Lettre de Shila : “Les dalits”

A l’attention des enfants et des équipes de la part de M. Henri Villeneuve, membre de notre Conseil d’administration.

Henri voisine d’année en année non loin de chez Shila et lui a parlé de vous : Shila est très intéressée et souhaite converser avec vous, malgré sa timidité, tant elle vous apprécie d’ores et déjà selon les  dires élogieux d’Henri.

Etes-vous d’accord pour dialoguer avec cette créature de plusieurs tonnes ?

Henri et Emmanuel, directeur adjoint aux affaires culturelles de notre association, seront vos porte-parole.  Shila vous répondra sans fautes.

Bonjour les enfants,

Comment allez-vous dans cette période spéciale de déconfinement ?? Je sais que vous faites bien attention à vous protéger du virus et que vous suivez rigoureusement les conseils de vos éducateurs.
Pour moi, je suis en fin de période de confinement, j’attends patiemment la marche à suivre, mais je ne suis pas pressée de reprendre le travail !!

Comme je vous l’ai promis, je vais vous parler des dalits, appelés autrefois “intouchables”. Ils ne pouvaient pas toucher les gens des castes supérieures ; ils ne pouvaient pas leur faire la cuisine etc., tout ce qu’ils touchaient devenait impur, pollué !

Au Kerala, dont une partie s’appelait à l’époque le Travancore, ils n’avaient pas le droit d’entrer dans les temples hindous, ni de marcher sur les routes autour des temples, alors qu’ils sont eux même de religion hindoue !!

En 1924 et 1925, les intouchables avec Sree Narayana Guru, qui est lui-même intouchable Irava, avec des militants très engagés, TK Madhavan organisateur, Periyar Ramasamy, tous réformateurs ou révolutionnaires, ont décidé de lutter contre la discrimination des intouchables.
Ils ont organisé une manifestation pacifique, avec désobéissance civile, une satyagraha à Vaikom, ville des backwaters. Leur manifestation a duré 604 jours !! Beaucoup ont été emprisonnés ! Les femmes des militants ont pris leurs places pour manifester.

Mon voisin Henri a retrouvé un vieil article de presse racontant cet incroyable mouvement :

“Le 30  Mars 1924, Satyagrahis par le nom de Kunjappy, Bahuleyan et Venniyll Govinda Panicker marchaient main dans la main vers un tableau d’affichage qui a lu, « Ezhavas et d’autres castes basses sont interdites par cette route. » Les policiers qui patrouillaient sur la route arrêteraient les trois hommes et leur demanderaient leur caste. Kunjappy déclarerait sa caste Pulayan, Bahuleyan affirmerait sa caste Ezhava et Venniyll Govinda Panicker proclamerait qu’il était un Nair. Kunjappy et Bahuleyan se verraient refuser l’entrée en partant du principe qu’ils appartenaient à une «caste inférieure».
Les trois hommes resteraient néanmoins fermes et ils seraient arrêtés. Au fur et à mesure que chaque homme était arrêté, plus de Satyagrahis prendraient leur place, marquant le début du Vaikom Satyagraha: l’une des agitations les plus organisées du Kerala contre l’orthodoxie hindoue de la “caste supérieure” pour garantir le droit civil fondamental des castes marginalisées d’accéder à tous les chemins publics entourant la Temple de Shiva à Vaikom, Travancore.”

Grâce à leur courage immense, les dalits ont pu emprunter les routes autour du temple et entrer ensuite dans le temple de Vaikom.

Je voulais vous raconter cette belle histoire, qui a marqué toute l’Inde, car Gandhi est venu à Vaikom, soutenir le combat des dalits. La méthode non violente est la même qu’il a utilisée contre la colonisation britannique et qui a permis à l’Inde d’accéder à l’indépendance en 1947.

Un grand juriste indien, BR Ambedkar, lui aussi dalit, devenait l’architecte de la constitution indienne, dont l’article 16 abolit l’intouchabilité :

“Tous les Indiens sont égaux devant la loi en vertu de l’article 15 de la constitution indienne qui interdit toute discrimination basée sur la caste, le sexe, le lieu de naissance ou la religion ; et de l’article 16 qui abolit l’intouchabilité. Le père de cette constitution, Bhimrao Ramji Ambedkar, était lui-même dalit.”

Malheureusement c’est loin d’être appliqué !!

Les photos que j’ai choisies pour vous représentent les principaux acteurs de cette grande histoire.

Ce qui me réjouit aujourd’hui, c’est que l’éducation à laquelle ont accès tous les enfants a permise de quitter ce monde injuste et de vivre librement sans être pointé du doigt.

Je vous fais de gros gros bisous et restez toujours vigilants en prenant bien soin de vous.

A demain,

Shila