Lettre de Shila : “Nos racines communes, le monde paysan et artisan en Inde comme en France”

Chers enfants,

La ferme de Bertinghen, où vous avez votre salle de théâtre dans l’ancienne porcherie et où se situent la maison des enfants du théâtre et du cirque et la maison vive, est un bel exemple de nos racines rurales. Vous pouvez voir vos voisines, les vaches brouter dans la prairie devant vos maisons.

Ah, la vie à la ferme, quel bonheur, je vous en parlais dans une de mes dernières lettres :

Comme je le vois, que ce soit chez moi, en Inde, où je suis appelée pour tirer les arbres dans la ferme à mon voisin Joy, et en France où Emmanuel, Claire, Armelle, Henri et beaucoup d’autres sont si heureux de se rappeler leurs liens au monde paysan et artisan.

C’est incroyable les points communs qui nous rassemblent, à 8000 kilomètres de distance.

Je sais que vous êtes en train de finir une charrette médiévale, et que des charrons vont vous aider à faire les roues. J’adore observer ces charpentiers de marine qui fabriquent les pirogues et les kettuvallam (bateaux maison) dans les backwaters a vingt kilomètres de chez moi.

Nos racines rurales sont vraiment la réalité, je regrette de ne pas avoir connaissance de mes racines, je sais que ma mère et ma grand-mère vivaient dans la montagne du Kerala et que c’étaient des fortes personnalités, car c’est la grand-mère éléphante qui dirige la famille.

Je sais que chez les humains, vous vous intéressez à connaître votre généalogie, Henri m’a dit que son cousin a fait l’arbre généalogique de sa famille paternelle et qu’il est remonté jusqu’à son ancêtre Pierre, né en 1581 !!

C’est incroyable le travail que son cousin a fait en allant fouiller ainsi les archives !!

En Inde, c’est quasiment impossible, car l’état civil n’existe que depuis peu.

Pour Joy et sa famille, on n’a que la mémoire des anciens qui se transmet oralement, donc il est difficile de remonter, avec précision, à plus de deux ou trois générations.

Notre ami Emmanuel a trouvé un bel article sur le travail de Danièle Godard-Livet sur la généalogie de sa famille.

Son histoire éclaire nos histoires, Henri me disait que sa famille n’a pas bougé de 1581 jusqu’à la moitié du vingtième siècle. Tous restaient dans un rayon de 10 kilomètres.

Ici au Kerala, c’est un peu la même chose, les familles bougeaient peu, hormis certains hommes qui sont partis, il y a longtemps, travailler très loin, dans les plantations de sucre ou autres, à la Réunion, à l’île Maurice ou aux Antilles…ou encore, au siècle dernier, certaines familles migraient pour défricher et cultiver dans la montagne ou vers le nord du Kerala.

J’ai su aussi qu’un très beau documentaire a été fait par la télévision française sur les paysans et le siècle de bouleversements qui vient de s’écouler, parlant de la vie à la dure, de joies simples et parfois de tragédies… Tout ce qui a été vécu par des générations pour se nourrir et nous faire vivre.

C’est vraiment un documentaire qu’il faut voir, si vous en avez l’occasion. Vous comprendrez mieux cette histoire de ceux qui nous ont précédé.

En Inde, nous avons encore la moitié de la population qui vit de l’agriculture.

La vie dure et le combat pour vivre de leur travail, je vous en ai fait part lors d’une de mes lettres :

Quoiqu’il en soit, je suis fière d’être une éléphante ouvrière forestière et agricole, car je contribue au bien commun et me réjouis de faire partie de cette grande lignée enracinée dans la terre.

Je vous fais de gros bisous et surtout prenez soin de vous.

A demain,

Shila