Lettre de Shila : “Qui habitat”

Bonjour chers enfants,

Hier je vous racontais la belle histoire de Madame Duflo, native de votre pays, qui s’est mariée avec un humain de chez moi ; Mister Banerjee. De leur union est né un engagement pour le meilleur des enfants.

Ceci me fait ruminer : à quel endroit sur notre chère planète peut-on se sentir dans son petit chez-soi, assez fort pour offrir le meilleur de nous-même ? Moi, de mon pré, j’essaye chaque jour de faire du bien où que Mister Kuttan, mon cher cornac, me propose d’aller.

Et vous ?

Quel est l’endroit à partir duquel vous vous sentez dans les meilleures dispositions pour embellir le monde et vous y sentir bien ?

Emmanuel, l’ami de mon cher voisin Henri, m’a dit que cette question est très importante et que vous y aviez réfléchi :

Au Kerala, mon petit chez moi, les humains ont consacré beaucoup d’efforts pour magnifier le fait d’habiter en ce lieu.

Les maisons ont un charme, chacunes édifiées avec beaucoup d’attention, de bienveillance pour celles et ceux qui les habitent, les ont habité, les habiteront. J’aime bien les contempler :

Et dans ces maisons, me dit Henri, sont peints sur les murs de magnifiques ornements pour que tout le monde puisse se dire qu’il est bon d’être là.

Emmanuel me dit que dans votre pays, les humains eurent la même envie de signifier combien il est bon de vivre dans sa maison.

Je suis trop grande pour entrer dans vos maisons, mais je peux vous dire que c’est bien d’être en un lieu aimé. C’est comme vivre avec grand-mère éléphante, maman éléphante ; c’est une force.

À Equihen non loin de chez vous, me disent Henri et Emmanuel, des humains agressés par d’autres pendant une guerre terrible, ont eu l’idée de renverser leurs bateaux pour faire des nids, permettant à la vie de reprendre ses droits. Emmanuel me dit que dans votre région, le fait de savoir faire son nid malgré des aventures qui envoient si loin de tout est partagé avec mes copains animaux les pigeons. J’aime beaucoup le film qu’Emmanuel m’a envoyé pour vous ; on y voit un vieux Monsieur, très attaché à ses pigeons qui partent, qui partent, qui s’en vont.

Ce Monsieur les aime et les admire, d’autant plus qu’ils reviennent chez lui après des centaines de kilomètres d’escapade :

Chers enfants, aimer le lieu qui nous accueille pour mieux repartir d’un bon pied est très important. Cette force est précieuse car c’est une énergie de vie.

Emmanuel me dit qu’à Isé, au Japon, à près de 7000 kilomètres de chez moi, des humains ont réfléchi à cette question essentielle : ils ont décidé de détruire depuis des centaines d’années leur « lieu à soi », ce lieu qu’ils adorent, pour mieux le reconstruire régulièrement à l’identique. Des générations d’humains depuis des centaines d’années se mobilisent pour faire vivre les temples d’Isé : si fragiles, toujours détruits sur leur décision, mais si importants, toujours reconstruits par leur volonté. Et ça marche depuis 1300 ans !

1300 ans de lien indéfectible entre un une maison et ses visiteurs.

Henri et Emmanuel m’ont expliqué que la Maison où vous vivez est fondée par des personnes voici plus de cent ans.

Quelle belle aventure, prenez bien soin d’elle, et, si vous en êtes convaincus comme je le suis, dites de ma part aux enfants qui viendront après vous que c’est un lieu important.

Je vous embrasse très fort, et vous envoie ce chant pour mieux nous retrouver demain ; “Qui habitat” veut dire “Il habite” dans une langue très très ancienne :

Bisous,

A demain,

Shila