Lettre de Shila : “Que voyons-nous ?”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Hier matin, alors que je gambadais dans mon petit pré pour saluer mon cher Kuttan qui m’apportait mon petit-déjeuner, j’ai trébuché sur un tronc d’arbre posé la veille pour rallier la scierie de mon petit village.

Ouille ouille ouille, ma patte gauche n’a pas su éviter cet obstacle inattendu : je vous avoue que ce matin j’ai un peu mal à mon extrémité, côté dessous mon ventre en bas à gauche.

Mon cher Kuttan, toujours à mes côtés, mon soigneur, mon compagnon de tous les instants, a vu ma trompe aller et venir plus que de raison, mes oreilles se rétracter sur mes flancs (signe que je ne suis pas contente), et mes allées et venues dans le petit pré plus agitée qu’à l’accoutumée.

Kuttan aidé du médecin, m’a appliqué sur ma patte douloureuse des plantes médicinales :

Je me sens beaucoup mieux, merci Kuttan, merci Mister Doctor 😊

Par contre, je ne comprends toujours pas comme je n’ai pu voir ce tronc d’arbre contre lequel j’ai butté.  Saperlipopette ! Je connais par cœur mon petit pré, et là je n’ai rien vu arriver.

Grrr, Shila, tu ferais bien d’ouvrir grands tes yeux.

Excusez-moi les enfants pour cet incident ; je dois avouer qu’une fois brouté mon petit-déjeuner, me prennent des envies de m’assoupir sans doute parce que je digère doucement les mets succulents apportés par Kuttan.

Mon cher voisin Henri, qui lisait dans son patio les journaux du monde entier en fumant sa bidî, a vu que je trébuchais contre l’arbre et sursautais de douleur. Henri a rejoint aussitôt Kuttan et le médecin, pour voir si ce n’était pas grave.

Comme j’étais fâchée contre moi-même pour n’avoir pas vu l’obstacle dans mon petit pré, et avoir barri de douleurs moi qui n’aime pas embêter les voisins, Henri m’a expliqué que d’après les humains, nous autres les éléphants n’avons pas une très bonne vue.

Henri, Kuttan et le médecin me disent que si les éléphants ne voient pas beaucoup, les oreilles, la trompe, la bouche, sont nos meilleurs organes pour sentir et ressentir ce qui se trouve autour de nous.

Humm, d’accord chers enfants : moi l’éléphante n’y voit que pouic, mais sais entendre, renifler et goûter bien plus que d’autres animaux et que vous autres, les humains.

Ces nouvelles réconfortantes m’embarrassent un peu quand même ; comment vais-je faire pour mettre au dessin, à la peinture, avec des yeux si limités par nature ? Vous savez que je rumine l’espoir de me mettre à ces activités picturales, tant j’aime la couleur, et suis intriguée par les humains qui régulièrement dessinent devant moi :

Mais, nous, les animaux, voyons-nous bien les formes, les couleurs, les mouvements ? C’est vrai quoi, il faut un monde de couleurs, de mouvements, de formes, pour faire un monde.

L’ami médecin de Kuttan, qui était venu pour me soigner, m’a raconté que l’état des connaissances des humains à propos de ce que peuvent voir ou ne pas voir les animaux, est encore en développement.

Si j’ai bien compris, les grenouilles, les mouches, les oiseaux, les serpents sont les animaux qui discernent le mieux ce qu’il se passe autour d’eux. Pour la question de savoir quels animaux voient telle ou telle couleur, cela reste discuté.

Il y aurait des animaux qui voit telle couleur, d’autres animaux telle autre : c’est compliqué me dit mon médecin.

Hummm très intéressant chers enfants n’est-il pas ?

La question de savoir ce que nous voyons est alambiquée. Tantôt untel voit ceci avec précision, tantôt tel autre au même moment voit autre chose avec tout autant de précision ; tout est question de ce que nous pouvons voir…

Je demande de ce pas à Kuttan de me commander des lunettes, afin de pouvoir voir comme lui, Henri, mon médecin, et comme vous autres les humains.

A demain chers enfants,

Bisous,

Sila