Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Ce matin, mon cher voisin Henri m’a proposée de faire une petite balade autour de mon petit pré pour me dégourdir les pattes. Nous sommes sortis de la propriété, et avons marché vers la rivière.
Je sais bien qu’avec mes trois tonnes, je ne peux marcher comme Henri sur le tronc d’arbre posé par les humains pour traverser le cours d’eau, aussi je me suis arrêtée, et Henri a magnifiquement (comme d’habitude) enjambé l’obstacle. De mon côté, je regardais les magnifiques arbres, puis – je ne sais pas comment vous l’expliquer–, mon regard s’est perdu contemplant tout et rien. Je pense que j’étais songeuse.
Une toute petite chose a retenu soudain mon attention ; ça sautait, ça s’arrêtait, ça s’alanguissait, c’était d’une belle couleur caramel parmi le vert des plantes magnifiques bordant le ruisseau. J’étais sidérée, complétement coite, à l’arrêt.
Henri qui me regardait m’a dit, après notre balade, qu’il ne m’a m’avait jamais vue aussi immobile. Même mes oreilles et ma trompe ne bougeaient plus !
Ah, mes chers enfants, que cette vision de cette petite chose si fragile, si délicate, dans un décor si beau, m’a surprise. Henri m’a expliqué que j’avais découvert une grenouille appelée la « grenouille danseuse » :
Quelle beauté.
Ce qui m’a faite ruminer au retour dans mon petit pré, c’est ma réaction devant ce décor : l’eau qui ruisselle, les arbres et les plantes magnifiques, Henri de l’autre côté de la rive, cette grenouille, et moi qui ne peut plus bouger d’un poil tellement je suis surprise, fascinée par tant de beauté.
Henri m’a expliqué qu’à ce moment-là, j’étais gagnée par ce que vous autres, les humains, appelez le « syndrome de Stendhal ». Si j’ai bien compris, c’est le fait d’être sublimée par tant de beautés sous nos yeux.
Drôle de nom ce truc qui empêche tout d’un coup de bouger tellement on est saisi par la grâce de la beauté du monde…
Henri m’a raconté que Monsieur Stendhal, natif de par chez vous, avait ressenti la même émotion que moi ce matin au bord de la rivière. Henri me dit que c’était un grand écrivain, reconnu par chez vous comme l’un des meilleurs pour exprimer le surnaturel dans la vie quotidienne.
Hummm, maintenant qu’Henri m’explique, je me dis rétrospectivement que j’ai été envoutée par ce syndrome de Stendhal à plusieurs reprises. Quand j’ai monté la plus haute montagne de mon petit pays… :
… Quand j’ai découvert le plus bel éléphant de mon petit pays :
… Quand je regarde les petites filles humaines de mon village si jolies quand elles fêtent le Jack :
… Quand Jis me montre les photos des orchidées, de retour de sa dernière expédition :
Henri me dit que, quand il est en France, il marche beaucoup. C’est quand il redécouvre un endroit que vous appelez le « Mont Saint-Michel » que le syndrome de Stendhal le saisit.
Henri me dit qu’il a la même émotion quand il retrouve chez nous le « Taj Mahal » :
Kuttan me dit que ce sont les magnifiques peintures sur les camions qui le fascinent :
Sollicité par Kuttan et Henri, Emmanuel a répondu au téléphone que son moment de sidération à lui fut quand il découvrit pour la première fois les charmes d’une boulangerie pâtisserie traiteur parisienne.
Ouais, bon, chacun son syndrome n’est-ce pas ?
Ah, mes chers enfants, que j’étais surprise ce matin par ce moment suspendu. La nature et la culture nous offrent parfois de si belles visions, on est comme hors de soi, la tête au pays des rêves éveillés. J’espère que vous vivez ces moments là tant ils sont précieux à vivre. Pourrez-vous me les raconter en juillet aux Fêtes de la mer ?
Je vous envoie cette rêverie sidérante pour continuer à être à l’affut dès demain du prochain syndrome de Stendhal :
Bisous,
A demain,
Shila