Chers enfants,
Il y a juste une année, je profitais du premier confinement pour entrer en lien épistolaire avec vous et je profitais de votre confinement pour avoir des échanges avec plusieurs d’entre vous, et particulièrement avec la maison du cirque.
Je vous expliquais ma vie d’éléphante à Kurichithanam, au Kerala, et celle de ma famille, de mes cousins qui vivent dans la montagne des western ghats, à 100 kms de chez moi, ainsi que la vie de mes frères qui sont attachés au service des temples.
Le rapport entre les éléphants et les humains est parfois compliqué, comme j’ai pu vous l’expliquer. De mon côté, vous savez que je suis plutôt gâtée par Kuttan, qui est très attentif à moi.
Le virus Covid-19 n’a pas touché les éléphants directement, mais il a sérieusement modifié l’activité humaine.
Les fêtes des temples, où les éléphants sont en vedette, ont été annulées.
Le plus grand festival hindou du Kerala, la fête de Pooram à Thrissur, qui devait avoir lieu le 3 mai 2020, a été annulé.
Il en est de même pour les montagnes du Kerala où vivent mes cousins, la baisse importante du tourisme a eu pour conséquence directe le retour des éléphants sauvages dans les zones où ils se promenaient autrefois librement.
La diminution de la circulation automobile, de la présence humaine même à Munnar, a incité quelques uns de mes cousins, dont les noms sont connus, Padayappa, Ganesham, Hosekombam, Sugunam et Arikombam à visiter la ville et les environs dans le but de chaparder des fruits, du riz et de visiter les magasins…
Je vous fais remarquer que tous mes cousins sont nullement agressifs, mais très heureux de ces espaces momentanément retrouvés. Quoi qu’il en soit cela n’améliore pas les relations entre les les humains et ma famille. L’état du Kerala rembourse cependant les frais causés par les incursions de ces beaux mâles éléphants.
Loin de chez moi, en Afrique, j’ai entendu parler de ces éléphants sauvages qui vivent en bon voisinage avec un hôtel voisin, venant en visite amicalement pour y déguster quelques mangues sur l’arbre au moment des fruits.
Ils traversent l’hôtel et se rendent gentiment dans le jardin sous le manguier :
À 2000 kms de la Zambie, nous avons le Kenya où la situation de mes cousins s’est beaucoup améliorée, en trente ans, la population des éléphants a doublé, suite à une protection contre les braconniers et à la lutte contre le commerce de l’ivoire.
En 2020, il y a eu de nombreuses naissance d’éléphanteaux, cela n’a rien à voir avec la Covid-19, car il faut 20 mois de gestation pour un petit éléphant, mais en 2018, la saison des pluies a été abondante et généreuse, et aurait eu un impact sur la vie des éléphants :
“Plusieurs parcs kényans enregistrent des records de natalité cette année, selon France Info : plus de 170 éléphanteaux sont nés, par exemple, pendant les trois premiers trimestres de 2020 rien qu’à Amboseli, le parc situé au pied du Kilimandjaro. Il y a deux ans (le temps de gestation chez les éléphants), le pays a connu des pluies abondantes, la végétation s’est densifiée et les femelles étaient donc en meilleure forme pour mener à terme leurs grossesses. Et comme une bonne nouvelle arrive rarement seule : les autorités ont annoncé que la population d’éléphants du pays avait doublé en trente ans, se portant aujourd’hui à 34 000 individus. De bons résultats obtenus grâce à la lutte contre le braconnage, alors que l’espèce, chassée pour son ivoire, était en voie d’extinction sur le territoire national.”
Vous comprenez, chers enfants, pourquoi je me réjouis de toutes ces bonnes bonnes nouvelles, mais il y a encore du travail à faire pour améliorer nos conditions de vie et j’ai su que chez les humains nous avons des militants qui luttent pour notre cause.
Sangita Iyer en est un parfait exemple : cette journaliste indo-canadienne, née au Kerala, réalise des documentaires où elle plaide pour la conservation de la faune et faune , en particulier pour les éléphants sauvages et contre les mauvais traitements infligés aux éléphants dans les temples.
Sangita Iyer, bien sûr, ne se fait pas que des amis en critiquant les propriétaires d’éléphants, mais son action et celle de nombreux militants de la cause animale amènent quelques changements.
Des centres de soins et de cure pour les éléphants ont été créés dans le sud de l’Inde, au Tamil Nadu et au Kerala. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article racontant ce havre de paix :
“La clinique où les éléphants des temples indiens viennent récupérer :
De nombreux temples en Inde gardent des éléphants car ils sont considérés comme sacrés.
Les fidèles recherchent des bénédictions de leur part. Ils sont également tenus de participer aux rituels du temple.
Mais les militants disent que garder les animaux loin de leur habitat naturel les stresse.
Aujourd’hui, un «camp de rajeunissement», le premier du genre en Inde, a été mis en place dans l’État du Tamil Nadu pour choyer les éléphants avec leur nourriture préférée et leurs bains relaxants“.
Au Kerala, depuis février 2021, se met en place le plus grand centre au monde, de soins et de cure pour les éléphants à Kottur, près de Thiruvananthapuram. Ce centre est reparti sur 176 hectares de zone forestière, il peut accueillir pour une cure 50 éléphants et plus de 250 humains y sont employés pour nous soigner !!
Je suis partante pour y aller en cure.
Une autre bonne nouvelle, en ces moments de pandémie, c’est le travail des scientifiques qui, à partir d’images thermiques, développent une nouvelle technologie pour aider à réduire les conflits homme-éléphant, dans les pays où les éléphants se promènent librement.
Tout ceci m’inspire une musique célébrant les instruments à vent, air joyeux que ma trompe aurait à cœur de siffloter en compagnie de mes cousines et cousins :
Voilà, chers enfants, les nouvelles de ma famille pachyderme en Inde et en Afrique. Comme quoi, la pandémie n’a pas que des côtés négatifs, mais il nous faut rester vigilants pour nos droits et notre bien-être soient respectés.
Je vous fais de gros bisous.
A demain,
Shila