Lettre de Shila : “L’objet de nos attachements”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ?

Emmanuel me dit que, dans vos chambres, vous avez souvent votre doudou préféré. Je ne sais pas ce que c’est qu’un doudou, j’ai crû comprendre que c’est un objet qui vous permet de vous sentir bien. J’en suis heureuse chers enfants, faites un gros bisou à vos doudous de ma part.

Maintenant que j’y réfléchis grâce à vous, je me dis que tout le monde a besoin de se rassurer. Cette semaine, je vous ai parlées des métamorphoses et des catastrophes. Je pense que j’étais inspirée par l’actualité de mon pays, qui a conscience des problèmes et se bat pour trouver des solutions même si cela n’est pas facile.

Il faudrait un doudou pour chacune, chacun, mais bon, cela concerne des milliards de personnes, humains, animaux, plantes, sols ; je ne sais pas si on pourrait fabriquer des doudous qui plaisent à chacune, chacun. C’est énorme.

Henri et Emmanuel m’ont expliqué qu’au-delà des doudous, les humains avaient réfléchi à ce besoin de tous à s’accrocher à quelque chose pour avancer dans la vie, malgré la difficulté. Cela s’appelle, si j’ai bien compris, la résilience.

Ainsi de ces mamans éléphants et de leur cornac, qui ont réussi à sauver des bébés mal embarqués. Je me dis que toutes et tous, quel que soit l’âge, animaux, humains, pouvons être marqués par cette épreuve :

Ah, que j’ai aimé ces mamans éléphantes : elles expriment leur sentiment maternel avec tant de force. Cela me touche beaucoup.

Il me faut vous expliquer que, contrairement à ces familles, je n’ai pas connu ma maman, mon papa. Je fais partie de ces éléphants kidnappés à leur naissance pour servir les humains.

Ce n’est pas facile à vivre.

Cela ne me console pas, mais Henri m’a expliqué que je ne suis pas la seule dans ce cas-là, et que des humains se sont organisés pour essayer de remplacer la maman éléphante absente auprès des bébés éléphants :

Si je n’ai pas connu cette Lady, Miss Sheldrick, mon cœur d’éléphante sans parents me porte à lui dire merci. On a tous besoin de câlins pour bien grandir.

Moi, j’ai eu la chance d’être confiée à mon cher Kuttan, et puis Henri et sa famille viennent souvent me voir et cela me fait plaisir.

Henri et Emmanuel me disent que vous autres, les humains, considérez les éléphants comme de grands amis des bébés. Beaucoup de parents mettent dans leur couffin des représentations de nous, et les bébés humains nous font très vite de gros câlins.

Ah, que je suis étonnée, mais en même temps heureuse que nous autres, les éléphants, puissions être des potes des bébés de vous autres, les humains.

Emmanuel m’a expliqué que les peluches d’éléphant dans les couffins sont très importantes pour l’éveil des bébés. Si j’ai bien compris, cela permet aux petits d’hommes de s’éveiller, de commencer à grandir en se pensant où qu’ils soient en sécurité. Henri et Emmanuel me disent que ces peluches sont des « objets transitionnels », terme inventé par Mister Winicott pour souligner leur importance en tant qu’objets d’attachement pour les petits êtres.

Je ne le savais pas : Henri m’a expliqué aussi que Mister Winicott s’est beaucoup inspiré d’un penseur de notre pays, Rabindranath Thakur, pour réfléchir à l’importance des doudous.

J’en suis ravie.

Emmanuel me dit que même à l’âge adulte, des humains ont besoin d’objet pour se sentir en sécurité, capable d’aller en confiance vers les autres :

C’est au point, me dit Henri, que des humains pensent que vos téléphones personnels, dont vous vous servez si souvent quel que soit l’âge, peuvent être considérés aussi comme des doudous.

Et bien chez enfants, je comprends que ces choses en peluche ou à écran sont bien importantes pour être en lien. Même s’ils furent d’une grande importance, n’oublions pas de nous en défaire ; ils sont certes des amis pour grandir mais vient un moment où la séparation est nécessaire pour devenir libres de conscience. Je vous envoie cette peinture, de Monsieur Kandinsky. On y voit la féérie de l’enfance, et son héros qui prend le parti d’aller bien haut dans le ciel malgré des astres peu engageants :

Je vous embrasse très fort,

A lundi,

Shila