Chers enfants,
En novembre dernier, suite à la fête de l’armistice, commémorant la fin de la première guerre mondiale, en 1918, guerre qui avait fait entre 10 et 20 millions de morts, je vous écrivais plusieurs lettres :
J’évoquais la mémoire de ces soldats indiens, engagés dans ce conflit, qui ont sacrifié leur vie en France et en Belgique pour défendre votre pays.
Certains d’entre eux reposent dans le cimetière de Saint Martin Boulogne (cimetière militaire de Meerut), tout près de vos maisons, ce lieu qui est aujourd’hui un havre de paix, d’une grande beauté. D’autres reposent au cimetière militaire d’Étaples, à une vingtaine de kilomètres de chez vous.
À Étaples, comme à Boulogne, il y avait des camps et hôpitaux militaires britanniques où étaient soignés les soldats britanniques et les soldats du Commonwealth :
“Devant Arras et Boulogne-sur-Mer, Étaples est sans conteste le principal lieu de cantonnement des troupes britanniques dans le Pas-de-Calais durant la Grande Guerre.
Créé en 1915, il est célèbre pour avoir été le plus grand camp militaire britannique jamais établi hors des frontières de l’Empire et le plus grand camp de France (sa superficie atteint 12 km²).
De 1915 à la fin du conflit, on estime qu’environ deux million d’hommes et de femmes sont passés par ses aires d’entraînement ou ses hôpitaux. En 1917, les ressources du camp sont à leur niveau maximum et il contient alors 100 000 personnes, toutes nationalités confondues.”
Fin 1916, début 1917, “plus d’une centaine de personnes du camp d’Étaples souffrent d’une maladie inhabituellement mortelle présentant des symptômes respiratoires complexes. Des cas similaires apparaissent à Aldershot (sud de l’Angleterre). Mais à ce moment-là, l’infection est jugée mineure.”
Cette infection, jugée alors mineure, est la grippe espagnole qui va faire plus de de cinquante millions de morts dans le monde, en 1918 et 1919.
Quand on me dit que l’histoire se répète, qu’elle bégaie, chers enfants, je constate que mon pays l’Inde, qui paye aujourd’hui un lourd tribut à la maladie du Covid-19, a payé aussi le plus lourd tribut à la grippe espagnole à la fin de la 1ère guerre mondiale.
L’Inde est le pays qui a eu le plus grand nombre de victimes de la grippe espagnole appelée la “grande tueuse”, entre 18 et 20 millions de morts !
Est-ce que les soldats indiens rentrant de la première guerre mondiale, venant d’Étaples, de Boulogne-sur-mer, du Nord de la France ont été porteurs du virus, personne ne peut vraiment le dire, mais c’est incroyable comment le virus a touché le monde entier qui sortait affaibli de la guerre.
D’ailleurs, chers enfants, pourquoi l’appelle-t-on la grippe espagnole ??
C’est, m’a-t-on dit, parce que l’Espagne, pays neutre pendant la première guerre mondiale, ne connaissait pas la censure et a été le premier pays à parler de ce virus qui allait devenir le vecteur de cette pandémie meurtrière :
« De la censure militaire qui régnait dans les pays en conflit. Pour ne pas miner le moral des civils, mais aussi pour ne pas renseigner l’ennemi, les militaires ont censuré la presse. La pandémie avait un nom de code : la « maladie onze ». L’Espagne, quant à elle, était un pays neutre, non soumis à la censure. Le roi d’Espagne a lui-même été touché et la presse ibérique a donné un vaste écho à l’épidémie. Les médias européens et nord-américains se sont alors mis à parler de « grippe espagnole ». Très vite, cependant, les médecins ont dit que cette pandémie ne provenait pas plus d’Espagne que d’ailleurs.
Selon des chercheurs américains, le virus de 1918 (H1N1) était d’origine aviaire, probablement venu de Chine, et s’est adapté à l’homme.
L’histoire semble se répéter, en effet, un virus qui part de Chine, qui touche les Etats-Unis, dans une base militaire du Kansas et le camp militaire d’Étaples, il y a de quoi perdre mon “sanskrit” !!
Quoiqu’il en soit, ce sont les pays les plus peuplés qui ont eu les plus grandes pertes :
“Selon l’historien Niall Johnson qui se fonde sur la fourchette basse, les plus grandes pertes ont touché l’Inde (18,5 millions de morts, soit 6 % de la population), la Chine (4 à 9,5 millions de morts selon les estimations, soit 0,8 à 2 % de la population), l’Europe (2,3 millions de morts en Europe occidentale, soit 0,5 % de la population) et les États-Unis (entre 500 000 et 675 000 morts, soit 0,48 à 0,64 % de la population américaine).”
C’est vraiment, un siècle plus tard, une répétition dramatique qui se vit aujourd’hui chez moi, en Inde et dans le monde, avec malgré tout, la découverte rapide des vaccins qui vont limiter les pertes humaines, du moins, je l’espère.
La pandémie s’est très vite propagée :
“Le COVID-10 et la grippe espagnole ont tous deux frappé un monde extrêmement connecté et globalisé où les virus voyagent facilement par bateau, par camion et par train ou – aujourd’hui – par avion. L’année 1918 étant la dernière année de la Première Guerre mondiale, les mouvements de troupes et de réfugiés ont été un important facteur de propagation du virus. En 2019-20, les voyageurs d’affaires et les touristes ont été les principaux porteurs.”
De même elle touche gravement les populations les plus vulnérables :
“En 1918-19 comme aujourd’hui, les plus pauvres et les plus vulnérables, qui vivent souvent dans des situations de promiscuité, avec des emplois peu rémunérés et pas ou peu d’accès aux soins de santé, ont été les plus exposés à l’infection. Ce sont également eux qui ont le plus souffert des mesures de confinement drastiques et qui ont couru un risque particulièrement élevé de perdre leur vie ou leurs moyens de subsistance.”
Il m’est encore difficile d’être optimiste aujourd’hui, chers enfants, et de vous faire rêver, mais mon pays malheureusement vit aujourd’hui un véritable cauchemar.
Mais je garde toujours espoir, la musique est aussi un moyen de nous aider :
Je vous fais de gros bisous et prenez bien soin de vous,
A mardi,
Shila