Lettre de Shila : “Les élections municipales au Kerala en décembre 2020, pour une gouvernance participative”

Chers enfants,

Je sais que vous avez eu, en France, les élections municipales en 2020. Elles ont été perturbées par le confinement dû à ce satané virus. Je sais que, comme en Inde, vous avez le droit de voter à 18 ans.

Nous venons de sortir de ce moment fort, au Kerala, qu’est la campagne électorale suivie de l’élection !! C’était en décembre 2020, il y a un mois.

Je peux vous dire qu’au Kerala, ça fait du bruit, même dans mon petit village, entre les discours, la musique avec les instruments traditionnels, comme les chandas, ces percussions traditionnelles. Beaucoup de bruit et beaucoup d’affichage, avec les candidatures locales très nombreuses, et les logos de chaque parti.

Vous ne serez pas surpris que l’état du Kerala a étonné l’Inde et de nombreux pays par le résultat du vote.

À Thiruvananthapuram (Trivandrum) , la capitale de l’état du Kerala, ville d’un million d’habitants, ville du temple de Sree Padmanabhaswamy dont je vous ai parlé, avec son immense trésor et sa chambre B, toujours fermée.

C’est une jeune femme de 21 ans qui a été élue maire. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article à son sujet :

L’élection d’Arya Rajendran à la tête de la capitale du Kerala suscite l’enthousiasme dans le pays. Cette étudiante a fait campagne sur la santé et l’hygiène, sous les couleurs du Parti Communiste.

C’est la plus jeune femme jamais élue maire en Inde. Et pas dans une bourgade ! Depuis le 28 décembre, Arya Rajendran, vingt et un ans et étudiante en mathématiques, dirige Trivandrum et son million d’habitants, la capitale de l’État du Kerala, à la pointe sud-ouest du pays.

Arya Rajendran n’en est pas arrivée là par hasard. Ses parents sont des membres actifs du Parti Communiste Indien. Lors de ses études, Arya Rajendran s’engage auprès de la branche jeunesse du parti dont elle devient présidente.

Elle se fait connaître dans son quartier en militant pour une meilleure gestion des déchets et l’ouverture d’un centre de santé primaire pour les habitants. Même pendant le Covid, les gens avaient peur de se rendre à l’hôpital. Je veux offrir de meilleurs soins pour tous, explique-t-elle à la TV, peu avant sa nomination.

Les étudiants doivent prendre part à la politique.

Le Parti Communiste a dirigé le Kerala quasi continuellement depuis l’Indépendance de l’Inde. Cet État est aujourd’hui connu pour son taux d’alphabétisation record de 92 % pour les femmes. C’est dans ce bouillon politique et social qu’Arya Rajendran a pu percer.

Des critiques ont cependant été émises au niveau local, lorsque l’idée d’une femme si jeune comme maire de Trivandrum a commencé à circuler. Mais Arya Rajendran a su les faire taire par une impressionnante assurance et détermination.

De tous bords, les médias Indiens saluent aujourd’hui le symbole que représente pour le pays l’élection de cette femme jeune et engagée. Les étudiants doivent prendre part à la politique, affirme Arya Rajendran sur Republic TV, une chaîne très à droite. Nous sommes des êtres sociaux, donc nous devons avoir une opinion sur le futur de notre pays“.

Arya Rajendran étonne en devenant la plus jeune maire d’une municipalité d’un million d’habitants, mais comme nous l’avons évoqué, il y a quelques mois, une autre femme a étonné le monde par sa gestion de la santé face à la Covid-19. C’est Madame Shailaja, la ministre de la santé du Kerala :

K. K. Shailaja est la Ministre de la santé et de la protection sociale au sein du gouvernement communiste du Kerala. Militante au Parti Communiste d’Inde (Marxiste), elle est saluée par la presse internationale pour son leadership dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 au Kerala. Le très sérieux journal d’information britannique The Guardian a fait un article sur sa victoire contre le COVID-19“.

Ce qui est intéressant de mettre en avant c’est d’une part la qualité des responsables politiques et d’autre part le mode de gouvernance qui s’appuie sur les élus locaux.

Le gouvernement du Kerala travaille en lien avec les élus locaux pour faire face au virus, tout en réglant les nombreux problèmes associés, comme celui des migrants venant du Nord de l’Inde et qui se sont trouvés du jour au lendemain sans travail. Le gouvernement du Kerala a demandé au panchayat, de régler les problèmes de nourriture et de logement, ce qui a permis à ces travailleurs de survivre dans la dignité, grâce à l’organisation locale.

Le panchayat est un terme très important en Inde, c’est la gouvernance au niveau du village, dans l’Inde rurale.

Après l’Indépendance, cette volonté est reflétée par l’article 40 de la Constitution de l’Inde, qui dispose que l’État prendra des mesures pour organiser les panchayats et leur accorder les pouvoirs et les compétences nécessaires pour leur permettre de fonctionner comme des entités de gouvernement autonome.”

Plusieurs rapports gouvernementaux sont écrits au sujet des gouvernements locaux en Inde mais il faut attendre 1992 et l’adoption du soixante-treizième amendement à la Constitution pour que la pratique des panchayats soit rendu obligatoire dans tous les États…

En outre, la Constitution reconnaît la possibilité de confier certaines compétences à la Gram Sabha, c’est-à-dire l’assemblée de tous les citoyens du village.

La Constitution prévoit que c’est aux États de décider des compétences des panchayats et des impôts qu’ils peuvent lever, mais leur confie la préparation de programmes pour le développement économique et la justice sociale. Ces programmes sont coordonnés dans chaque district par un comité de planification.

Depuis 1992, chaque état de l’Inde organise la gouvernance de son territoire, autant vous dire que le Kerala a beaucoup travaillé sur cette gouvernance de façon très démocratique.

Dès 1994, le Kerala a fait une première loi, insistant sur la décentralisation et la démocratie locale participative :

Le Kerala est un état dans la partie la plus méridionale de l’ Inde . Le Kerala, avec des indicateurs de développement appréciables comparables à ceux des pays développés, a expérimenté la décentralisation et la démocratie locale participative, visant finalement à réaliser l’objectif constitutionnel d’établir de véritables «institutions d’autonomie locale» depuis la promulgation de la loi Kerala Panchayat Raj et du Kerala Loi sur la municipalité en 1994.

Le Kerala compte 941 panchayats de village (Grama panchayats), 152 panchayats de bloc et 14 panchayats de district; dans les zones urbaines, il compte 87 municipalités et 6 corporations(communautés urbaines) soit un total de 1 200 institutions d’autonomie locale.

La loi du Kerala Panchayat Raj et la loi de 1994 sur les municipalités du Kerala ont été profondément restructurées en 1999 et plusieurs éléments novateurs établissant une base juridique solide pour la mise en place de véritables institutions d’autonomie locale ont été intégrés.”

Le Kerala est un état où la démocratie locale participative est très active, je peux en témoigner, moi l’éléphante très observatrice, et j’en suis aussi très fière car je me méfie de ces gens qui décident seuls et qui perdent la raison, comme on a pu le voir dans un grand pays où le président n’accepte pas l’élection de son successeur !!

Je peux témoigner aussi de la fierté des citoyens qui montrent leur index après avoir voté. En Inde, pour éviter que les gens ne votent deux fois, une encre indélébile est enduite sur le doigt.

C’est l’image classique qui a éclaté à travers le monde à chaque élection générale indienne – des électeurs souriants sortant d’un isoloir, levant un doigt enduit d’encre bleue, l’étalant comme un insigne d’honneur pour avoir voté dans le plus grand exercice démocratique du monde…”

L’encre est essentielle au processus démocratique de la nation. Il est indélébile, évitant ainsi la fraude électorale et le double vote. Dessiné avec un pinceau ou un bâton sur l’ongle et la cuticule de l’index de la main gauche, il est conçu pour durer des semaines, jusqu’à ce qu’un nouvel ongle pousse.

L’entreprise publique Mysore Paints & Varnish fabrique de l’encre, basée sur une formule chimique secrète, depuis 1962, lorsque, dans la perspective du troisième général après l’indépendance, la Commission électorale a demandé à l’entreprise de fabriquer une encre qui pourrait ne pas être frotté ou lavé… Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article qui raconte cette histoire :

Je ne sais pas quelle est la formule secrète moi-même!” a déclaré le directeur général de Mysore Paints & Varnish, le Docteur Chandrashekhar Doddamani. “Je n’ai pas le droit de savoir. Seuls deux de nos chimistes à un moment donné connaissent le secret et le transmettent à leur retraite”. Est-il conservé dans un coffre-fort, comme la formule Coca Cola? “Non, pas un coffre-fort, mais seuls deux de nos chimistes savent où il se trouve”, a-t-il déclaré.”

Gouverner, chers enfants, est un art. Mon petit pays à la chance d’avoir des citoyens très cultivés et aussi très engagés pour bâtir une société où la santé, l’éducation et le bien-être sont des priorités. La constitution de l’Inde, suite à son 73e amendement de 1992, a permis à chaque état de s’organiser. Le Kerala a fait le choix de faire participer ses citoyens à la construction d’une société où il fait bon vivre ensemble, entre les humains et aussi les éléphants.

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila