Lettre de Shila : “À la recherche des ancêtres, la généalogie”

Chers enfants,

J’évoquais avec vous, dans une précédente lettre, les racines rurales que nous partageons dans nos pays si différents :

Je me suis intéressée à l’histoire de ces réunionnais et mauriciens qui veulent retrouver leurs racines indiennes à travers la connaissance de leur généalogie.

Ils veulent connaître qui était leur ancêtre qui a pris le bateau, il y a cent cinquante ans et plus, pour venir travailler à la Réunion ou à l’île Maurice. Ils veulent connaître l’Inde, qui étaient leurs ancêtres, leur vie avant le départ, leurs métiers… et le lieu d’où ils sont partis.

Ils veulent savoir qui est leur grand-père et comment parler de leurs ancêtres. 

Notre ami Emmanuel a trouvé un beau document qui parle de cette recherche des populations réunionnaises d’origine indienne, qui veulent retrouver leurs racines. 

Ce besoin de connaissance de soi à travers la connaissance de sa généalogie, ce travail sur les transmissions familiales est nécessaire à la construction identitaire de l’individu. Son éducation et son rapport au savoir en dépendent.” 

Pourquoi des Indiens sont-ils partis à l’île de la Réunion ou à l’île Maurice ou encore aux Antilles il y a plus de cent cinquante ans ??

Mon voisin Henri m’a expliqué que dans ces îles, les travailleurs dans les champs de canne à sucre étaient des esclaves, jusqu’en 1815, année de l’abolition de la traite des noirs !! L’abolition de l’esclavage est arrivée plus tard ; 1833 pour les colonies britanniques et en 1848, pour ce qui est de la France. 

Ces pauvres gens, originaires d’Afrique, avaient été vendus comme des objets, ils avaient perdu leur nom de famille et n’avaient aucun droit, même leurs enfants n’étaient plus considérés comme leurs enfants, ils étaient dépossédés de tout.

À partir de 1815, il fallait trouver de la main d’œuvre. C’est à partir de cette date que les Indiens pouvaient être engagés, avec des contrats de travail de trois ou cinq ans. Cet engagement n’était pas forcément si honnête qu’il paraissait, c’était une forme de servage. 

Madame Michèle Marimoutou, chercheure et historienne, donne une très belle explication du cadre de travail, appelé “engagisme“, dans lequel se trouvaient les ancêtres venant de l’Inde.

Les pays coloniaux, tels que votre pays, la France ou votre voisin britannique, recrutaient en Inde, où la France avait ses comptoirs coloniaux du sud de l’Inde à Mahé au Kerala ou à Pondichery et à Karikal au Tamil Nadu, l’Etat voisin de chez moi. 

D’ailleurs on appelle les Indiens, “malabares” ou malbars, en lien avec la côte Malabar !!

Dans son travail de chercheur, Monsieur Thierry Malbert explique “les réseaux de parenté et quête des héritages de l’Inde du Sud à la Réunion“.

La recherche de leur généalogie est plus difficile pour les populations d’origine indienne de la Réunion que pour celles de l’île Maurice. Les colons anglais, contrairement aux colons français, ont noté, en plus du nom de famille, le nom du village ou de la ville d’origine en Inde :

Si un grand nombre de Réunionnais se sont lancés sur les pistes de leur généalogie, la plupart, faute de transmission directe de la mémoire familiale, se sont trouvés confrontés aux impardonnables oublis des colons français qui n’ont pas inscrit le nom du village ou de la ville d’origine des engagés sur les registres. A l’île Maurice les Anglais avaient indiqué ces données, notamment les lieux d’habitation, les voisins, les biens, les terres ou productions commerciales. Seuls les Réunionnais dont les ancêtres sont passés par l’île Maurice, peuvent y avoir accès. De fait, nombreux sont ceux qui n’arrivent pas à faire le lien entre le port d’embarquement et le port d’arrivée : « on ne peut pas sauter la mer ».”

Mon voisin et ami Henri m’a dit qu’il a été invité à Armentières, non loin de chez vous, dans la communauté mauricienne d’origine indienne, lors de fêtes Diwali et Holi organisées par leur association, “Les mauriciens du Nord“.

En discutant avec plusieurs d’entre eux, Henri a compris qu’ils étaient passionnés de l’Inde, ils continuent à célébrer les fêtes indiennes et sont imprégnés par la culture et l’héritage reçus de leurs parents. Certains sont allés en Inde, dans la ville ou le village d’origine de leurs ancêtres, grâce à un organisme gouvernemental de l’île Maurice, qui a gardé les informations précises sur les familles et le lieu d’origine en Inde, au moyen d’un numéro de référence attribué à chaque famille. 

C’est incroyable, chers enfants, comment ces familles mauriciennes d’Armentières sont complètement intégrées dans le Nord de la France, tout en gardant l’héritage culturel indien, plus de cent cinquante ans après l’immigration de leur ancêtre arrivé à l’île Maurice au 19ème siècle et après une migration plus récente, au 20ème siècle de leur grand-père, venu de l’île Maurice à Armentières pour travailler dans le textile. 

Ce besoin de connaître sa généalogie pour aider à se construire individuellement, voilà un bel exemple donné par les mauriciens du Nord, vivant autour d’Armentières et aussi par les Réunionnais à la quête des héritages culturels de l’Inde. 

Emmanuel m’a fait savoir que la prochaine saison culturelle des enfants aura pour thème “Arborescence”, je suis sûre que vous allez découvrir plein de belles choses sur votre arbre généalogique. 

Je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous,

A demain, 

Shila