Chers enfants,
Je sais que vous êtes très occupés en cette fin d’année scolaire par l’école, bien sûr mais aussi par la préparation de votre spectacle, “L’audace d’un excentrique“, où vous allez exprimer vos talents artistiques et sportifs.
J’ai bien reçu l’invitation que Claire a eu la gentillesse de m’envoyer pour l’inauguration du “Jardin d’Elisabeth” ce 2 juillet 2023, cette forêt que vous avez plantée et qui suscite toute mon admiration.
Emmanuel m’a expliqué que la forêt prend le nom de “jardin d’Elisabeth”, pour honorer la mémoire de Madame Elisabeth Moronval qui a servi l’association des enfants de la marine pendant 63 ans.
J’ai demandé, sans trop d’illusions à Kuttan, mon cornac adoré, de me rendre à Boulogne-sur-mer pour répondre à votre invitation. Celui-ci m’a répondu que, d’une part, mon programme de travail dans la forêt est réellement trop chargé, et d’autre part, que l’aéroport d’Alprech est trop petit pour accueillir une gentille éléphante de près de trois tonnes….
Je ne peux cependant m’empêcher de vous parler aujourd’hui d’une autre forêt, plantée dans le sable, il y a un peu plus de 40 ans, par un jeune garçon, Jadav Payeng.
Il vit sur l’île de Majuli, au Nord-Est de l’Inde, à l’opposé de mon village de Kurichithanam, situé au Sud-Ouest du sous-continent indien ; c’est à plus de 3500 kilomètres de chez moi.
La famille de Jadav fait partie de la tribu des Mising, pour qui la nature est considérée comme notre mère, dont il faut absolument prendre soin.
En juin 1979, Jadav, ce garçon de 16 ans, découvre de nombreux serpents morts sur le sable après une mousson très forte. Ils sont morts de chaleur, faute d’arbres pour les protéger.
Jadav demande conseil pour protéger les animaux et les humains vivant sur son île. Le service des forêts lui répond que rien ne pousse dans le sable… Les anciens de son village lui disent que les bambous sont résistants et peuvent s’adapter à leur sol.
Pendant des années, Jadav va planter des bambous, puis à l’ombre des bambous, il plante d’autres arbres…des manguiers, des flamboyants…
Vingt ans plus tard, tous les arbres plantés chaque jour par notre ami forment une très belle forêt.
La forêt de Jadav se peuple petit à petit de nombreux animaux, oiseaux, daims, tigres, et même des rhinocéros viennent y vivre…
Un jour un troupeau d’éléphants, mes cousins, arrivent dans la forêt, après avoir écrasé quelques récoltes chez les voisins… Furieux, des villageois décident de brûler la forêt, 10% des arbres sont détruits.
Des braconniers tuent un rhinocéros…
Tout cela n’arrête en aucun cas la détermination de Jadav à continuer de planter quotidiennement des arbres…
En 2010, Jitu Kalita, photojournaliste, navigant sur l’un des cours d’eau de l’île Majuli, découvre la merveilleuse forêt de Jadav.
Son article sur un journal local connait un succès inattendu, et comme une traînée de poudre, l’information sur la forêt dépasse les frontières de l’Inde et des journalistes du monde entier viennent l’interroger.
En 2015, Jadav Payeng reçoit le Padma Shri, qui est comparable à la légion d’honneur chez vous, pour son action en faveur de la protection de la nature. Il est nommé “the forest Man of India” ou Molai Payeng, dans sa langue, l’homme de la forêt.
Sa forêt couvre aujourd’hui 550 hectares, soit l’équivalent de 882 terrains de football, qui ont ainsi été sauvés de l’érosion…
Il intervient dans les écoles pour dire aux enfants l’importance des arbres qui sauvent notre planète. Il continue à en planter tous les jours et invite les enfants à planter…
Merci, chers enfants, pour votre action pour la planète, en soignant le jardin d’Elisabeth, très belle fête pour ces jours à venir, dont Emmanuel m’a dit que le thème est “Énergie(s)”.
Je vous envoie de gros bisous et encore regrette de ne pouvoir être présente pour l’inauguration. Je lève ma trompe en votre honneur et en l’honneur d’Elisabeth, de Jadav et des créateurs de forêts.
On se retrouve pour votre nouvelle saison culturelle à partir de septembre, je me permettrai de ruminer avec vous le nouveau thème joliment intitulé « Utopia ».
Belle vacances bien méritées,
Shila