Chers enfants,
J’espère que le reconfinement n’est pas trop pesant pour vous. Ici, au Kerala, le confinement dure longtemps pour les personnes âgées de plus de 65 ans, ils doivent rester chez eux. L’école n’a pas encore repris, le travail scolaire se fait par internet !!
Je sais que l’armistice signée le 11 novembre 1918 est un grand événement pour le monde, mettant fin à un horrible carnage chez les humains comme chez les animaux qui étaient impliqués dans cette guerre.
Je me suis intéressée à la présence de mes compatriotes, engagés dans cette guerre, car à l’époque, notre pays était le « Raj britannique » (Le Raj britannique est un des pays du Commonwealth, colonie du Royaume-Uni, s’étendant à toute l’Inde ainsi qu’à l’actuel Pakistan, au Bangladesh et à la Birmanie).
Mes compatriotes ont beaucoup échangé par courrier avec leurs familles, malgré la censure. Nous avons ainsi des souvenirs très précieux.
Je continue à pleurer en pensant à ceux des miens dont le rêve s’est brisé et reposent loin de chez eux. Je reste fière de l’hommage qui se perpétue à Saint-Martin Boulogne, à Neuve Chapelle, à Ypres, Neuville-sous-Montreuil et Marseille.
Mais, comme je vous l’ai déjà dit, malgré mon chauvinisme viscéral, je suis une éléphante pleine de compassion, et je pleure aussi en pensant à tous ces jeunes soldats ou travailleurs étrangers mobilisés pendant cette guerre.
À sept kilomètres de Saint-Martin Boulogne, au cimetière communal de Saint Étienne au mont, reposent des travailleurs chinois morts en 1917, victimes de la grippe espagnole.
« Dans le cimetière communal de Saint-Étienne-au-Mont, on trouve un carré de 160 tombes de travailleurs du Chinese Labour Corps, trois tombes de matelots chinois de la marine marchande et trois tombes de travailleurs britanniques (cet espace est parfois appelé “Cimetière chinois de Pont-de-Briques”).
À partir de 1916, l’armée britannique recrute des paysans chinois pour les tâches logistiques dans ses camps en France. A la fin du conflit, les hommes du Chinese Labour Corps participeront au déminage des sols et à l’ensevelissement des soldats morts sur le champ de bataille. »
Je ne peux m’empêcher de penser à l’ironie de l’Histoire, avec ces travailleurs chinois et ces militaires indiens qui étaient engagés dans le même but de défendre le territoire français pendant la grande guerre !! Aujourd’hui, leurs compatriotes sont engagés dans une guerre larvée pour la défense d’un territoire au Ladakh, dans la montagne himalayenne !!
Parmi les nombreux cimetières de guerre de Boulogne-sur-mer, Etaples, Terlincthun, Saint Inglevert… J’ai su par mon cher voisin Henri qu’à Wimereux, le cimetière britannique s’inscrit en extension du cimetière communal, au 37B rue René Cassin.
Le cimetière britannique de Wimereux m’intéresse beaucoup depuis que mon ami Henri m’a raconté comment il a découvert la tombe de John McCrae, médecin militaire canadien et poète.
Au cours de l’hiver 2018-2019, Anne Laure, nièce de Henri, lui donne rendez-vous au cimetière de Wimereux, rue René Cassin ; elle accompagne avec ses collègues professeurs un groupe de collégiens de Cholet qui se rendent à Londres. Au cours de voyage, dans cette année du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, une halte a été prévue à Wimereux, pour se recueillir sur la tombe du poète qui a écrit le poème “In Flanders Fields”.
“John McCrae, soldat, médecin, poète (né le 30 novembre 1872 à Guelph, en Ontario ; décédé le 28 janvier 1918 à Wimereux, en France). Pathologiste et médecin militaire de renom, le lieutenant‑colonel John McCrae était aussi poète. Il est l’auteur du fameux « In Flanders Fields » (traduit en français sous le titre « Au champ d’honneur »), l’un des plus célèbres poèmes de la Première Guerre mondiale.”
“La tombe, la plus emblématique et sur laquelle tous se recueillent est celle du lieutenant-colonel, et poète, John Mc Crae, mort le 28 janvier 1918 à l’hôpital général n°14. Mobilisé en tant que médecin dans le secteur d’Ypres, il y apporte assistance aux soldats blessés lors de la seconde bataille d’Ypres en avril et mai 1915. Lors des combats, il perd l’un de ses amis proches enterré à la hâte dans un cimetière de fortune. C’est à la vue de ce cimetière qu’il compose son célèbre poème « In Flanders Fields ». Au lendemain de la guerre, le poème rencontre un vif succès et contribue ainsi à l’adoption du coquelicot, désormais considéré comme la fleur du souvenir dans l’ensemble de l’Empire britannique.”
Son poème est paru le 8 décembre 2015 :
“Alors, quand « In Flanders Field » s’est terminé, John McCrae en envoie une copie au magazine « The Spectator » à Londres, qui refuse de le publier. Mais un journaliste qui visite l’hôpital en rapporte une copie au magazine « Punch », dans lequel il paraît anonymement le 8 décembre 1915. En quelques mois, il devient le poème le plus populaire de la guerre. La puissance évocatrice du coquelicot qui fleurit dans la terre retournée fait de ce symbole une tradition qui transmet le souvenir des personnes mortes en faisant leur devoir.”
IN FLANDERS FIELDS
A poppy
In Flanders Fields
“In Flanders fields the poppies blow
Between the crosses, row on row
That mark our place; and in the sky
The larks, still bravely singing, fly
Scarce heard amid the guns below.
We are the Dead. Short days ago
We lived, felt dawn, saw sunset glow,
Loved and were loved, and now we lie
In Flanders fields.
Take up our quarrel with the foe:
To you from failing hands we throw
The torch; be yours to hold it high.
If ye break faith with us who die
We shall not sleep, though poppies grow
In Flanders fields A poppy”
John Alexander McCRAE
Traduction officielle :
Au champ d’honneur
« Au champ d’honneur, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix ; et dans l’espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.
Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encor’
À nos parents, à nos amis,
C’est nous qui reposons ici
Au champ d’honneur.
À vous jeunes désabusés
À vous de porter l’oriflamme
Et de garder au fond de l’âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d’honneur. »
Adaptation signée Jean Pariseau, CM, CD, D. ès L. (histoire).
(Ministère des Anciens combattants du Canada)
Une traduction plus littérale :
« Dans les champs de Flandre
Dans les champs de Flandre, les coquelicots ondulent
Entre les croix rang après rang
Qui marquent notre place et dans le ciel
Les alouettes bravement chantent encore et volent
À peine audibles dans le bruit des canons
Nous sommes les morts
Il y a quelques jours, nous vivions encore
Nous sentions la douceur de l’aube
Nous regardions l’embrasement du soleil couchant
Nous aimions et nous étions aimés
Maintenant, nos corps sont étendus
Dans les champs de Flandres
Poursuivez votre combat avec l’adversaire
Nous vous lançons le flambeau de nos mains défaillantes
Afin qu’il soit vôtre et que vous le teniez haut
Si vous manquez de parole à nous qui mourons
Nous ne pourrons pas dormir bien que les coquelicots poussent
Dans les champs de Flandre ».
Voilà, chers enfants, comment j’ai compris que les coquelicots ou “poppies” que portent les Britanniques à leur boutonnière ou qu’ils déposent sur les tombes des soldats et sur les monuments et mémoriaux de guerre sont un symbole puissant né en 1915 grâce au poème de John McCrae.
Je suis sûre, chers enfants, que lorsque vous verrez les coquelicots, vous les observerez avec un regard d’émerveillement.
Je vous fais de gros bisous et surtout continuez à prendre soin de vous,
A demain,
Shila