Rémy, qui si tout de passe bien d’ici là, commencera ce mois de janvier une résidence jusqu’au mois de juin 2021 avec les enfants des Maisons, avec pour projet la constitution d’une “brigade poétique” – collectif d’enfants volontaires pour tchatcher dans les rues du Boulonnais avec les passants à propos du thème de notre saison.
Rémy nous envoie un avant-goût de ces inspirations, intitulé “Premier jour de couvre-feu”.
Merci cher Rémy, au grand plaisir de te retrouver 🙂
Premier soir de couvre-feu, ce 15 décembre 2020, année bien vingt de vain, où on attend toujours le devin. Bref. Il est 20h30. Je suis à la fenêtre de ma cuisine, qui donne sur la rue. Je guette, je veille que chacun respecte bien ce fichu couvre-feu, que je ne sois pas le seul à m’ennuyer à m’enfermer chez moi. Bref, je m’occupe.
Tout est calme. Bon.
20h46 : je distingue un bruit de moteur au lointain. Le bruit se rapproche, et j’en aperçois la source : une voiture, avec trois individus à bord !
Ni une, ni deux, je sors et me précipite à sa rencontre. Me voici à trois mètres, en face du bolide.
« Halte ! ». La voiture s’arrête. Vitres fermées, moteur toujours allumé.
J’ose un : « Que faites-vous dehors à cette heure ? C’est interdit ! Il y a un couvre-feu !
- SIlugilindelie !
- Pardon ? Articulez !
- C’est la gendarmerie !
- … Dans une voiture banalisée ?
- Gli !
- Pardon ?
- Oui
- Mais vous n’avez rien à faire dehors à cette heure, c’est interdit !
- Oucoutoule
- Pardon ?
- On contrôle !
- Mais contrôle ou pas, vous êtes hors la loi !
- Ménisoumli foucpulic !
- Articulez !
- Mais nous sommes la force publique !
- Et alors ? Vous coupez le moteur, vous descendez lentement de la voiture, vous posez vos papiers sur le capot, et mains sur la nuque
- Mi ni, siniqui replisenta laoi !
- Coupez le moteur !
- (ils coupent le moteur) Mais non, c’est nous qui représentons la loi !
- Pardon ? Vous vous moquez de moi ? Vous êtes dehors, en plein couvre-feu, et vous représentez la loi ? Ben quel exemple…
- C’est notre travail. Vos papiers !
- Ah pardon, vos papiers, je l’ai dit le premier. Et c’est à cause de gens comme vous que je suis dehors à cette heure.
- Ah non, monsieur ! Nous, c’est notre travail !
- Et on vous paie pour être hors la loi ? Avec nos impôts ? Eh bien, c’est du propre… vous avez une attestation professionnelle ?
- Oui
- Montrez –moi ça !
- Mais…
- Il n’y a pas de mais qui tienne. Allez hop, posez votre attestation sur le capot, et mains derrière la nuque.
- Mais vous êtes fou !
- Attention ! Pas d’insulte ! Outrage à citoyen ordinaire dans l’exercice de ses fonctions, cela peut vous coûter cher !
- Mais…
- Il n’y a pas de mais qui tienne !! Moi, je contrôle bénévolement, je me sacrifie, et vous me cherchez des noises ? Quelle honte, mais quelle honte !
Allez, reprenez vos papiers, et circulez, allez. Rentrez chez vous, je ne veux plus vous voir. Quelle honte… Des gendarmes, assermentés, représentants de la loi… hors la loi… Je ferai un rapport ! Allez, circulez !
Rémy BOIRON