Lettre de Shila : “Aurangzeb, dernier empereur moghol”

Bonjour les enfants,

Je sais que vous êtes très occupés par vos nombreuses activités scolaires, culturelles et par la vie dans vos Maisons. Jis, mon amie et voisine me demande de vous faire de gros bisous, elle a repris son activité de chercheure et d’écologiste ; elle continue à suivre nos échanges.

Aujourd’hui je vais vous parler du dernier empereur moghol, Aurangzeb, qui a règné de 1656 à 1705.

Il a mis en prison son père Shah Jahan, qui a fait construire le Taj Mahal, ce mausolée classé au patrimoine mondial de l’humanité, dont je vous ai parlé hier. De sa prison, au fort rouge d’Agra, où il a passé les huit dernières années de sa vie, Shah Jahan pouvait voir le Taj Mahal où repose son épouse, Mumtaz Mahal.

Il faut dire que la succession, dans l’empire moghol, était violente ; Aurangzeb a lutté contre ses frères qu’il a vaincus puis fait exécuter !! Voici l’histoire, racontée pour vous par mon cher voisin Henri :

En 1657 Shah Jahân tombe malade sérieusement. Ses fils commencèrent à se déchirer. Shâh Shuja décréta l’indépendance du Bengale, alors que Murâd Baksh fit de même pour le Goujerat. Aurangzeb, lui attaqua directement l’héritier Dârâ Shikôh, s’opposant de fait à son père. Les troupes du fils prirent le dessus sur celle du père qui fut fait prisonnier, au fort rouge d’Agra. Il y passa les 8 dernières années de sa vie, avec une vue sur le Taj Mahal. Son frère ainé, Dârâ Shikôh, eut encore moins de chance. Il dut fuir chez un ami, Malik Jiwan, un chef baloutche, mais ce dernier le livra à Aurangzeb qui l’humilia à travers la ville. Il fut décapité rapidement. Pendant ce temps les forces d’Aurangzeb attaquèrent le Goujerat et capturèrent Mûrad Baksh, qui fut lui aussi exécuté. Le dernier des frères, Shâh Shujâ, fut le seul à pouvoir s’enfuir. Il périra dans la jungle birmane quelques temps plus tard.

C’est ainsi qu’Aurangzeb, sixième empereur moghol, monta sur le trône.”

J’aurais pu éviter de vous parler de cette page de l’histoire de mon pays, chers enfants, car c’est une histoire de querelles et de violences sous le règne controversé d’Aurangzeb. Henri m’a expliqué plus longuement cette triste querelle, car comme pour le bébé buffle, j’avais du mal à comprendre :

Aurangzeb est un musulman orthodoxe, adepte des interprétations les plus conservatrices du Coran. Il s’oppose en particulier à une certaine forme de soufisme, un courant mystique de l’islam qui remporte un grand succès en Inde et qu’il considère comme hérétique. Alors que ses prédécesseurs avaient été des mécènes assez éloignés de l’islam traditionnel, qui avaient permis l’apparition d’un art de la miniature très élaboré atteignant son apogée avant son règne, son rigorisme religieux va entraîner la décadence de cette forme d’art typiquement islamo-indien. L’islam ne tolérant pas la musique, il bannit de la cour musiciens, danseurs et chanteurs.

Il encourage la destruction des sculptures dans des temples hindous, abattant d’ailleurs un grand nombre de ceux-ci, en particulier à Vârânasî (il rasa et pilla tous les temples hindous), Mathurâ et Ayodhyâ, construisant sur leur emplacement des mosquées en réutilisant les matériaux, créant ainsi des problèmes intercommunautaires qui subsistent jusqu’à nos jours. À la différence de ses prédécesseurs plus tolérants, il restaure la djizîa envers les non-musulmans, majoritaires. Il a interdit aussi la pratique de la satî dans tout l’empire.

Sous Aurangzeb, me dit Henri, se termine l’empire des grands moghols, laissant la place à un nouvel empire qui va durer plus de deux siècles : l’empire britannique. Que d’empires ! Mais c’est quoi au fait un “empire” ? Henri m’a envoyé pour vous un article qui raconte comment nous pouvons être dominés par quelques-uns qui imposent leur force.

Mes chers enfants, cette page d’histoire nous enseigne que rien n’est définitivement gagné ; le dialogue, qui prévaut à une époque pour construire une société pluraliste, où tout le monde peut faire entendre sa voix, est une conquête de tous les jours.

Je vous fais de gros bisous et vous dis de prendre soin de vous.

A lundi,

Shila