Lettre de Shila : “L’éléphant et le cinéma”

A l’attention des enfants et des équipes de la part de M. Henri Villeneuve, membre de notre Conseil d’administration.

Henri voisine d’année en année non loin de chez Shila et lui a parlé de vous : Shila est très intéressée et souhaite converser avec vous, malgré sa timidité, tant elle vous apprécie d’ores et déjà selon les  dires élogieux d’Henri.

Etes-vous d’accord pour dialoguer avec cette créature de plusieurs tonnes ?

Henri et Emmanuel, directeur adjoint aux affaires culturelles de notre association, seront vos porte-parole.  Shila vous répondra sans fautes.

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Je sais que vous vous vous êtes régalés de bons barbecues ce week-end, avez-vous essayées les épices de mon cher Kerala ?

Ciel bleu sans un seul nuage, premières baignades à la plage pour certaines et certains d’entre-vous, les photos que j’ai pu voir de vos agapes dominicales sont aussi belles que dans un film.

Charmée par ces chouettes images, je me suis dit qu’il fallait vous parler du rôle que nous autres, les pachydermes, peuvent revêtir dans les créations cinématographiques des humains.

Tout d’abord, et pour mettre tout le monde en joie, je commence par vous montrer l’extrait d’une comédie musicale des années 1960 dont sont friands les indiens, et populaire jusqu’en Corée du Sud, à des milliers de kilomètres de là :

Le cinéma indien, surnommé « Bollywood » en référence au cinéma américain tant il est aussi important pour les cultures des deux pays, nous a souvent filmé pour que les enfants du pays puissent apprécier les bienfaits de la vie à la campagne, ses valeurs.

Mais le cinéma indien des grandes villes s’est inspiré aussi de nous : ainsi du film Le Dieu éléphant réalisé par Satyajit Ray, le plus grand auteur d’œuvres cinématographiques du pays à mon goût.

Vous le voyez, nous sommes souvent et depuis des décennies sujets à des visions poétiques proposées par le cinéma asiatique, et dernièrement encore, un film d’un réalisateur de Singapour a pu narrer l’histoire d’une très jolie amitié nouée chemin faisant entre un humain et un éléphant.

Il n’y a pas qu’en Asie que les éléphants ont pu tant inspirer les auteurs de films.

Ainsi, aux Etats-Unis, haut-lieu du cinéma mondial si l’en est, nous autres les pachydermes deviennent très vite des stars du grand écran.
Vous connaissez évidemment les films de Walt Disney ; je vous ai parlé du Livre de la jungle, il y a aussi Dumbo, l’éléphant volant. Et Tantor, le copain de Tarzan ; lequel Tarzan, dès les premiers films au début des années 1950, coexistait cahin-caha avec nous.

Cette passion américaine pour les films grand public valorisant la figure de l’éléphant a sans doute atteint son point culminant en terme de nombre de spectateurs avec la série « L’âge de glace », au cours de laquelle nous suivons les déboires et les exploits de mon aïeux, le mammouth Manny.

En France aussi, votre cinéma pour enfants a aimé mettre en avant Babar, roi devant chaque jour faire vivre en harmonie humains et animaux selon la fantaisie de ses créateurs de bande dessinée.

Emmanuel, l’ami de mon voisin Henri, m’a envoyé pour vous un article qui laisse entendre que nous incarnons sur les grands écrans toutes les figures de la famille recomposée. C’est quoi une famille recomposée ? Disons que c’est une famille dans laquelle les membres se choisissent par affection, se désunissent si la lassitude gagne, et ne subissent donc pas la vie familiale  dans un rapport d’obligation.

Appelons cela une fiction, car évidemment la vraie vie est plus compliquée que cela, mais le cinéma n’est-il pas le théâtre des rêves éveillés ? J’observe, moi l’éléphante certes contemplative mais loin d’être dupe, que filmer aussi souvent des éléphants est par ailleurs un bon moyen pour gagner beaucoup d’argent à peu de frais, puisque nous ne sommes jamais payés en droits d’image.

Alors chers enfants, voyez-vous, moi l’éléphante toute humble, je rougis devant tant de starification de ma famille. Pourrez-vous m’aider à comprendre pourquoi nous faisons autant fantasmer le cinéma mondial depuis toutes ces années ? Serait-ce la dernière évolution en date de la passion des humains pour l’éléphant et le pouvoir ?

Je vous embrasse très fort,

A demain,

Shila