Lettre de Shila : “Les forêts tropicales du Kerala”

Chers enfants,

Emmanuel et Henri m’ont dit que le thème de votre saison culturelle est l’arborescence. Quelle belle histoire de cet homme qui plantait des arbres, après avoir choisi les meilleurs glands, il a fait pousser dix mille chênes. Quel beau conte de votre écrivain Jean Giono !!

Il me fait penser à nos amis du Kerala, Abdul Kareem qui a fait grandir sa forêt et Plavu Jayan avec ses milliers de jacquiers plantés dans l’espace public.

Bien sûr, votre thème ne peut que m’intéresser, dans la mesure où les arbres et la forêt sont toute ma vie. Je suis née dans la forêt et mon travail est au milieu des arbres. Et comme je vous le disais la semaine dernière, j’ai le cœur brisé de voir tomber de grands et beaux arbres destinés à faire des meubles.

Les forêts tropicales (rainforest) et sempervirentes (toujours vertes), forêts à feuilles persistantes, du Kerala sont exceptionnelles de par leurs diversités, elles couvrent une grande partie de mon petit état.

Henri me dit qu’il est toujours admiratif lorsqu’il voit ce pays arboré vu de l’avion avant d’atterrir à Cochin.

Mais qu’est-ce qu’une forêt tropicale :

Une forêt tropicale est une zone de grands arbres principalement à feuilles persistantes et de fortes précipitations de pluies.

Les forêts tropicales sont les plus anciens écosystèmes vivants de la Terre, certaines ayant survécu sous leur forme actuelle pendant au moins 70 millions d’années. Elles sont incroyablement diverses et complexes, abritant plus de la moitié des espèces végétales et animales du monde, même si elles ne couvrent que 6 % de la surface de la Terre. Cela rend les forêts tropicales étonnamment denses en flore et en faune ; une parcelle de 10 kilomètres carrés peut contenir jusqu’à 1 500 plantes à fleurs, 750 espèces d’arbres, 400 espèces d’oiseaux et 150 espèces de papillons.”

Les forêts tropicales, dans le Kerala, bénéficient de nombreux mois de pluies, avec la mousson de juin à septembre (mousson de sud-ouest) et la mousson d’automne d’octobre à novembre (mousson de nord-est).

Tout pousse chez moi, les épices, les plantes médicinales pour l’ayurveda, les arbres en quantité, c’est pour cela que le Kerala est appelé “God’s Own Country” :

Le Kerala dans la région du sud-ouest de l’Inde est souvent désigné comme le propre pays de Dieu. Cette belle terre est appelée à juste titre le paradis, en raison de ses paysages verdoyants et luxuriants et de ses plages cristallines qui vous laisseront bouche bée. Doté d’une beauté naturelle et d’une diversité écologique, le Kerala a beaucoup à offrir…

En plus de son littoral, de ses backwaters, de sa nourriture délicieuse, de ses traditions intemporelles, il a ses forêts :

Le Kerala abrite le parc national du tigre de Periyar, la réserve d’Eravikulam, le parc de Silent Valley, le sanctuaire de faune de Chinnar et la réserve de Wayanad, où l’on peut visiter et voir la riche flore et la faune. En fait, le Kerala possède plusieurs stations de montagne populaires comme Munnar, Wayanad , Ponmudi entre autres, qui vous rapprochent de la nature.”

L’histoire de ses forêts est aussi une histoire de surexploitation au cours des derniers siècles, comme je vous l’écrivais la semaine dernière, très bien expliqué par Monsieur Pouchepadass, dans son étude très détaillée.

Bien sûr que la forêt a beaucoup diminué, au cours des années, mais aujourd’hui il faut dire que, depuis près de cent ans, un ensemble de lois, en Inde, contribue à la conservation des forêts, à la protection de la faune et de la flore et aussi des tribus, les adivasis, habitants de la forêt (Loi de 2006 sur les tribus répertoriées et autres habitants traditionnels des forêts (reconnaissance des droits forestiers)).

Il faut aussi souligner le travail sans fin des militants et des habitants qui doivent veiller à ce que les lois soient appliquées. Ce sont les adivasis qui comme les autres habitants de nos forêts, les éléphants et tous les animaux qui sont menacés lorsqu’il y a des coupes dans la forêt.

Il existe heureusement aujourd’hui de nombreuses aires protégées au Kerala, réserves de biosphères, parcs nationaux, sanctuaires de la faune et réserves de forêts…

Mes cousins, éléphants sauvages, dans le sanctuaire de la faune de Muthanga vivent protégés mais le département des forêts autorise des visites pour les observer de près, emmenant les touristes en jeep dans la forêt, pour les observer.

Je comprends que ce genre de visites agace profondément mes cousins, Kuttan m’a montré une vidéo où une troupe d’éléphants se sont mis en colère après des visiteurs un peu trop insistants.

Pas très loin de Muthanga, où vous avez cette forêt protégée, sanctuaire pour les éléphants, vous avez le sanctuaire botanique de Gurukula, qui est l’exemple de ce que vous avez le projet de faire à la ferme de Bertinghen.

Ce sanctuaire a été créé par un botaniste allemand, Mister Wolfgang Theuerkauf en1981 ; un lieu d’immense importance mondiale pour la conservation et la diversité biologique selon l’Unesco :

« M. Theuerkauf a établi un petit ashram à Alattil et a créé le sanctuaire en tant qu’arche de Noé pour les plantes endémiques sur 50 hectares en 1981. Le botaniste était connu pour ses travaux liés aux activités de restauration de la forêt tropicale, en particulier dans la forêt de Mukkuruti au Karnataka.

Il a été le pionnier de la conservation des plantes menacées, de l’agriculture biologique et des mécanismes d’énergie alternative. En 1981, M. Theuerkauf est devenu citoyen indien et a épousé Leela, une femme malayali de Periya.

Le sanctuaire est un trésor pour les chercheurs, les photographes de la nature et les botanistes du monde entier. »

C’est incroyable, chers enfants, de voir comment des gens passionnés, comme Mister Theuerkauf, peuvent, par un travail sur plusieurs dizaines d’années, faire revivre une forêt tropicale qui avait été démolie par les coupes à blancs et dont le terrain était devenu stérile.

C’est pourquoi je reste confiante, tant que nous verrons ces initiatives et bien sûr je sais que, de votre côté, vous allez réaliser une belle forêt, où les oiseaux feront leurs nids, chanteront…

Où des fleurs feront leur apparition…

À l’exemple de Mister Theuerkauf et du berger de Jean Giono, semant les chênes, vous devenez les jardiniers du monde. Je vous admire.

Je vous fais de gros bisous,

A demain,

Shila