Lettre de Shila : “La mise en pièces des bateaux à Chittacong, le plus grand cimetière de bateaux”

Chers enfants,

Que deviennent les bateaux après leur vie en mer ???

Voilà la question que je me pose depuis quelques temps, après mon passage au port de Cochin, où j’ai pu voir quelques bateaux très vieux, qui ont cessé de naviguer.

J’ai entendu parler du temps où, à Boulogne, vous aviez les épaves de bateaux qui étaient échouées au petit port, au bout du bassin portuaire du commerce, près de la grande digue de Boulogne.

C’est vraiment triste de voir la fin de vie et l’abandon de ces bateaux !! Heureusement, le petit port de Boulogne a été nettoyé de ces épaves.

Le travail de dépeçage des bateaux en acier est très contrôlé chez vous, m’a-t-on dit, car c’est un travail très dangereux. Il existe des matériaux dangereux tels l’amiante ou des produits toxiques tels que les peintures ou huiles qu’il faut éviter de toucher ou respirer. De même pour découper au chalumeau les cuves existantes sur les bateaux, il faut être très prudent pour éviter les explosions.

Il y a deux ans, l’explosion sur un bateau en démantèlement au Bengladesh faisait plusieurs victimes.

La plus grande casse de bateaux au monde est au Bengladesh, à près de 3000 kilomètres de chez moi, se situe sur la plage de Chittacong, où les ouvriers travaillent sans le minimum de sécurité. Ils sont pieds nus, ne portent pas de casque ni vêtements de protection !!

Même des enfants de 12 et 13 ans travaillent sur ces chantiers, bien que cela soit interdit par la loi.

Les conditions de travail y sont déplorables et, selon l’ONU, nous avons là l’un des métiers les plus dangereux du monde.

Ces enfants, bien sûr, ne devraient pas être sur ce type de chantier, mais, comme ils le disent, ils n’ont pas de choix, car “leurs parents n’ont pas d’argent“.

Pourquoi les vieux navires terminent leur vie sur cette plage de Chittacong, au Bengladesh, ou aussi en Inde, dans la baie d’Alang, à 2000 kilomètres de chez moi, dans l’état du Gujarat ??

La raison principale est que cela coûte moins cher aux armateurs et propriétaires des bateaux de s’en débarrasser.

En Europe, il faut respecter les règles de sécurité, désamianter et vider le bateau de toutes ses substances chimiques avant la casse. Et comme cela coûte cher, l’armateur change la nationalité de son bateau. Le drapeau, appelé “pavillon” est changé : par exemple un bateau français de Boulogne peut changer de pays, il prend une autre nationalité.

On dit alors qu’il a changé de pavillon.

Certains pays sont connus pour être très peu scrupuleux, ne respectant pas les règles de sécurité, leurs drapeaux sont appelés “pavillons de complaisance”.

Ce sont ces bateaux qui sont échoués sur certaines plages de Turquie, de l’Inde ou du Bengladesh, pour être découpés dans des conditions innommables pour récupérer la ferraille !!

Ces plages, qui étaient autrefois des lieux où les pêcheurs pouvaient exercer leurs activités, sont devenues très polluées, c’est un désastre pour l’environnement. Les militants associatifs pour l’environnement et les militants syndicaux pour les travailleurs se heurtent à des gens sans scrupules qui semblent soutenus par les pouvoirs publics.

Vous comprenez, chers enfants, pourquoi pour l’éléphante, très sensible et compatissante que je suis, je ressente parfois de la tristesse sur les sujets si importants que sont la protection de la nature et le droit des travailleurs :

Je vous fais de gros bisous,

A lundi,

Shila