Chers enfants et chers amis,
Moi, Shila, l’éléphante de Kurichithanam, petit village en plein cœur et centre du Kerala, me sens très honorée de l’attention portée par les amis du petit journal de Bombay.
Passionnée de rencontres et des liens tissés avec les enfants de la côte d’Opale, dans le secteur de Boulogne-sur-mer, j’ai des échanges épistolaires réguliers depuis mars 2020, date du premier confinement, dû à ce satané virus Covid-19.
Après un an et demi de recul, je me dis que “à toute chose malheur est bon” !!
Je me suis rendue compte que les enfants de la côte d’Opale étaient très intéressés non seulement par la vie des éléphants mais aussi par la vie des enfants autour de moi à Kurichithanam et au-delà de tout cela par les liens entre les gens et leur culture.
J’ai ainsi pu comprendre que l’un de vos grands poètes, Jean de la Fontaine, célèbre pour ses fables et ses contes, a été inspiré par le Grec Ésope et aussi par le Panchatantra, recueil très ancien des fables indiennes (vers 300 av J-C).
J’ai particulièrement été intéressée par ce travail de collection et de transmission, dans la mesure où je suis entourée d’enfants à qui les parents et les enseignants transmettent quotidiennement des messages importants en utilisant la fable et le conte.
J’entends chaque jour au moins un conte passionnant comme celui-ci : Kuttan s’est intéressé à l’écriture et a passé de nombreux mois à mettre en forme son conte. Il est allé voir le grand écrivain Vaikom Muhammad Bashir (Basheer) vous savez celui qui a écrit “grand-père avait un éléphant“.
Bashir, très heureux d’écouter Kuttan, s’est assoupi rapidement, et Kuttan a poursuivi la lecture jusqu’au bout, puis voyant toujours son interlocuteur assoupi, s’en est allé.
Triste et terriblement déçu, il s’en est allé, laissant Bashir endormi.
Quelques jours plus tard, croisant le grand homme dans la rue, celui-ci lui demande où il en est par rapport à son manuscrit, Kuttan lui confie l’avoir déchiré et brûlé, ayant compris que son histoire était nulle, ayant ennuyé son interlocuteur. Ce à quoi Bashir lui répond que, bien au contraire, elle est réellement merveilleuse et que qu’il l’avait écoutée avec une attention et concentration extrêmes.
Dépité et abattu, Kuttan dit que malheureusement son travail était parti en fumée, ce à quoi Bashir lui répond qu’il pouvait lui dicter à la virgule près l’ensemble de son écrit, l’invitant ainsi à récupérer son récit.
Bien sûr, chers enfants et amis, je n’ai pas le génie de Jean de la Fontaine pour vous conter cette histoire et les contes et fables que j’entends toujours avec un immense plaisir, ces contes qui enseignent sur l’importance de l’écoute, de l’observation, qualités primordiales à transmettre et à partager sans modération.
J’aimerais tant voir un poète, comme votre monsieur de la Fontaine, collecter ces nombreux contes et fables, qui font la joie des petits et des grands, les aidant à avoir ce recul nécessaire sur la vie de tous les jours.
Je ne peux cependant pas m’empêcher de vous inviter à lire le délicieux conte de Muhammad Basheer, “Grand-père avait un éléphant”, traduit en français. Vous serez emportés dans l’atmosphère de mon pays où, bien sûr, avoir un éléphant était signe de richesse, mais chaque fois que que l’on me conte l’histoire de Kounnioupattouma, je verse une larme de bonheur.
Chers enfants et amis, je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous.
A demain,
Shila