Lettre de Shila : “Les adivasis, peuples autochtones habitants la forêt : peuples en lutte.”

Chers enfants,

J’ai demandé à mon voisin Henri et à Emmanuel qui demandait de mes nouvelles, si en France vous aviez des éléphants dans les forêts et si vous aviez des peuples autochtones vivant dans vos forêts en bonne entente avec les arbres, les plantes et les animaux.

Ils étaient surpris d’entendre ma question, mais cela nous a permis d’échanger sur ce sujet.

L’Inde est un grand pays, cinq fois plus grand que la France, et un cinquième du pays est couvert par la forêt, soit l’équivalent de la surface de la France !!!

Et les forêts indiennes sont très variées, il existe plusieurs types de forêts, allant des forêts tropicales du Kerala aux forêts de type alpin dans l’Himalaya en passant par les forêts épineuses du Rajasthan et les forêts humides des mangroves, dans les deltas ou le long des côtes.

Ce qu’il faut savoir, c’est que la plupart des forêts indiennes sont habitées depuis des siècles. À l’exception des zones inaccessibles de l’Himalaya, les adivasis, peuples autochtones ou aborigènes vivent dans et de la forêt. La surexploitation de la forêt est une réelle menace pour eux, ils sont sans cesse sur le qui-vive, et sont amenés fréquemment à résister.

Ces peuples autochtones vivent dans de nombreux pays du monde, en Amazonie, au Congo, en Malaisie…. En Inde :

Les peuples autochtones ou les aborigènes, comme leur nom l’indique, sont des habitants autochtones de la terre. Ils sont aussi appelés adivasis, vanvasis, etc. Depuis des temps immémoriaux, ils ont résidé dans les forêts, conservant ainsi la flore, la faune et l’ensemble de l’écosystème en général. Mais, ce sont eux qui ont été soumis à la plus grande injustice et à l’exclusion sociale.”

Une ONG, Survival International, défend le droit des peuples autochtones partout dans le monde :

Survival International est une ONG créée en 1969 dont l’objet est la défense des droits des peuples autochtones par le plaidoyer et des campagnes d’opinion en relayant la parole des peuples autochtones dans le monde, en lien étroit avec les organisations autochtones locales.”

Les publications de cette ONG sont très intéressantes pour comprendre la vie et les problèmes de ces populations.

Des dizaines de millions d’Adivasis dépendent des ressources forestières pour subvenir à leurs besoins, par la cueillette des fruits, fleurs, plantes médicinales, la collecte du miel ou du bois mort. Ces biens sont destinés à leur propre consommation ou au commerce.

Une loi votée en Inde, en 2006, reconnaît aux tribus d’adivasis et aux peuples traditionnels , le droit de vivre au sein de leurs forêts et d’en tirer les ressources nécessaires à leur survie ainsi que d’assurer la protection de leurs territoires.

Le préambule de la loi sur les droits forestiers (Forest Rights Act, en 2006) reconnaît que les Adivasis (aborigènes) ont été victimes d’injustices historiques, de déplacements et d’exploitation, et que la société se doit de leur restituer leurs forêts et de leur en donner l’accès, puisque leur survie en dépend pour récolter des fruits, des fleurs, du bois ou des feuilles.”

Cette superbe loi est malheureusement menacée, car il leur est difficile de s’opposer aux projets miniers, hydroélectriques ou autres qui affectent leur territoire.

À plus de 2000 kilomètres de chez moi à Hasdeo dans l’état du Chhattisgarh, les adivasis et les éléphants semblent faire peu de poids pour sauver la forêt qui pousse sur un gisement de cinq milliards de tonnes de charbon, même si la COP26 veut mettre un terme à l’utilisation du charbon qui entraîne le dérèglement climatique :

Sous la verdoyante forêt Hasdeo à Chhattisgarh, par exemple, il y a cinq milliards de tonnes de charbon – du charbon que les communautés locales sont déterminées à garder sous terre. Les Gond, les Oraon et les autres tribus vivant à Hasdeo savent ce que signifie l’extraction du charbon : les mines de charbon existantes ont détruit les terres et la vie des communautés voisines ; les populations locales d’éléphants déplacées entraînant des rencontres dangereuses ; et pollué l’eau et l’air, causant de graves problèmes de santé et d’environnement. L’exploitation minière planifiée à Hasdeo menace les terres de 18 000 personnes. “

À quelques centaines de kilomètres du Chhattisgarh, dans l’état du Jharkhand, c’est une autre résistance s’est organisée depuis 1994 pour s’opposer à l’armée qui tentait de prendre possession de leur territoire, un peu comme la lutte qui s’est faite chez vous, d’après les dires d’Henri et d’Emmanuel, sur le plateau du Larzac.

Depuis 27 ans, les adivasis se rassemblent chaque année pour défendre leurs terres, pour qu’elles ne deviennent pas un champ de tir de l’armée.

Vous allez me dire, chers enfants, que certains peuples, si proches de nous, dont la vie dépend de la forêt, comme mes cousins, les éléphants de la montagne, doivent mener sans cesse un combat pour leur survie.

C’est la réalité, mais pour moi l’éléphante philosophe, très sensible à leurs difficultés, je voudrais leur dire que, dans mon petit état du Kerala, nous avons pu, grâce à un combat qui a duré plusieurs années, de 1973 à 1979, conserver un lieu devenu sanctuaire de la nature, la Silent Valley, déclaré Parc national en 1985.

La forêt et la vallée auraient été détruites par la construction d’un immense barrage, sans ce combat mémorable.

Je suis très fière des habitants de mon pays, qui sait unir ses forces dans des combats pour la vie.

Ce combat rassemblait les habitants, les militants écologistes, des chercheurs… Comme le disait si justement notre grand poète Tagore, parlant du combat collectif, dans une jolie allégorie, on casse facilement une branche, mais il est impossible de casser un fagot !!!

Même si vous n’avez pas de voisins adivasis en France, je suis sûre que vous n’allez pas être indifférents à leur juste combat pour la vie et pour notre survie, en sauvant nos forêts, poumons de l’humanité.

Chers enfants, je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila