Lettre de Shila : “Les bosquets sacrés, un patrimoine ancestral incontournable”

Chers enfants,

Depuis qu’Emmanuel et Henri m’ont parlé du thème de votre année culturelle, je pose de nombreuses questions à Kuttan, qui connaît bien les forêts du Kerala et aussi à Jis, lorsqu’elle vient au village, descendant de Kumily, et du parc national de Periyar où elle est en mission.

Elle vous envoie une petite vidéo de montagne, où un joli pont a été construit pour les singes. Je lui ai demandé si elle n’avait pas vu un pont pour les éléphants, ce qui l’a plutôt bien fait rire :

Kuttan m’a encore paru préoccupé par le sort réservé aux bosquets sacrés, (Kavu en malayalam). Ils font partie du patrimoine de l’Inde et sont parfois menacés de disparaître.

Ces bosquets sacrés sont nombreux en Inde, notamment au Kerala et dans les États du Nord et du Nord-est de l’Inde :

Les bosquets sacrés font référence à un morceau de végétation naturelle qui est protégé par une certaine communauté pour des raisons religieuses. La zone est généralement dédiée à une divinité locale. En conséquence, les communautés locales ont tendance à prendre la responsabilité de protéger et d’entretenir la zone. Il peut s’agir de quelques arbres seulement ou d’une forêt entière. Les ONG jouent un rôle important en travaillant avec les résidents locaux pour assurer la sécurité de ces zones, alors que leurs motivations peuvent être principalement limitées à l’équilibre écologique.

Selon ces protections, la chasse et la déforestation dans ces zones sont interdites mais d’autres activités avec un processus plus durable telles que la collecte de miel et de bois mort sont autorisées. L’introduction de la Wild Life (Protection) Amendment Act, 2002, assure la protection gouvernementale de ces terres.

Abritant des religions très diverses mais fortement pratiquées, l’Inde contient de nombreux bosquets sacrés. Une forte concentration de ces bosquets se trouve dans l’Himachal Pradesh et le Kerala. D’autres endroits où l’on peut trouver des bosquets sacrés sont le Rajasthan, le Bihar, le Meghalaya et le Maharashtra.

Kerala : État connu pour sa beauté naturelle époustouflante, le Kerala abrite 240 bosquets sacrés. Ces zones contiennent plus de 3000 espèces rares de plantes. Réparti sur plus de 20 hectares, le plus grand bosquet se trouve à Ernakulam.

Himachal Pradesh : État avec le plus grand nombre de bosquets sacrés, l’Himachal Pradesh est méticuleux et extrêmement attentif à ces cadres naturels. Shipin est considéré comme le plus grand bosquet de déodar et contient des arbres vieux de plusieurs milliers d’années.”

À la fin de chaque année, je vois passer des milliers de pèlerins hindous qui se rendent à Sabarimala, à 100 kilomètres de chez moi, pour honorer Lord Ayappa.

Le bosquet sacré de Lord Ayappa se situe dans la réserve de tigres de Periyar, ce fameux parc national évoqué plus haut. Plus de 3 millions de pèlerins s’y rendent de novembre à janvier, chaque année, sauf l’an dernier à cause de la pandémie.

Le bosquet sacré de Sabarimala, est l’un des milliers de bosquets sacrés de l’Inde, il a l’avantage d’être très protégé, situé dans le parc national et la réserve des Tigres (et aussi des Éléphants) de Periyar.

Comme je vous le citais plus haut, la chasse et la coupe des arbres sont strictement interdites dans les bosquets sacrés, par contre les habitants peuvent y collecter le miel dans arbres où les abeilles essaiment, ainsi que cueillir les fruits ou ramasser du bois mort.

Toutes ces activités dont vivent les populations ont été interdites au moment de la colonisation qu’a subie mon pays.

Mister Madhav Gadgil, chercheur et spécialiste des forêts indiennes, a fait un superbe travail sur les bosquets sacrés : une ancienne tradition de la conservation de la nature, affirmant que les villageois indiens la font revivre et profitent des avantages écologiques qu’elle confère.

Héritage des traditions préhistoriques de conservation de la nature, les bosquets sacrés sont des parcelles de forêt que les communautés rurales du monde en développement protègent et vénèrent comme sacro-saints…

Environ 40 pour cent des forêts riches en faune sauvage de la planète sont toujours défendues par les groupes locaux qui vivent à l’intérieur et autour d’elles… “

Mister Gadgil nous donne trois indications importantes pour comprendre les bosquets sacrés :

Les bosquets sacrés sont des parcelles de forêt primitive que certaines communautés rurales protègent en tant que demeures de divinités. Ces « peuples de l’écosystème » tirent leurs moyens de subsistance des ressources à proximité et apprécient la nature pour les services écologiques qu’elle fournit.

L’extraction des ressources coloniales a dévasté l’ancien réseau de bosquets sacrés en Inde. Des milliers de bosquets ont survécu, cependant, et certains sont nouvellement établis en raison des avantages écologiques que les communautés en tirent.

Donner aux personnes de l’écosystème les moyens de protéger leur environnement pourrait être la clé de la préservation de ces espaces vierges. La loi indienne sur les droits forestiers de 2006, qui accorde aux communautés le droit de gérer les forêts voisines, est une étape importante à cette fin.”

Pour moi, l’éléphante si attentive aux arbres et aux forêts qui m’entourent, je suis ravie d’entendre Kuttan me dire qu’une loi indienne de 2006 accorde des droits aux communautés tribales qui vivent dans la forêt et de la forêt, car ces communautés sont victimes, comme les éléphants et autres animaux, de la déforestation.

Kuttan cependant reste très soucieux, car il me dit que nous n’avons aujourd’hui que quelques centaines de bosquets sacrés au Kerala, alors qu’auparavant, nous en avions 15000. Il m’explique que la disparition de ces forêts est dûe à l’urbanisation, la construction de nouveaux villages, de nouveaux quartiers….

Il nous faut conserver ces derniers bosquets sacrés pour un meilleur lendemain, une eau pure, un air pur et une vie meilleure.

Voilà, chers enfants, mon vœu pour nous tous. Je suis fière de vous qui allez bientôt créer un bosquet à la ferme de Bertinghen.

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila