catégorie générale ne sont pas des catégories ou valeurs à défendre. Les valeurs à défendre sont : l’individuel, le particulier, le local. Le NL porte une critique à la philosophie des Lumières puisque celle-ci est perçue comme défendant le collectif au détriment de l’individu, le général au détriment du singulier, l’universalité au détriment de la particularité et du particularisme, l’unité au détriment de la diversité. Il ne s’agit pas d’inverser les positions de la philosophie des Lumières mais, plus radicalement, de nier la pertinence de ces oppositions. Il n’y a rien d’autre que l’individu. Point final.
• Tout doit être soumis au marché, à la régulation par les échanges libres et non-entravés. On peut parler de « marchandisation » de la société, dans toutes ses dimensions. Le marché est la forme d’organisation fondamentale des échanges et interactions. Cela a pour conséquence de faire disparaître ou d’atténuer des principes et des frontières érigées selon des principes moraux, juridiques, religieux, éthiques. Tous ces types de principes n’ont aucune raison d’être dans une société néolibérale.
• Le NL attend que les individus participent à ce fonctionnement. Pour cela il faut fabriquer du consentement (forger des opinions ; rendre les choses acceptables ; utiliser les savoir des sciences cognitives ou psychologiques pour façonner les individus…).
• La place et le rôle du droit est très limité, notamment parce qu’il n’y a plus de « grands principes transcendants » – Le droit doit devenir un simple code de la route, régissant les flux et les actions, sans visée morale ou éthique.
Cette présentation se concentre sur les idées et principes du NL. Resterait évidemment à voir comment cela se traduit dans les faits : Bureaucratisation ; Surveillance ; Dispositifs de valorisation (mesure, évaluation, chiffrages…).
Évidemment cette présentation ne signifie pas que l’auteur endosse ces valeurs ;-)) ».
Les membres remercient Olivier Martin pour la qualité de cette présentation. La place centrale dévolue à l’individu, « entrepreneur de lui-même », retient notamment l’attention des participants.
Francis Rembotte questionne la viabilité des actions collectives, et en particulier celles encouragées par le tissu associatif et notre institution, tant le néo-libéralisme favorise au contraire l’atomisation de la société, des relations humaines.
Claire Beugnet observe que l’injonction à savoir de soi-même et par soi-même s’adapter aux difficultés rencontrées durant sa vie contrevient aussi fondamentalement aux raisons d’agir des équipes éducatives, puisqu’au contraire il s’agit d’accompagner, d’aider l’enfant, le jeune, dans le cours de sa vie, afin de surmonter les situations d’échec. Claire Beugnet dit qu’il est très important de veiller à ce que l’enfant, le jeune, ne se sente pas seul face à ses problèmes.
Anick Traguardi-Menet s’interroge sur la scansion souvent entendue à l’endroit des enfants et des jeunes de l’Aide Sociale à l’Enfance dans les discours officiels comme dans la littérature grise, qu’Anick Traguardi-Menet appelle « l’injonction au bonheur ». Anick Traguardi-Menet observe que les parcours de vie difficiles méritent tout au moins d’être reconnus dans leur dimension tragique par les acteurs de la protection de l’enfance, et qu’un juste équilibre doit être recherché par les professionnels pour vivre au plus précis les sentiments ressentis par enfants et jeunes.
Claire Oger dit que de tous les secteurs d’activités humaines, c’est sans doute dans les domaines de l’éducation et de la santé que cette idéologie néolibérale nourrit les effets les plus problématiques.
Patrick Miquel observe que le rapport de la cour des comptes récemment mis en ligne à propos de la politique de protection de l’enfance en France manifeste ce pilotage des politiques publiques par des experts s’appuyant sur la quantification des coûts pour formuler leurs éventuelles efficacités :
Francis Rembotte dit que cette manière de penser l’action publique dans le domaine social s’est particulièrement constituée à l’occasion du développement des aides personnalisées aux personnes âgées ; ce dispositif est depuis devenu un modèle-type qui place les personnes, enfants, adultes, dans un calcul permanent pour gérer leurs droits à la santé, à la solidarité. Francis Rembotte dit que ce mode d’organisation fragilise les individus, tant leur responsabilisation peut mener à leur culpabilisation (i.e : « si vous ne bénéficiez pas de ce droit, c’est que vous n’en êtes pas capables »).
Claire Oger, s’appuyant sur les travaux de Grégoire Chamayou, observe que le renforcement de l’emprise néolibérale sur les politiques publiques s’accroît à mesure que les contestations sociales s’expriment.
Eric Parot dit que la conception qu’ont les néo-libéraux du darwinisme est erronée, dénaturant cette théorie du vivant. Eric Parot précise que les travaux d’historiens des idées insistent sur le mode coopératif et non sur le principe de compétition pour décrire la pensée de Charles Darwin à propos des évolutions d’espèce.
Jean-Paul Demoule observe qu’il y a cent cinquante déjà, Karl Marx avait remarqué que pour prospérer, le capitalisme a besoin d’individus convaincus qu’ils vivent sans attaches collectives.
IV.B. Présentation de l’ouvrage « L’art qui guérit » par Pierre Lemarquis :
Pierre Lemarquis présente aux membres son ouvrage. On trouvera le contenu de cette présentation ici.
Le rapport de l’OMS faisant synthèse des études et recherches à propos des effets de l’art sur la santé est consultable ici.
Les participants remercient Pierre Lemarquis pour la qualité de cette présentation.
Marie-Christine Briatte demande à Pierre Lemarquis si le fait de pratiquer un art est du point de vue du développement cognitif plus efficient que le fait d’en être spectateur.
Pierre Lemarquis confirme que la pratique d’un art accroît la psychomotricité des pratiquants.
Emmanuel Paris observe que le souci du beau caractérise bien des lieux de vie à travers les époques et quelle que soient les civilisations ; l’humain a pris très tôt conscience que son épanouissement individuel et collectif passe par l’artification de sa résidence. Emmanuel Paris dit à Pierre Lemarquis que ce cinquième ouvrage de sa part apporte une dimension politique, encourageant l’intervention artistique dans les politiques d’aménagement du territoire.
V. Questions annexes :
Claire Beugnet présente aux membres le « projet d’établissement 2020-2025 » et précise que ce document sera examiné pour validation par membres du Conseil de la Vie Sociale le 12 janvier 2021. Le document entrera en vigueur après la réunion du Conseil d’administration de l’association, début février.
Emmanuel Paris informe les participants que, par l’entremise de Pierre Lemarquis, une mise en relation avec M. Niqueux, président de l’association des « Jeunesses Musicales de France », a eu lieu ce mois de décembre 2020. Emmanuel Paris remercie Pierre Lemarquis, et explique que l’institution souhaite développer avec des opérateurs nationaux telles cette association, ainsi que « Les Conservatoires de France », des partenariats pour permettre aux enfants et aux jeunes de poursuivre leurs pratiques artistiques et culturelles initiées dans les Maisons, avec d’autres acteurs de la société civile. Emmanuel Paris présente cet axe de développement comme la volonté d’établir des parcours artistiques et culturels dans l’espace public, renforçant de la sorte les enfants et les jeunes sortis des effectifs des Maisons, dans leur citoyenneté. On trouvera ici une présentation des « Jeunesses Musicales de France ».
Emmanuel Paris recommande aux membres la lecture de deux articles actuellement en ligne, l’un d’Olivier Martin, l’autre d’Olivier Donnat, et portant sur la quantification de la vie culturelle :
Olivier Martin propose de présenter lors de la prochaine réunion du Conseil son ouvrage nouvellement paru aux Editions Armand Colin et intitulé « L’empire des chiffres ».
Les participants agréent cette proposition.
La prochaine réunion du Conseil scientifique aura lieu le vendredi 23 avril 2021, de 10h à 13h.
Madame la présidente du Conseil scientifique clôt la réunion.