Lettre de Shila “Elephant live matters”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Ce matin au petit-déjeuner, j’ai broutées mes chères pousses de bambou apportées par Mister Kuttan, mon cornac adoré. Kuttan prend soin de moi, je l’aime beaucoup. Tout à l’heure, je sais que je prendrai un bon bain avec Mister Kuttan, mon masseur ayurvédique personnel.

La classe.

Je sais par mon cher voisin Henri que vous aussi avez de bonnes personnes qui s’occupent de vous, jour après jour. C’est chouette de se sentir reconnue comme personne importante.

En broutant mes chères pousses, je pensais à mes ancêtres dont je vous ai parlés : Parkie et Hans. Je me suis rappelée de leur histoire, elle me tourneboule.

Comment deux éléphants ont pu être enlevés de leur pays pour aller à des milliers de kilomètres, dans des parcs, et se retrouver admirés par des humains qui ne rêvaient pourtant qu’à la liberté et aux droits à disposer de soi-même sans contraintes ?

Moi, l’éléphante philosophe, j’ai beaucoup de difficulté à comprendre cette privation, et qui plus est le fait que les humains aient tant projetés sur Parkie et Hans des sentiments personnels à leur insu.

C’est vrai quoi, s’il est vrai que, nous autres, les éléphants, sommes certes doués d’émotions reconnues par vos scientifiques… :

… Nous attribuer des élans amoureux sans nous en avoir demander notre avis est pour le moins contestable.

C’est comme si, chers enfants, quelqu’un de votre cour de récréation disait que vous êtes amoureux d’unetelle ou d’untel sans votre accord ; ça ne se fait pas.

Emmanuel, l’ami de mon cher voisin Henri, m’a dit que ce penchant des humains pour projeter sur les animaux des sentiments, des émotions, qui ne sont pas issus des animaux mais des humains, est une vieille histoire.

Si j’ai bien compris Emmanuel, ce fantasme des humains à notre sujet s’appelle l’anthropomorphisme.

Henri et Emmanuel m’ont dit que les humains ont aussi beaucoup rêvé ou cauchemardé leurs propres ancêtres différents, tant ils ont voulu définir ce qu’est un humain bon, normal.

Je ne le savais pas, mais d’après Henri et Emmanuel, vous avez des très très très vieux aïeux, nommés « Hommes de Neandertal », qui n’étaient pas tout à fait comme vous, disparus totalement aujourd’hui, mais auxquels vous pensez encore car ils vous inspirent ce que vous auriez pu être :

Hummm, je comprends que ce Neandertal est pour vous ce que le Mammouth est pour moi, un cousin disparu il y a bien longtemps mais que les humains souhaitent faire vivre au nom de leurs rêves de pureté :

Chers enfants, cette obsession des humains pour caractériser les vivants, leurs qualités, leurs défauts, que ce soit un animal, un végétal, un humain, me paraît une folie.

Nous sommes ce que nous sommes, et méritons d’être respectés quoi que nous sommes, parce que nous vivons ; cela est l’essentiel.

Henri et Emmanuel me disent que depuis votre Siècle des lumières qui a pourtant pensé les droits de tous à vivre dans la dignité et le respect… :

… Des humains ont cherché à définir des races prétendument supérieures ou inférieures.

Emmanuel m’a expliqué que des scientifiques, appelés « anthropologues », ont travaillé au XVIIIe et XIXème siècles pour établir ces différences et leur attribuer des vertus, des vices, des solutions, des problèmes fondamentaux.

J’ai cru comprendre que, comme Parkie et Hans, une humaine avait elle aussi subie cette méchanceté, enlevée de son pays pour être exposée à des milliers de kilomètres de chez elle pour satisfaire la curiosité d’humains cherchant à se dire qu’ils étaient mieux qu’elle.

Emmanuel m’a dit que des scientifiques de cette époque avaient aussi parcouru mon pays pour photographier des humains, mes ancêtres éléphants, en quête de cette recherche de la “race supérieure”.

Oh, que je ne suis pas contente d’apprendre toute cela, c’est insupportable.

Vous êtes différent et cela n’est pas acceptable ? Trop gros ? Trog grand ? Trop maigre ? Trop petit ? Votre couleur de peau n’est pas comme il faudrait ?

Malheureusement des humains ont décidé que les différences pouvaient être des problèmes.

Je trouve cela honteux.

Henri me dit que Monsieur Demoule, membre de votre Conseil scientifique, a beaucoup réfléchi à ces questions. Monsieur Demoule a enquêté sur les racines du racisme pour mieux le combattre, j’en suis très heureuse :

Chers enfants, prenons conscience de cette méchanceté ambiante ; elle permet de tuer des animaux car supposés pas importants, elle cautionne la disparition des plantes car inutiles, gênantes, elle permet de faire mal à vos semblables, car différents donc dangereux.

C’est inadmissible ; toutes vies comptent :

Je vous embrasse très fort,

A demain,

Shila