Chers enfants,
Je vais vous parler aujourd’hui de mon sujet préféré, l’agriculture.
Les branches de palmiers, les pousses de bambous et les fruits que j’ingurgite chaque jour me font de plus en plus saliver, tant elles sont goûteuses.
Kuttan se réjouit de me voir apprécier la nourriture de qualité qu’il me donne.
J’ai su que, chez vous, en France, de plus en plus de gens font aussi attention à la nourriture et à la qualité des fruits et légumes qu’ils mangent !! Les magasins vendant de la nourriture biologique ont le vent en poupe, comme vous dites à Boulogne-sur-Mer !!
Je dois vous expliquer que mon pays, dont je suis si fière, l’Inde, était exsangue en 1947, après plus de deux siècles de colonisation, période où les famines se sont succédées !!
“Au moment de son indépendance en 1947, la situation alimentaire de l’Inde était très mauvaise, et beaucoup d’observateurs prévoyaient une évolution catastrophique du pays. Nehru, le nouveau Premier Ministre de l’Inde, déclarait en 1948 « everything else can wait but not agriculture ». Ce qui se traduit par « tout le reste peut attendre, mais pas l’agriculture. »
Le pays a cependant déjoué ces sombres pronostics, parvenant à mettre en œuvre une révolution verte qui, par une agriculture à haut rendement, a pu apporter en quelques années l’autosuffisance alimentaire au pays. De nombreux paysans ont pu profiter des progrès, tandis que des dégâts environnementaux sont déplorés.“
La révolution verte a été lancée par le premier premier ministre de l’Inde, Nehru, dès le début de l’Inde indépendante, elle a pris de l’ampleur dans les années 1970 et a permis au pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dès l’année 2000 !
La révolution verte repose sur trois principes fondamentaux :
– l’utilisation de semences performantes
-l’utilisation de produits phytosanitaires, d’engrais et de pesticides
-l’utilisation de beaucoup d’eau, avec des systèmes d’irrigation importants.
La révolution verte a malheureusement ses limites, Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article qui raconte bien l’histoire. Les paysans s’endettent pour acheter graines, engrais et pesticides, l’Inde connaît un taux de suicide très important chez les agriculteurs, drame accru par a pollution des eaux par les nitrates, l’empoisonnement de la population par les satanés pesticides :
“Dans les années 2010, les cas mortels d’encéphalite aigüe sur les enfants se sont amplifiés en Inde, au Bangladesh au Vietnam et en Thaïlande. Au Bangladesh, le lien à un cocktail chimique de pesticides est mis en évidence en 2017. En Inde, le gouvernement local du Kerala a estimé que l’usage à tort et à travers de l’endosulfan avait empoisonné 4 270 personnes et causé la mort de 500 autres depuis 1978. Ce pesticide est interdit en Inde depuis 2012, mais une utilisation en contrebande est suspectée.”
Face à ces fléaux de l’empoisonnement du sol, des gens et aussi du taux de suicide élevé d’agriculteurs, des individus réagissent et proposent une alternative : une agriculture sans engrais, sans graines hybrides, sans pesticides, sans prêt et en limitant l’irrigation et l’arrosage.
Une figure emblématique, Mister Subash Palekar “a montré la voie à environ quatre millions d’agriculteurs sur la façon de cultiver de meilleures cultures plus saines, gagner plus d’argent sans être pris au piège d’un cycle d’endettement avec plus de pesticides, plus de produits chimiques, plus de prêts et plus de suicides. La plupart des agriculteurs qui utilisent les méthodes entièrement naturelles de Palekar se trouvent dans l’ouest et le sud de l’Inde.”
Mister Palekar préconise “l’agriculture à budget zéro”, inspirant de nombreux agriculteurs mais aussi des états à suivre le modèle d’une agriculture biologique. Il a été récompensé par l’Etat Indien en recevant le Padma Shri, en 2016, pour son œuvre.
L’état d’Andra Pradesh, à mille kilomètres de chez moi, a fait le choix du ZBNF (“Zero Budget Natural Farming”), qui veut dire dans votre langue : “agriculture naturelle à zéro budget”. Il a pour objectif de faire appliquer cette méthode par 6 millions d’agriculteurs d’ici 2024. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article pour vous qui dit bien les enjeux :
“VISION DU GOUVERNEMENT AP
Améliorer le bien-être des agriculteurs à court et à long terme, en particulier les petits et les agriculteurs marginaux, grâce à une agriculture naturelle résiliente aux changements climatiques et à faible coût (ZBNF).”
Un autre très bel article du journal Le monde que mon cher voisin Henri a lu pour vous, explique l’engagement exceptionnel du gouvernement de l’Andhra Pradesh pour l’agriculture biologique, afin de favoriser ses agriculteurs et aussi sa population, par des gains supérieurs et une alimentation saine.
L’Andhra Pradesh, ainsi que l’état du Sikkim, à 3200 kms de chez moi, dans la montagne de l’Himalaya, sont aujourd’hui des exemples pour l’agriculture biologique en Inde.
Avec le bio, c’est un vrai bonheur de travailler la terre.
À Boulogne-sur-mer, m’a dit mon cher voisin Henri, les jardiniers sèment les carottes à côté des poireaux, car l’insecte qui attaque les poireaux est repoussé par l’odeur des carottes et réciproquement, le vers de la carotte a horreur de l’odeur du poireau.
Il en est de même dans le Sud de l’Inde, le curcuma, cette plante à rhizomes, connue pour être le safran des pauvres, dont les qualités culinaires sont très reconnues, pousse sous les papayers, l’un protégeant l’autre et réciproquement.
Sans engrais ni pesticides, les vers de terre font un travail extraordinaire.
Finis aussi les brûlis agricoles, dont souffrent les Indiens ; en effet, on utilise les paillis pour protéger la terre, et conserver la fraîcheur des arrosages. Si les agriculteurs du Nord se mettaient à l’agriculture biologique, Dehli serait moins polluée et tousserait moins !!
Le programme agricole à zéro budget, promu par le gouvernement de l’Andhra Pradesh, n’est malheureusement pas soutenu financièrement par l’état central, car les lobbies industriels sont toujours aussi puissants et influents. Mon cher voisin Henri m’a envoyé un article pour vous qui en dit long sur les enjeux pour les humains, pour les plantes, pour nous autres les animaux, pour tout le monde dans mon pays et pour la planète :
“Lobbys industriels
Le gouvernement indien en butte à une crise agricole structurelle s’est intéressé à l’expérience de l’Andhra Pradesh. Le 9 juillet 2018, le NITI Aayog (Institution nationale pour la transformation de l’Inde), qui a remplacé la Commission au plan en 2015 après l’accession au pouvoir de Narendra Modi, a invité Subhash Palekar à une présentation de l’agriculture naturelle. Selon Palekar, la majorité des participants − des scientifiques du Conseil indien de la recherche agricole et d’universités agricoles d’Etat et le ministre de l’agriculture − auraient convenu que l’agriculture naturelle était la seule alternative disponible pour doubler le revenu des agriculteurs d’ici à 2022, une promesse électorale que Narendra Modi avait faite à son arrivée au pouvoir en 2014.
Ce programme, lancé et piloté par Vijay Kumar, ancien haut fonctionnaire et conseiller à l’agriculture du gouvernement de l’Andhra Pradesh, a déjà séduit sept cents mille paysans et travailleurs agricoles.
Mais c’était sans compter les lobbys industriels. Dans un livre à paraître en mars, aux Presses des Mines, Bruno Dorin, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), qui travaille depuis deux ans avec le RySS sur une « prospective à 2050 de l’agriculture naturelle en Andra Pradesh », raconte comment l’Académie nationale des sciences agricoles indienne a entravé la généralisation de l’agriculture naturelle en Inde.
Dans un courrier de trois pages envoyé à Narendra Modi, en septembre 2019, le président de cette académie explique que, après une journée d’étude avec soixante-dix experts comprenant des industriels, les participants ont conclu que « le gouvernement de l’Inde ne devrait pas investir inutilement des capitaux, des efforts, du temps et des ressources humaines pour promouvoir le ZBNF en raison de l’impossibilité technique du pays à explorer cette technologie non démontrée et non scientifique ».
Quelques semaines plus tard la presse rapportait que « le gouvernement Modi soutient le ZBNF mais n’a pas de budget pour le promouvoir ». Vijay Kumar connaît toutes ces résistances et sait que sa « démarche est difficile », mais dit-il « si nous ne le faisons pas, nous allons vers une catastrophe »”.
Avec tous les animaux de l’Inde, je soutiens ceux qui protègent notre nature, et quelques jours après notre Republic Day, je leur dédie notre bel hymne national :
Quoiqu’il en soit, chers enfants, je suis sûre que l’avenir de notre planète se joue ici, en Inde, comme chez vous, et aussi en Amazonie, avec cette prise de conscience que chaque plante, chaque arbre, chaque être vivant doit être protégé, soigné, choyé.
Je compte sur vous pour bien cultiver votre jardin.
Je vous fais de gros bisous,
A demain,
Shila