Lettre de Shila : “L’éléphant endormi (un air d’Italie)”

Bonjour chers enfants,

Avez-vous bien dormi cette nuit ? Moi, je me suis reposée comme rarement. Hier soir, au crépuscule, une douce chanson venait de la maison de mon cher voisin Henri. C’était dans une langue que je ne connaissais pas ; Henri m’a dit que c’est de l’italien :

Cela m’a tellement calmé, apaisé, que je me suis assoupie, et j’ai fait de très très beaux rêves, dans lesquels vous étiez bien entendu.

Henri m’a raconté les paroles de cette belle chanson, écrite et composée par Signor Paolo Conte et intitulée « Sonno elefante » (dans votre langue, ça veut dire « Je suis un éléphant ») :

« Sonno lontano

Vieni qui

Rimani vicino a me

Fammi volare

Tra le montagne

Sopra le dune

Senza guardare

Senza pensare più

Senza capire più

Sonno gigante

Sonno elefante

Distenditi quassù

Sonno, patriarca meraviglioso

Arcaico nuoto nell’acqua cupa

Sonno munifico

Tu, sonno, sei magnifico

Cipria sull’aria che

Vibra di magico

Mandarino, sei profumato

E santo

Desiderato davvero tanto

Tutto dirupa

È friabile e desertico

Sonno di nuvola

Sonno di cupola

Sonno lontano

Vieni qui

Rimani vicino a me

Fammi volare tra le montagne

Sopra le dune

Senza guardare

Senza pensare più

Senza capire più

Sonno gigante

Sonno elefante

Distenditi quassù »

« Je dors

Venez ici

Reste près de moi

Laisse-moi voler

Dans les montagnes

Au-dessus des dunes

Sans regarder

Sans plus réfléchir

Sans plus comprendre

Sommeil géant

Éléphant endormi

Allongez-vous ici

Dors, merveilleux patriarche

Nage archaïque dans l’eau sombre

Sommeil abondant

Toi, dors, tu es magnifique

Poudre sur l’air qui

Vibre de magie

Mandarin, tu es parfumé

Et saint

Vraiment désiré

Tout s’écroule

C’est friable et désertique

Nuage de sommeil

Dôme sommeil

Je dors

Venez ici

Reste près de moi

Envole-moi dans les montagnes

Au-dessus des dunes

Sans regarder

Sans plus réfléchir

Sans plus comprendre

Sommeil géant

Éléphant endormi

Allongez-vous ici »

Hummm, c’est aussi doux, sucré que mes chères pousses de bambou.

Henri m’a passé un autre morceau de Signor Conte, intitulée « India », et qui parle de mon pays :

« India
Dal dolce ambrato color
Guardi l’amor
Come un signor
India

Che sembra sia
Copiato in cartoleria
Da una decalcomania

Fuori grida l’indiana città
Attualità
Velocità
India
Un sorriso ha
Fra i tuoi capelli di dea
Una selvaggia azalea

E il mondo colonial
Si crede intellettual
Come un teatro in silenzio

E il mondo colonial
Si crede spiritual

Ah india
E raffinata poesia
Lascia che sia
La storia tua
Seta
Del dondolio
Delle movenze d’oblio
Dell’orientale fruscio

E il mondo colonial
Si crede spiritual

India
Dolce aromatica dea
Tu sei l’idea
Di un’azalea
India 
»

« Inde

De couleur ambrée douce

Regarde l’amour

Comme un Mister.

Inde

Ce qui semble être

Copié en papeterie

À partir d’un autocollant

En dehors de la ville indienne crie

Actualité

La vitesse

Inde

Un sourire

Dans tes cheveux de déesse

Une azalée sauvage

Et le monde colonial

Il se croit intellectuel

Comme un théâtre silencieux

Et le monde colonial

Il se croit spirituel

Ah Inde

Et poésie raffinée

Laisse faire

Ton histoire

Soie

Du balancement

Des mouvements d’oubli

Bruissement oriental

Et le monde colonial

Il se croit spirituel

Inde

Déesse douce aromatique

Tu es l’idée

D’une azalée

Inde. »

C’est magnifique cette poésie, ces notes qui invitent à la rêverie, et qui tente de réconcilier une mémoire douloureuse, celle du passé colonial.

Henri en a parlé à son ami Emmanuel. Emmanuel, lui aussi, aime beaucoup Signor Conte. Sa chanson préférée s’appelle « Max » ; elle raconte un ami qui n’est plus, mais dont le souvenir reste cher au cœur :

« Max era Max

Pi tranquillo che mai

La sua lucidit

Smettila, Max

La tua facilit

Non semplifica, Max

Max

Non si spiega

Fammi scendere, Max

Vedo un segreto

Avvicinarsi qui, Max »

« Max était Max

Plus silencieux que jamais

Sa clarté

Arrête ça, Max

Ton aisance

Ça ne facilite pas les choses, Max

Max

Ce n’est pas expliqué

Laisse-moi tomber, Max

Je vois un secret

Viens plus près ici, Max »

Il n’y a pas beaucoup de paroles, mais qui en disent long sur les sentiments. Beaucoup d’harmonies, de mélodies instrumentales : Emmanuel dit que c’est pour mieux faire ressentir la légèreté des rêveries, fussent-elles nostalgiques.

Bravo cher Signor Conte.

Bravo cher Signor, votre voix est aussi profonde à mes oreilles que celle de Mister Leonard Cohen.

Bravo pour votre inspiration si belle à vivre et à aimer.

A demain chers enfants,

Faîtes de beaux rêves,

Bisous,

Shila