Lettre de Shila : “En mémoire de Quinquin”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Hier je vous racontais combien demain, 8 mai, est une date importante du souvenir tant elle revient sur une guerre atroce.

Mon cher voisin Henri m’a racontés ses souvenirs familiaux ; il en fallait du courage pour ses aïeux tant les conditions de vie étaient difficiles en raison des interdits posés par les soldats du dictateur, et par la police de votre pays soumis à aux délires sécuritaires de l’occupant.

Brrrr… Que cette ambiance de l’époque me révulse ; tout le monde devait suspecter tout le monde d’être un ennemi en puissance, tout le monde devait s’accommoder avec sa conscience : vivre libre, ou accepter de renoncer à sa liberté.

Henri m’a expliqué que ce fut une période sombre car il fallait choisir son camp quel que soit son âge, du plus jeune au plus vieux, au risque d’être emprisonné ou de mourir.

Quel que soit son âge ? Ah non, les enfants n’ont pas à être impliqués par les guerres d’adultes, ça ce n’est pas possible.

Henri me dit que, si : malheureusement, des enfants furent acteurs de cette guerre, enrôlés au nom de la valeur sacrée de la liberté.

Ainsi de Marcel Pinte, alias « Quinquin » son petit surnom de résistance, reconnu aujourd’hui comme le plus jeune résistant de votre pays à l’envahisseur.

Emmanuel, l’ami de mon cher voisin Henri, m’a envoyé pour vous un beau reportage qui raconte son histoire, dite par son descendant :

« Parmi les combattants, dès l’âge de 5 ans, Marcel se voit confier des missions délicates.

Marcel était un agent de liaison, c’est-à-dire qu’il effectuait des transmissions, il acheminait des messages dans les fermes, les granges, ou dans des points relais. C’est-à-dire qu’il portait le message jusqu’au point relais et là une autre personne emmenait le message encore plus loin.”

Marcel, surnommé Quinquin par les maquisards, n’a pas son pareil pour passer inaperçu sur les chemins de traverse. En marchant, Marcel a pourtant l’habitude d’entonner des chants de la résistance, mais jamais les allemands n’ont repéré le bout de chou.

Le 19 août 1944, le destin le rattrape. Un parachutage d’armes, une balle est tirée accidentellement par un maquisard, Marcel s’effondre.

“J’imagine que ça a été beaucoup d’émotions, et puis il faut se remettre dans le contexte, ils ont vécu toute la guerre, le petit Marcel a fait toute la guerre. On est à quelques jours de la libération de Limoges, des moments décisifs. Ils vont vers la victoire et cet accident arrive à ce moment-là.”

Marcel Pinte meurt quelques heures plus tard dans les bras de sa mère. »

Mes chers enfants, quelle triste histoire.

Moi, l’éléphante philosophe, me demande comment ce petit enfant a pu trouver en lui un si grand courage ?

Et je rumine aussi la question de savoir si les adultes sont en droit de vous placer dans de telles circonstances, pour lesquelles vous devenez des héros au risque de votre vie.

Chers enfants, j’ai réfléchi, j’ai ruminé.

Voici ce que je pense.

Il ne s’agit pas d’attendre de vous que vous fassiez preuve d’héroïsme, ressource en soi que l’on puise à l’extrême pour faire acte de courage, mais, comme je l’essaye par mes lettres qui racontent à ma façon le monde tel qu’il a été, tel est, tel qu’il va, de permettre de nommer durant ces moments de profond découragement, voire de désespoir : la possibilité permanente de trouver en soi les ressorts pour les surmonter.

Pour nous en souvenir et exprimer le refus que cela puisse de nouveau avoir lieu, j’ai pensé à ce chant ; sur la plage, des enfants et des parents avant une bataille terrible à mi-distance entre chez moi et chez eux, chez vous durant cette guerre atroce :

Je t’embrasse très fort Quinquin, je vous embrasse très fort,

A lundi,

Shila