Lettre de Shila : “Chemin faisant”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Emmanuel m’a raconté que la semaine dernière, vous vous promeniez par monts et par vaux dans vos jolis paysages :

Moi aussi, j’adore me dégourdir les pattes après avoir mangées mes chères pousses de bambou apportées par Mister Kuttan ; quel plaisir, quel voyage.

Cela fait plusieurs semaines que Kuttan ne me mène pas dans mes montagnes du Kerala, en raison de ce satané virus.

Moi l’éléphante qui ai une mémoire d’éléphant, je dois vous dire qu’en discutant avec mon cher voisin Henri de son périple là-bas avec sa famille en 2013, je me suis souvenue de ma dernière venue dans les contreforts de « Chembra peak », montagne raide à deux mille cents mètres de hauteur.

Je n’en menais pas large.

C’était en 2017, j’ai marché aux côtés de Kuttan pour nettoyer la forêt de cette montagne, charger les arbres morts sur le camion, mais je dois vous dire que je n’étais pas rassurée tant les pentes étaient impressionnantes, pour moi qui pèse près de trois tonnes. Quand je me rappelle de cette expédition, je me dis après coup que Kuttan fut mon cher cornac, mon cher sherpa :

Kuttan m’a guidé pas à pas durant cette expédition extraordinaire.

Heureusement je ne dois pas aller si haut d’habitude ; Kuttan m’emmène à quelques kilomètres de mon petit pré, et souvent les collines ne sont pas aussi ardues. Mais cette expérience reste importante pour moi, et j’ai pensé qu’elle serait, chers enfants, intéressante à méditer tous ensemble. Aussi je me permets de vous la faire partager.

Entre mon petit chez moi, et la montagne qui m’a donnée tant de mal, j’ai parcouru avec Kuttan trois cents kilomètres, et Kuttan m’a avertie dès les premiers kilomètres de notre expédition que ce serait long. Kuttan a déposé le camion au pied de la montagne, et nous avons commencé à gravir les contreforts pour rejoindre la forêt.

Hummm, j’ai eu peine à avancer, aussi j’ai ralenti le rythme de ma marche.

Et bien mes chers enfants, d’adapter ma cadence au dénivelé de la pente fut une expérience spirituelle qui m’a bien plu.

Henri, grand marcheur s’il en est, me dit qu’en France vous avez un proverbe qui dit : « Rien ne sert de courir, il faut savoir arriver à point ». Si j’ai bien compris, cette phrase décrit exactement l’intelligence du randonneur de longue distance : l’important n’est pas d’arriver le plus rapidement possible, il s’agit plutôt de savoir se ménager pour être sûr d’y parvenir.

Emmanuel m’a envoyé pour vous un célèbre chemin qui passe non loin de chez vous du côté de Wissant, Guînes et Thérouanne, et qui va d’Angleterre jusqu’en Italie sur près de deux milles kilomètres.

Ouille ouille ouille, deux milles kilomètres à pieds !

Emmanuel m’a dit que ce parcours, appelé « via francigena » a été créé il y a bien longtemps, au cours de ce que vous appelez « le Moyen Age », bien avant Vasco de Gama dont je vous parlais lundi.

Quelle aventure merveilleuse chers enfants : ces personnes il y a plus de mille ans ont tracé un chemin que, vous autres, les humains, continuez à pratiquer aujourd’hui. Marcher si longtemps, c’est comme écrire une épopée chemin faisant.

Henri m’a raconté que le Moyen Age est une période de votre Histoire durant laquelle des grands récits furent racontés sur des mètres et des mètres de longueur :

Hummm, lire cette saga est comme marcher à son pas pour rallier des endroits lointains, réputés difficiles d’accès.

Mes chers enfants, que je suis heureuse de fêter avec vous les bienfaits du cheminement. Voici un air de musique entraînant qui, j’en suis sûre, nous aidera à tailler la route avec joie :

A lundi,

Bisous,

Shila