Lettre de Shila : “L’amie souris”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Ce matin alors que je broutais mes chères pousses de bambous, une toute petite bestiole a tournicoté aux pieds de mes pattes ; j’étais effrayée et me suis écriée : « Aargghhhh, une souris ! ». Cette petite chose allait remonter le long de ma trompe, c’est sûr.

Quelle horreur.

J’ai filé de mon petit pré et me suis réfugiée dans l’atelier d’Henri… :

… Je crois que j’ai cassé pas mal de choses en déboulant mais là, ah non, c’était trop que je ne puisse supporter (excuse-moi Henri, mais j’ai eu vraiment très peur).

Déjà que je ne peux pas trop bouger depuis un an et ce satané virus, voilà une souris qui fait rien qu’à vouloir me chasser de mon petit pré, tout ça pour des raisons qui m’échappent.

Mon cher Kuttan, voyant ma panique, a essayé de me calmer en me racontant les dernières enquêtes de vous autres, les humains, à propos des venues non prévues de petites bestioles :

Comme je courrais à droite et à gauche dans l’atelier d’Henri, je n’ai pas eu le temps de l’écouter malgré mes grandes oreilles.

Non mais Ho, Hé, Hein ? Bon !

Si ça continue, faudra que ça cesse, marre marre marre :

Les souris, c’est pas possible.

Faudrait qu’elles arrêtent de nos terroriser. J’en ai marre des souris. Je peux supporter le léopard, les sirènes, mais les souris : NON. Quand elles vous regardent avec leurs petits yeux perçants et commencent à galoper le long de la patte, et s’intéressent à l’entrée de la trompe… Brrrrrrrrrr, va-t’en, va-t’en, va-t’en la souris !

Kuttan est revenu vers 14h, alors que je m’étais cloîtrée dans l’atelier depuis le début de matinée. Avec sa douce voix, mon cher cornac m’a expliqué que si je ne ressortais pas de l’atelier, il ne pourrait pas m’expliquer que les souris ne sont pas du tout les ennemis des éléphants.

Bon, j’ai entrouvert l’atelier d’Henri avec ma trompe, et j’ai regardé par l’embrasure de la porte. Kuttan m’a démontré qu’effectivement, dans l’esprit des humains, les souris font pis que pendre aux éléphants :

Kuttan m’a dit cependant que dans la vie des éléphants, la rencontre avec des souris n’est pas invraisemblable et est heureuse.

Les humains de mon pays l’ont bien compris, mais il semblerait que vous autres les humains de France et d’autres pays dans votre coin, sont encore marqués par une légende, racontée par Monsieur de la Fontaine, dont je vous ai parlée avec curiosité et attendrissement :

Ce Monsieur, il y a bien longtemps, sans doute inspiré de la vie des éléphants, celle aussi de la vie des souris, a raconté une très belle fable :

Mon cher Henri, informé par Kuttan du bazar que j’avais mis dans son atelier, m’a expliqué au téléphone que cette fable n’était qu’une manière de raconter la relativité de la puissance, et faire l’éloge du plus petit que soi.

Ah, d’accord, je suis d’accord avec cette idée.

Nous autres, les animaux, n’avons que faire finalement de la grandeur ; nous coopérons les uns les autres pour avancer dans la vie.

Et d’ailleurs, Henri me dit qu’il existerait, selon vos scientifiques petits enfants, petits arrières-enfants, petits arrières-arrières enfants, petits arrières-arrières-arrières enfants de Monsieur Darwin une souris-éléphant :

Ah, mes chers enfants, que j’étais stressée ce matin mais que je suis heureuse de retrouver paisiblement mon petit pré après ces explications.

Je me dis que l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi pour aimer la vie, et si la souris se repointe demain matin, je lui ferai un gros câlin avec ma trompe.

Vivent les petites choses qui tourneboulent :

A demain,

Bisous.