Lettre de Shila : “Iris”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Avez-vous dessiné, peinturluré depuis le salon de votre Maison, accompagnés de votre professeure en arts plastiques, de votre éducatrice ou éducateur, ou tout seuls, parce que l’envie vous prenait soudainement de poser sur le papier des traits, des couleurs, des formes, des messages ?

Cela m’intrigue ce besoin irrépressible de prendre le crayon, le pinceau, la gomme pour exprimer ce que nous inspire ce que nous regardons.

Je dois vous avouer qu’hier, j’ai subtilisé le cahier et le crayon que mon cher voisin Henri avait posé la veille sur le banc de son patio.

Chers enfants, vous êtes au courant de mes turpitudes, dont je me repends mais pas trop à la réflexion.

Excuse-moi Henri : chaque matin, tu dois te demander où sont les petits objets que tu avais posés avant d’aller faire dodo. Ah, je ne suis pas super à l’aise avec ma conscience, mais bon…

De te regarder contempler nos belles plantes environnant mon petit pré pour essayer de les saisir en griffonnant dans ton calepin des caféiers, des jacquiers, des hévéas, du manioc, du gingembre, du curcuma, des bananiers, des papayers, des cocotiers, des palmiers, des muscadiers, des girofliers, des canneliers, des caféiers, des cacaoyers, des plants de poivriers, du sagoutier… :

… D’être intriguée par ces humains s’asseyant eux-aussi sur les rebords du fossé bordant mon petit pré pour se mettre à dessiner l’arbre en face… :

… J’ai craqué ; ce matin il fallait absolument que je m’essaye à dessiner mère Nature.

Bon, chers enfants, je ne dis pas que mes dessins des plantes autour de moi sont archi ressemblantes à comment elles sont. J’ai fait ce que j’ai pu. Je dois vous avouer que, lorsque je les dessinais, et bien c’était très agréable. Comme si le temps était suspendu. Comme si je ne me souvenais plus de mes ruminations quotidiennes.

Mon cher Kuttan, qui venait ce matin m’apporter mes chères pousses de bambous, était tout étonné que je ne rapplique aussi vite qu’à l’accoutumée tant je raffole brouter ces mets succulents chaque jour. A ma recherche, Kuttan me retrouva avec un crayon au bout de la trompe, essayant cette fois-ci de dessiner la petite rivière de mes copines grenouilles :

Kuttan, avec sa douce voix, m’a dit qu’il était temps que je mange. Et puis il m’a dit aussi que mes dessins lui faisaient penser à un cousin lointain, passionné d’un grand Musée par chez vous, au point d’y emmener régulièrement une petite fille prénommée « Iris ». Mon cousin, d’après ce que m’a expliqué Kuttan, s’appellerait « GranGroGri ».

Et le Musée incroyable non loin de chez vous ; « Le Louvre ».

Hummm, j’aime bien le prénom de la petite fille, il me rappelle des belles fleurs que nous connaissons bien en Inde, très loin au Nord, du côté des grandes montagnes dont je vous ai parlées et qui s’appellent « Iris kashmiriana » :

Moi, l’éléphante pas dupe, me dis qu’Iris et GranGroGri sont des personnages imaginaires. C’est vrai quoi, c’est impossible qu’une petite fille et un éléphant visitent un musée, c’est impossible qu’un éléphant dise à la petite fille l’histoire de tous les tableaux, de toutes les sculptures qui y sont exposés.

Emmanuel m’a dit que j’avais raison ; « Iris » et « GranGroGri » sont sortis de l’imagination de deux dessinateurs, à l’image de Monsieur Jiro Taniguchi dont je vous avais dit ma passion… :

… ou de Monsieur Miyazaki, qui sait raconter des histoires dessinées comme nulles autres pareilles.

Henri, qui recherchait son crayon et son carnet à dessin (chutttt les enfants ; ils sont sur mon dos, à côté de sa calculette, mais chuuuttttt), a entendu la conversation que j’avais avec Kuttan et Emmanuel. Henri me dit qu’au Louvre, Iris et GranGoGri ont pu découvrir et admirer de magnifiques créations : “Un paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux”, de Brueghel l’Ancien ; “Le Radeau de la Méduse”, de Théodore Géricault ; “La Joconde”, de Léonard de Vinci ; “Le Cri”, d’Edvard Munch ; “Les Iris”, de Vincent Van Gogh ; “Le Voyageur contemplant une mer de nuages”, de Caspard David Friedrich ; “Les Hasards heureux de l’escarpolette”, de Jean-Honoré Fragonard ; “Danseuse basculant”, d’Edgar Degas ; “L’Eté”, de Giuseppe Arcimboldo ; “Le Rêve”, d’Henri Rousseau ; “La Madeleine à la veilleuse”, de Georges de La Tour.

Hummm oui, je pense qu’effectivement, si ce n’est qu’une vue de l’esprit de dessinateurs, Iris et GranGoGri doivent exister pour nous encourager à dessiner, peindre à notre tour, et célébrer la beauté du monde.

Je vous embrasse très fort Iris et GranGoGri.

Bisous les enfants,

A demain,

Shila