Lettre de Shila : “La peur”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Pas trop froid en ce moment ? Henri m’a dit que par chez-vous les frimas de cette fin d’Automne sont gratinés. Couvrez-vous bien les enfants, et aussi mangez bien car c’est un bon moyen de résister aux aléas du temps mauvais.

Moi l’éléphante gourmande et curieuse de tout mange beaucoup de végétaux différents que m’apporte chaque matin mon cher Kuttan. Vous connaissez mes chères pousses de bambou. Ces derniers temps, je me prends aussi d’une passion pour les ananas :

Il faut vous dire que nous autres, les éléphants, ne rechignons pas à découvrir de nouveaux aliments, nous sommes mêmes les animaux les plus assurés dans la découverte d’autres goûts, d’autres substances alimentaires.

Mon cher Kuttan m’a expliqué que ce n’est pas forcément le cas pour d’autres animaux. Ainsi des oiseaux ; ils sont très très méfiants et réfléchissent à deux, trois, quatre fois avant de picorer ce qu’ils trouvent au pied des arbres.

Mais, de tous les animaux, me dit Kuttan, c’est sans doute le cheval le plus peureux. Cette créature a tout le temps besoin d’être rassurée, particulièrement aux aguets et inquiète lorsqu’elle broute.

Emmanuel, qui nous téléphonait pour passer le bonjour, me dit que les enfants des humains peuvent aussi développer cette peur s’exprimant lors du repas ; l’enfant refusant soit de manger même s’il aime les aliments, soit ne mangeant que très peu, ou toujours les mêmes plats.

Parmi les causes de peur des humains repérées depuis des siècles, il y a notamment la peur des arbres, des forêts.

Hummm, cette peur ne me semble pas très raisonnable. S’il existe des êtres bienveillants et apaisants, ce sont nos chers amis sylvestres. Emmanuel me dit que les humains ont développé de fausses croyances à propos de la forêt ; elle pourrait être le lieu des pires maléfices :

Ah oui, je me rappelle de cette lettre que je vous envoyais dissertant sur les cauchemars et leur interprétation :

Avoir peur des arbres, de la forêt, c’est non pas vis-à-vis de leur méchanceté ou monstruosité, mais de l’inconnu qu’ils représentent.

Mon cher Henri, passionné des arbres, nous a raconté que les humains scientifiques viennent de comprendre récemment que les arbres eux-mêmes pouvaient avoir peur, et développer des mécanismes de défense, de protection :

Emmanuel nous dit que s’il devait avoir peur des arbres, ce ne serait que pour la seule raison de ne pas les voir renaître à la vie au printemps, et que la feuillaison tant attendue n’ait lieu :

Chers enfants, la peur est un sentiment faisant partie du vivant ; il ne faut pas avoir peur de la peur, tout au moins savoir lui parler pour qu’elle sache nous laisser vivre une vie bonne.

Je vous embrasse,

A demain,

Shila