Hommage à Alain Defachelles, professeur des écoles au Centre de Jour au début des années 2000.

Alain Defachelles nous a quitté récemment.

Deux photos retrouvées dans nos archives montrent Alain avec les enfants visitant un musée, ou œuvrant à la restauration de la ferme de Bertinghen pour qu’elle devienne le site éducatif actuellement en activité.

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D’autres photographies d’Alain seront prochainement mises en ligne sur notre site internet.

Monsieur Legros a écrit et prononcé l’oraison d’Alain Defachelles :

“Cher Alain,
Chère Famille,
cher-e-s amis(es)….

Nous nous retrouvons ici pour évoquer la mémoire de notre ami, celui qui dans les années 2000 choisissait de nous rejoindre au sein de la Maison des enfants de la marine.

Ce qu’il nous enseigne, cet  homme, c’est qu’il n’aimait pas vraiment être donneur de leçons. Cela pourrait paraître un peu compliqué pour un « instituteur », vous en conviendrez, mais pour lui c’était évident, et ce en toute circonstances, professionnelles ou pas. Chez Alain, il y avait  une réelle cohérence de vie,  à la maison, à l’école ou dans la cité.

C’est  l’humilité dans la rencontre qui prévalait : écouter, se mettre à côté de l’autre, d’abord pour s’entendre avant que d’apprendre, envers les enfants moins, de leurs apprendre que de les mettre en situation de le faire, intéressé par l’apprivoisement plus que par le diktat et les dictées. 

Des autres, il préférait les personnalités bien trempées, les originaux plutôt que les caractères trop lisses, parce c’est eux qui enrichissaient sa palette des humanités. Alors que l’on soit rebelle, porteur d’un handicap, en difficultés scolaires, ou je ne sais quoi, c’est à la personne avec qui d’emblée il s’installait en conversation. Oui, il aimait bien parler, communiquer, converser attablé aux terrasses  des pays et  ambiances  que nous partagions les uns ou les autres. Qui que ce soit, en regardant ses photos, et ses nombreux albums débordant de diversité, et qui même ne le connaîtrait pas, en savait déjà beaucoup sur ses valeurs humanistes, sa sensibilité, la beauté qu’il pouvait voir en chacun des visages qu’il rencontrait. 

OH et tout le monde le sait, non, ce n’était pas pour faire  dans les bonnes œuvres, et il faut  le dire , il n’aimait pas la religion. 

Mais je vais le taquiner encore un peu, en parlant de François, le pape, qui hier a Strasbourg parlait de la nécessité de mettre l’humain au cœur de la construction de l’Europe en  évoquant  les clandestins qui perdaient leur vie au fonds des cimetières que sont devenus les mers qui nous séparent des continents d’adoption d’Alain. Mettre l’humain au cœur de sa vie,c’était vraiment ce qui le caractérisait, et pas , comme je l’ai dit plus haut, pour faire dans les bonnes œuvres, mais par ce que les autres l’enrichissaient. Les autres étaient sa richesse. 

Même éloigné, Il avait besoin de sa famille,des enfants et de ses petits enfants,de ses copains. Que ce soit ici ou ailleurs,au coin d’une table ou dans un café, c’est tout un univers de rencontre qu’il offrait, sans préjugé, avec respect, et avec une bonne propension à s’amuser et à l’humour. 

Avec chacun d’entre nous ou au hasards des rencontres,il parcourait l’humanité toute entière, cherchait le sens de la vie , les communautés, c’est a dire ce qui rassemblaient les collectifs, et de ceux qui intègrent tout en respectant l’autonomie, quelque soit leur mode d’être au monde .Il s’y trouvait , se construisait , générait autour de lui de l’amitié, de l’engagement, de la convivialité.Avec discrétion.
C ‘est vrai et nous en avons parlé ensemble  ces derniers jours, Alain s’est un peu parfois grillé les ailes. Sa sensibilité à fleur de peau le fragilisait. Il se sentait perdu sans communauté.

Aux côtés des siens, les amis et la communauté, deux valeurs incontournables pour lui.

A côté de cette sensibilité discrète , on pouvait aussi le rencontrer comme frondeur, contestataire. Ces derniers jours, Alain était encore le révolté que nous aimions.

L’injustice , les passe droits, lui étaient insupportables. Ces derniers jours, il était encore aussi cet amoureux et enthousiaste de la vie.  Il me disait: « Communiste, Eric, je crois que je suis un communiste ». 

Bien sur, comme François, il était révolté par l’accueil fait aux clandestins à Mayotte, a refusé d’aller à Madagascar trop pourri par les salopards qui prostituent les enfants. Son caractère de rebelle était aussi instruit de la situation politique, des enjeux internationaux et sa position était toujours celle du respect des communautés et des personnes. Autonomie était un mot qui lui allait bien, à la fois pour le rapport  qu’il souhaitait entretenir avec tout un chacun, et à la fois pour la place qu’il dédiait à chaque peuple.

J’ai le sentiment que c’est chez les Kanak, et sûrement  à Mayotte, qu’il s’est vraiment senti apaisé, qu’il y trouvait l’harmonie si particulière, alliant la nature, la vie collective et la place laissée à chacun, vivant ou non, à la place de l’ancêtre ou du naissant.

Bon vivant, comme on dit, Alain. Fidèle en amitié, vraiment fidèle… il évoquait cette amitié avec l’un d’entre de nous, de plus  de 56 ans. Et il l’était avec ceux des jeunes qui l’avaient rencontrés au centre de jour.

Et cette amitié permettait de suivre aussi ses liens à la famille, aux amis,au delà des frontières. Nous évoquions nos enfants, nos petits enfants, et les siens étaient présents dans ces amitiés.

Depuis le mois de juin, l’inquiétude se faisait jour.. Ses premières pensées venaient aussi à ceux qu’il allait devoir laisser, malgré lui, à leur destinée.

Mais il a  aussi construit un réseau d’amis a Mayotte qui entourera Rouzouna et Calixte, dont il nous parlait tous les jours… Je sais aussi qu’il pourra compter sur ses enfants. Je sais  que  ce désir de fraternité, comme pour leur père, est en eux…, ils sauront trouver la juste place. Nous sommes a vos côtés, chère famille et enfants d’Alain, chère Rouzouna. 

Cette belle reconnaissance de paternité était un cadeau de la vie auquel il tenant tant !!

Alain  se savait condamner, avait fait le choix aussi de partir avant que d’être diminué. C’était clair.

Aujourd’hui, c’est fait, sans tout l’arsenal pour une survie qui n’avait plus de sens.

Belle dignité mon ami, qui savait tout au long de sa vie que les choix que nous avons à faire aujourd’hui doivent se faire quand on peut les faire.

C’est vrai aussi que tu es quand même parti trop, mais oh combien nous respectons le chemin qui est le tien. 

Tout cela est un peu trop, penses-tu sûrement aujourd’hui en m’écoutant. Je suis persuadé que tu es en train de m’engueuler parce que j’en dit un peu trop sur ta vie.

Je garde de toi aussi ce souvenir de ce jeudi ou tu remercies la « providence » de te faire rencontrer, en fumant une cigarette dans ta chaise roulante, un ami de tes débuts professionnels. Celui la même que tu voulais rencontrer la veille , que tu n’avais plus vu depuis de si nombreuses années et que tu ne savais pas comment  joindre.

Ils se regardent : On se connait, toi et moi ? on s’est rencontré quand ? A la clinique ?… puis la reconnaissance au delà du temps, dans le visage de l’autre. 

Encore une fois l’amitié,puis  l’évocation des premiers séjours scolaires, les voyages, voyages en humanité, qui sont les fils de ta vie, ce qu’à confirmé la  providence, quelques heures avant ce départ.  

Salut a toi…tu restes dans nos cœurs.”