Lettre de Shila : “Les copains d’abord”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Emmanuel me dit que parfois vous fuguez, partez de votre Maison parce qu’il y a quelque chose ou quelqu’un qui ne va pas, et dans ces moments, vos chers éducatrices et éducateurs se font beaucoup de soucis pour vous.

Emmanuel m’a expliqué que très rares sont ces situations où vous ne revenez jamais ; quand vous fuguez, si j’ai bien compris, vous vous absentez pour mieux retrouver le lieu de votre accueil.

Mes chers enfants, je vous comprends. Parfois il faut savoir mettre de la distance pour avancer. Le lien ne se rompt pas, même s’il peut se distendre.

Cela me rappelle une belle chanson, que mon cher voisin Henri aime de temps à temps écouter le soir à la nuit tombée dans son patio. Comme je me pointe dès que j’entends les premières notes de cette chanson, Henri m’a expliqué que cela raconte l’histoire d’un papa qui envoie une lettre à sa fille sans assurance qu’elle la lise ; ce papa n’a pas vu sa fille depuis longtemps et espère qu’il existe encore dans sa mémoire :

Moi, l’éléphante philosophe, me dis que peu importe la fragilité des relations, elles sont comme des lignes qui sont parfois continues, parfois en pointillé, parfois droites, parfois en courbe.

Cela me rappelle une rencontre : je me permets de vous la raconter car je pense qu’elle est intéressante à méditer tous ensemble.

En juillet 2018, je ne me rappelle plus exactement de la date, des personnes marchaient sur le bord de mon petit pré. Comme vous me connaissez, moi l’éléphante curieuse de tout, je suis venue à leur rencontre pour les saluer. Ces humains avaient un large sourire et la tête encore pleine de souvenirs merveilleux. Ils m’ont raconté qu’ils revenaient d’un endroit dans mes montagnes, et ont vécue là-bas une expérience extraordinaire : ils ont sauté dans le vide.

Dans le vide ? Mais ces humains sont fous !

Comme ces personnes voyaient ma confusion, elles m’ont montré le film de ces grands sauts :

Ah, d’accord, j’ai compris. Pas si fous les humains : un élastique permet de revenir sain et sauf une fois la chute accomplie. En fait c’est un peu comme le chat qui va sur la toiture de mon cher voisin Henri :

Grâce à ce fil élastique, vous retombez sur vos pattes comme si de rien n’était. L’imprudence est d’autant plus raisonnable que l’on s’y essaye en confiance.

Henri et Emmanuel me disent que c’est une belle histoire, pleine d’enseignements pour tout le monde. Henri, passionné de tout ce qui roule, m’a raconté que les humains avaient beaucoup réfléchi à cette question, et inventé ce que vous appelez « la ceinture de sécurité ».

Si j’ai bien compris, ce lien qui vous permet d’avancer en camion, en voiture, a eue une histoire mouvementée. Ce n’est que bien après l’invention de cette ceinture que vous vous êtes dit qu’il fallait la rendre obligatoire.

Hummm, je comprends la tension entre liberté et responsabilité, ce n’est jamais évident de trouver l’équilibre.

Emmanuel m’a raconté que, pas loin de chez vous, il y a bien longtemps, un humain a tenté de voler au-dessus de votre mer pour réunir votre pays et celui d’en-face, que vous appelez « l’Angleterre ».

Emmanuel me dit que ce Monsieur, Monsieur Louis Blériot, a dû essuyer de nombreux échecs, la plupart lors de l’atterrissage en Angleterre : si ses envols n’ont pas posé de problèmes, c’est l’arrivée sain et sauf, condition de la réussite qu’il s’était donnée à accomplir, qui l’a souvent contrariée.

Emmanuel m’a aussi raconté qu’en ce moment, le club de football non loin de chez vous est le premier du classement, mais que son entraîneur, Monsieur Christophe Galtier, n’est pas rassuré car il a peur que son équipe se désunisse avant la fin du championnat.

Hummm, je comprends que rien n’est jamais joué d’avance.

Chers enfants, l’important n’est pas de savoir partir, mais de savoir revenir, l’important n’est pas de savoir revenir, mais de savoir partir :

Eléphante philosophe, je me dis que l’imprudence ne rime pas nécessairement avec le danger ; être imprudent, c’est tenter, c’est vouloir découvrir l’aventure de la vie.

Evidemment, on a tous besoin d’être bien accompagné pour que ces expériences oh combien importantes puissent se réaliser dans de bonnes conditions. L’important n’est pas de faire tout et n’importe quoi, l’important est d’être bien entouré à chaque fois pour que cela se vive bien.

Je vous propose cette chanson pour nous en souvenir, et vous embrasse très fort :

A demain,

Shila