Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Cette nuit, j’ai fait un drôle de rêve. Vous connaissez mon intérêt pour ce qui se passe pendant que nous dormons, comment interpréter les histoires que nous nous racontons alors que nous sommes assoupis :
Il faut vous dire que moi, l’éléphante curieuse de tout, ai une imagination assez féconde. Ainsi, la nuit suivant cette lettre dans laquelle je vous parlais de visions renversantes… :
… Je me suis rêvée flottant dans l’air, les quatre pattes regardant vers le ciel. C’était à la fois extatique et un peu angoissant.
Mais alors cette nuit, ce fut le pompon : je marchais avec Kuttan sur les contrepentes des immenses montagnes au Nord de mon pays, pas loin du village du prince des sherpas… :
… Quand nous arrivâmes Kuttan et moi devant une étendue d’une couleur effroyable, rouge sang. Brrrr, j’étais choquée : nous marchons sur la neige ferme, d’un blanc immaculé, et puis, tout d’un coup, nous basculons dans un océan de rouge. Mon rêve était tellement fort que je ne l’ai pas supporté ; je me suis réveillée en sursaut, et n’ai pu ensuite me rendormir.
Mon cher Kuttan, qui m’apportait ce matin mes chères pousses de bambous pour mon petit-déjeuner, a tout de suite remarqué mes yeux cernés. Je lui ai expliqué mon rêve, encore troublée par ces images cauchemardesques.
Kuttan, avec sa douce voix, m’a expliqué que, sans doute cette nuit, mon cerveau a ruminé cette question dont je vous fais souvent part ; mon souci pour le devenir de Mère Nature, avec tous ces problèmes de pollution de l’air devenu irresponsables par chez moi, du côté de Dheli… :
… Ou de ces magnifiques arbres que je vois tomber lors de ces campagnes d’abattage auxquelles je participe car c’est mon métier :
Kuttan m’explique que les cauchemars sont très étudiés par les humains, car c’est un phénomène universel qui est sujet de longue date à toutes les préoccupations.
Henri, qui venait à ma rencontre pour me saluer, a entendu notre conversation. Henri me raconte que des chercheurs comme Monsieur Pierre, qui réfléchit avec vous dans le cadre de votre conseil scientifique, comprennent maintenant, en regardant les mécanismes du sommeil, du cerveau, que les cauchemars ont une fonction cathartique.
Hummm, quel drôle de mot… Mais, saperlipopette, qu’est-ce qu’il veut bien signifier ?
Henri me dit que la catharsis, c’est un peu comme lorsque mon cher Kuttan m’emmène dans la rivière pour me doucher, pour me soigner. Ah, d’accord, c’est un peu comme la médecine ayurvédique alors la catharsis ? Henri m’a expliqué que j’avais raison : les cauchemars sont pour le cerveau le moyen de laver nos émotions, de les aider à trouver un sens, une solution, un apaisement :
Emmanuel, qui téléphonait pour me passer le bonjour, me dit que mon cauchemar montagnard s’inspire de faits qui inquiètent les humains éveillés ; on voit apparaître hélas dans les montagnes de votre petit pays des champs de neige couleur rouge sang, et cela n’est vraiment pas normal.
Brrr chers enfants, moi qui me rassurais en écoutant mes chers amis, je me sens de nouveau stressée. Emmanuel me dit, qu’à tout prendre, autant regarder la vérité en face même si elle est terrible, car l’affronter, c’est se donner les moyens de surmonter ces problèmes pour lesquels on se sent impuissant, sans défenses.
Henri, qui me parlait du cimetière de Meerut… :
… Me montre une image d’archive de la deuxième guerre mondiale, en me prévenant qu’elle pourrait me troubler mais qu’au moins elle nous renforçait dans nos convictions pacifistes :
Ah oui… Des camions militaires transformés en éléphants… Je note sur mon calepin à dessin cette vision insupportable, ainsi pourrai-je la regarder régulièrement si d’aventure je devais en rêver un de ces quatre.
Henri me dit qu’il est en train de lire un ouvrage très important, qui le fait aussi cauchemarder, mais qu’il a besoin de le lire jusqu’au bout tant son sujet est important. Si j’ai bien compris, ce livre se demande pourquoi aujourd’hui les humains sont à la fois si bienveillants et maltraitants avec les animaux.
Mes chers enfants, que ce réveil fut pénible. Mais de cette expérience traumatique j’ai compris grâce à mes amis qu’il y a toujours quelque chose de bien à apprendre. Il ne faut pas rester seule face à ses émotions ; en parler, les partager, c’est le moyen de les comprendre, de les accepter, de s’en servir pour améliorer le cours de l’existence.
Je vous embrasse très fort, faites de beaux rêves,
A demain,
Shila