Lettre de Shila : “L’Inde des Lumières”

Bonjour chers enfants, hier je vous souhaitais un joyeux Diwali ; c’est beau toutes ces bougies allumées n’est-ce pas ?

En France, me dit Emmanuel, l’ami de mon cher voisin Henri, existe aussi chaque début décembre une grande fête annuelle à Lyon, qui s’appelle La fête des lumières, et durant laquelle les habitants posent sur le rebord de leurs fenêtres des bougies pour éclairer leur rue à l’attention des badauds.

Malheureusement, cette grande fête qui rassemble plus d’un million de visiteurs et qui est, me dit Emmanuel, un évènement devenu réputé au-delà de vos frontières, ne pourra avoir lieu cette année en raison de ce satané virus.

Je constate que fêter la lumière a beaucoup d’importance pour vous les humains. Emmanuel me dit que ce fut au point d’intituler un siècle de votre Histoire de France : le siècle des Lumières.

C’était il y a trois cents ans : Ouille ouille ouille, c’est bien loin de nous tout ça. Et pourtant, me dit Emmanuel, ce fameux siècle continue aujourd’hui à faire parler de lui, car, si je comprends bien, c’est le moment où en lettres, en sciences, en mathématiques, il y a eu de grandes révolutions d’idées. Beaucoup de personnalités de votre pays réfléchissaient à l’époque au statut de ce qui est vrai, de ce qui est faux.

Dans mon pays, comme je vous l’ai raconté, il y a eu aussi de très grands penseurs plein de sagesse :

Mais, à la différence des français, les indiens ne sont pas venus jusqu’à chez vous pour essayer de vous convaincre qu’ils avaient raison à propos de ce qui serait vrai ou faux. Moi, l’éléphante curieuse, je trouve cela étonnant que des personnes fassent des milliers de kilomètres pour tenter de convertir d’autres personnes à des nouvelles idées qui ne sont pas les leurs.

Vous vous rendez compte chers enfants ? Quelle aventure incroyable, interminable, dangereuse devait être celle de vos ancêtres parcourant la Route des Indes afin de venir jusqu’à mon pays.

Cet effort surhumain pour venir de chez vous à chez moi, voici trois cents ans, explique je pense que ce ne fut pas seulement au nom de ses idées que le Siècle des lumières français est venu ici.

Emmanuel m’a dit que j’avais raison (Youpi !) et m’a raconté que vos grands voyageurs sont d’abord arrivés dans mon pays pour le commerce, pour les immenses richesses matérielles de mon continent. Emmanuel m’a signalé à presque cinq cents kilomètres de chez moi une ville indienne, nommée Pondichéry, qui fut le haut-lieu de l’implantation des marchands français.

L’arrivée régulière des bateaux et personnes françaises sur les rivages de mon pays voici trois cents ans, ce n’est donc pas tant l’histoire d’une rencontre entre deux peuples au nom d’une idée supérieure de la vérité qui serait bonne partout et tout le temps où que l’on vive.

Emmanuel me dit qu’il faut quand même nuancer cette observation, et m’a recommandé pour vous un livre qui montre qu’il y a quand même eu durant ce Siècle des lumières des influences de la pensée indienne sur la pensée française, et de la pensée française sur celle de mon pays.

Emmanuel m’a envoyé pour vous un article qui résume bien ces rencontres à l’époque de l’Inde des Lumières, tour à tour époque d’échanges équitables entre votre pays et le mien, puis de rapports de domination de la France sur le mien, puis finalement de relations apaisées enrichissant les deux cultures :

« L’engagement historique de l’Inde avec la France peut être compris à travers le prisme des voyageurs aventureux, des colonisateurs, des soldats et des citoyens ordinaires. C’est au XVIIe siècle qu’un gentleman français du nom de François Bernier visita l’Inde et devint le médecin de l’empereur moghol Aurangzeb, entre autres. Il a ensuite documenté sa vie dans le livre intitulé « Histoire de la dernière révolution des états du Grand Mogol », et l’a publié à Paris en 1670-1671. Ce livre connu sous le nom de « Voyages dans l’Empire moghol » a donné une description poignante du séjour de Bernier en Inde et de ses rencontres avec les Indiens locaux. Il était un grand voyageur et a vécu en Inde pendant douze ans, visitant même la région du Cachemire pendant son séjour. Un autre nom qui fait le tour des discussions sur les relations historiques de l’Inde avec la France est celui de Jean Baptiste Tavernier dont les « Six Voyages » continuent d’engager les lecteurs jusqu’à ce jour. Ces voyageurs nous donnent un aperçu clair de la vie que les gens ordinaires menaient à l’époque médiévale en Inde.

Présence coloniale française :

Les siècles suivants ont vu les Français entrer en Inde en tant que colonisateurs et combattre les guerres carnatiques massives (1746-1763) avec les Britanniques. Les guerres carnatiques peuvent être qualifiées de « guerres par procuration » entre deux puissances coloniales montantes pour la suprématie régionale. Finalement, Lord Clive et les Britanniques ont réussi en Inde et la sphère d’influence française a été limitée à quelques régions du pays comme Pondichéry, Karikal, Chandannagar et Mahe. L’engagement entre l’Inde et la France dans cette phase peut être qualifié de relation où « l’orient rencontre l’occident » et la curiosité pour la culture de l’autre grandit rapidement entre les deux pays. »

Mes chers enfants, quel voyage mouvementé à travers le temps de nos deux continents. Je vois que réfléchir à ce qui est vrai, à ce qui est faux, à ce qui est bien, à ce qui est mal, à ce qui fait gagner de l’argent, à ce qui ne le fait pas, mobilise les humains dans le monde entier, créant des rencontres parfois malheureuses, parfois heureuses.

Emmanuel me dit qu’il y a un proverbe chez vous, qui dit : « Chacun voit Midi à sa porte ». J’ai cru comprendre que cela signifie qu’il n’y a pas de vérité unique pour faire un Monde.

Vivent les vérités de chacune et chacun !

Vive la capacité de faire dialoguer les vérités des uns et des autres !

Vive l’envie d’examiner toutes vérités avec un œil curieux mais pas dupe !

Je vous embrasse très fort,

A demain,

Shila