Lettre de Shila : “”En vérités” : démêler le vrai du faux”

Chers enfants,

Comment allez-vous pendant ce reconfinement ? Je sais que vous êtes plus libres que lors du premier confinement et que vous êtes heureux de vous retrouver avec vos camarades à l’école.

Je sais que le thème de l’année culturelle est “en vérités” et je peux vous dire, moi l’éléphante philosophe, que je ne cesse de ruminer ce thème passionnant :

Je suis avec intérêt ce qui se passe dans mon pays et aussi dans le Monde. Je me suis réjouie de l’élection de Kamala, cette dame dont la maman était ma voisine, originaire de l’état voisin du Tamil Nadu :

J’ai été très triste de savoir que le Président perdant des États-Unis l’ait traitée de monstre. Il a également affirmé que son prédécesseur à la Maison blanche, Mister Obama, n’était pas né aux États-Unis !!

J’ai entendu dire que ce président dit que la presse de son pays ne colporte que des fake news, des mensonges et que lui seul dit la vérité !!

Mais vous savez, chers enfants, il nous faut garder l’esprit critique et essayer de démêler le vrai du faux.

Je sais que ce président sait utiliser les réseaux sociaux pour transmettre ses messages, il envoie des centaines de tweets qui sont lus et retweetés par milliers !!

Mais une étude scientifique très intéressante faite dans son pays nous met en garde.

Je vais vous raconter une histoire qui nous en dit long sur le pouvoir du mensonge et reviens pour cela dans mon cher pays, à une époque très lointaine, avant même l’empereur Ashoka.

Un jeune empereur ; Alexandre le grand, veut envahir le Nord de l’Inde. Il était empereur dès l’âge de 22 ans. “Alexandre le Grand ou Alexandre III, né le 21 juillet 356 avant Jésus-Christ à Pella et mort le 11 juin 323 avant Jésus-Christ à Babylone, est un roi de Macédoine et l’un des personnages les plus célèbres de l’Antiquité.” Quand il est mort, Alexandre n’avait pas 33 ans !!

L’Eté et l’Automne 327 furent occupés à rassembler, au sud de l’Hindou-Kouch, une armée gréco-macédonienne et cosmopolite de 120 000 hommes, dont de nombreux marins venus d’Égypte et de Phénicie. Alexandre s’apprêtait en effet à « conquérir l’Inde », et cette expédition constitue encore un mystère.

L’armée gréco-macédonienne et cosmopolite poursuit son périple en Asie centrale, achevant de conquérir l’empire perse, qui disparaît définitivement en 327 avant Jésus-Christ. Alexandre se tourna alors vers l’Inde du nord. Parvenu aux pieds de l’Himalaya, il remporte une ultime bataille sur la rivière Hydaspes (Nord du Pakistan actuel).

Epuisée, son armée au bord de la sédition le presse de faire demi-tour. Alexandre, qui aurait bien volontiers continué toujours plus loin à l’Est, consenti à rebrousser chemin. A la tête de son armée, il suivit le cours de l’Indus jusqu’à la mer d’Oman, avant d’entamer une pénible traversée du désert de Gédrosie (en Iran). En 324 avant Jésus-Christ, il était de retour à Babylone, sa nouvelle capitale.

Alexandre le grand planifiait de nouvelles conquêtes dans le golfe persique et en orient, lorsqu’il mourut subitement en 323 avant Jésus-Christ, âgé de seulement 32 ans, probablement victime de son alcoolisme. Convaincu de sa nature divine, il s’était mis à régner en tyran. Ayant négligé de mettre sur pied un gouvernement central pour maintenir la cohésion de son empire, celui–ci sombra rapidement dans l’anarchie.”

Mystère en effet autour de la conquête du Nord de l’Inde par Alexandre en 327 avant Jésus-Christ ; Alexandre a une idée de l’Inde qui tient du mythe et de la légende, d’après les écrits fabuleux de Ctésias de Cnide, un écrivain de son époque :

« Convoitise d’Alexandre pour une contrée énigmatique et magique :

Si Alexandre n’a pas accordé foi à toutes les affabulations de Ctésias, nul doute cependant que l’Inde à ses yeux représentait pour une part la terre qui pouvait receler le secret ultime des confins du monde. Et si elle a pu l’aimanter comme elle le fit, c’est peut-être moins par l’intérêt stratégique et militaire qu’elle constituait que par la richesse imaginaire qu’évoquait cette énigmatique contrée, surchargée d’images et décrite comme le foyer d’une nature radicalement autre, fascinante, primitive et magique.

L’Inde de Ctésias est peinte comme une terre d’enchantement :

La nature y transgresse toutes ses lois et donne sa mesure dans la démesure : le soleil y apparaît dix fois plus grand qu’ailleurs ; les moutons et les chiens y ont la taille des ânes occidentaux, les brebis et les chèvres ont une queue large d’une coudée qui traîne par terre et empêcherait que les femelles soient saillies sin on ne la leur coupait.

Les palmiers des Indes ainsi que leurs dattes sont trois fois plus gros que ceux de Babylone ; les fourmis y sont de la taille d’un renard. Une source donne du vin, et ailleurs, c’est d’un rocher que coule un fleuve de miel. Une autre source encore donne une eau qui, une fois puisée, se fige comme du lait caillé et rend fou celui qui en boit, si bien qu’il se met à délirer et à raconter tout ce qu’il a accompli.

Prodigieuse également cette fontaine où les Indiens les plus en vue plongent en s’y lançant les pieds en avant, et que l’eau renvoie en l’air. Et cet arbre, le parébos, qui attire à lui tout ce qu’on dépose à proximité, tel que l’or, l’argent et tous les autres métaux ; et qui attire aussi tous les oiseaux qui voltigent trop près de lui, voire les chèvres et les moutons.

Hommes à tête de chien, Pygmées et autres mirabilia :

Cynocéphales :

L’Inde concentre en elle mirabilia et prodiges Elle présente tous les « lieux communs » de la paradoxographie (récits de merveilles) antique. On y rencontre donc aussi, naturellement, des êtres étranges, comme les cynocéphales, hommes à tête de chien qui, pour tout langage, ne savent que japper. Ils ont tous une queue, semblable à celle des chiens mais plus longue et plus touffue, et ils s’accouplent à leurs femmes à quatre pattes.

Enfin – tant cette ambivalence est représentative des croyances grecques –, ce sont des êtres justes qui vivent fort longtemps. Dans les montagnes de l’Inde vit une population de trente mille âmes dont les bébés viennent au monde le crâne garni de cheveux blancs qui ne s’obscurciront qu’à partir de l’âge de trente ans. Ces gens possèdent huit doigts à chaque main et à chaque pied et ont des oreilles qui couvrent leurs bras jusqu’aux coudes, cachant même tout leur dos ».

Comme il est dit plus haut, Alexandre faisant face à la rébellion de son armée gréco-macédonienne épuisée, qui ne veut plus avancer, terrorisée d’avoir dû affronter les éléphants de combat, pluies torrentielles de la mousson, est obligé d’arrêter la conquête. Il décide de rebrousser chemin.

Mais avant de faire demi-tour, Alexandre ordonne de fabriquer des mangeoires à chevaux, des mors, des armes d’une taille et d’un poids extraordinaire. Evidemment, ce sont de gros mensonges destinés à faire croire à ses ennemis qu’il est à la tête d’une armée de géants. Et ça marche ! La fin d’un des plus grands empires de l’Histoire du Monde, l’empire d’Alexandre, ne s’explique que par la disparition de son chef, pas parce que des ennemis auraient pris le dessus sur son armée. Je pense qu’ils avaient trop peur de tomber sur des géants !!

Cette histoire d’Alexandre le Grand nous montre comment, à une époque si lointaine, le bluff, la capacité à faire croire de fausses vérités, avait une telle importance. Il n’est pas toujours pas simple pour les historiens de nous compter cette histoire, faite de mythe, de fable, de légende et de réalités …

Henri m’a dit qu’une personne qui écrit beaucoup, Monsieur Pierre Bayard, s’est intéressé comme moi à toutes ces fictions et réfléchit sur le vrai et le faux :

Dans son nouveau livre, « Comment parler des faits qui ne se sont pas produits ? », Pierre Bayard suggère que les « vérités alternatives » ne sont pas toutes aussi nocives que les élucubrations de Trump. Selon lui, la fable sert la littérature, mais aussi la science. Et souvent elle nous aide à vivre.”

Je dois vous dire, chers enfants, que je compte sur vous pour démêler le vrai du faux, car plus je réfléchis, plus je me rends compte que se construire “en vérités” n’est pas si simple.

Je vous fais de gros bisous,

A lundi,

Shila