Lettre de Shila : “Tata, et ses liens avec la France et Hardelot”

Chers enfants,

Je sais que le second confinement va bientôt se terminer et que vous allez pouvoir vous rendre au château d’Hardelot, avec son théâtre élisabéthain.

Saviez-vous qu’au siècle dernier, la famille Tata venait régulièrement passer ses vacances à Hardelot.

Oui, je parle bien de Tata, dont vous connaissez déjà les jolis camions si joliment colorés, qui sillonnent les routes de l’Inde, en plaine comme en montagne !! Ces beaux camions qui me servent de taxi, quand je ne peux pas faire de stop !!

Cette famille Tata est à la naissance d’une entreprise de légende, très avant gardiste, a été à l’origine de l’industrie indienne dès la moitié du 19ème siècle, avec la création du groupe Tata en 1868 par Jamsetji Tata, considéré comme “le père de l’industrie indienne” :

Jamsetji Nusserwanji Tata (gujarâtî : જમ્શેત્જી નુંસ્સેર્વાનજી ટાટા), né le 3 mars 1839 à Navsari et mort le 19 mai 1904 à Bad Naueim, était un homme d’affaires indien, connu pour son travail de pionnier dans l’industrie indienne : il a fondé ce qui allait devenir le Tata Group, mais également des institutions comme l’Indian Institute of Science ou la ville de Jamshedpur.

Jamsetji Tata était aussi un soutien du Congrès national indien, présent à la première session en 1885, il pensait que l’indépendance de l’Inde n’aurait de pas de sens sans l’autosuffisance économique.

Chez Jamsetji Tata la conduite des affaires familiales participe d’une vision plus large qui restera celle de la famille par la suite : elle doit servir au développement de l’Inde tout entière. Nationaliste convaincu, l’homme d’affaires est l’un de ceux qui agissent pour combler le retard industriel de son pays. Déjà, la création de filatures dans les années 1880 se voulait une réponse au quasi-monopole des fabricants anglais sur le marché des produits manufacturés. « Achetez indien » : ce slogan fameux relayé par le Parti du Congrès devient celui de Tata. La création d’une flotte à vapeur puis l’émergence d’une industrie sidérurgique nationale obéissent à la même logique : chaque fois, il s’agit d’atténuer la dépendance de l’Inde envers la métropole. Convaincu que le savoir est la clef d’un développement durable, Jamsetji crée également un Institut de recherche pour les sciences, la santé et la technique destiné à former une élite indienne. A sa mort, il fera don de la moitié de sa fortune à un trust chargé d’investir dans plusieurs fondations scientifiques. L’industriel se distingue également par son humanité : resté simple, il porte une grande attention à ses ouvriers, qui bénéficient de conditions de travail équivalentes à celles des établissements les plus avancés d’Europe. Dans les années 1890, il est ainsi le premier en Inde à établir un fonds de retraite pour ses employés et à leur verser des indemnités en cas d’accident du travail. Chez lui, à Bombay, où il s’est fait bâtir une immense demeure, la vie obéit aux trois principes de base qui resteront jusqu’à nos jours ceux de la famille Tata : dignité, droiture, modestie.”

Jamsetji Tata était vraiment un visionnaire en fondant son entreprise sur des bases très solides sur lesquelles ses héritiers allaient poursuivre son œuvre en développant l’industrie de son pays, en aidant son pays à accéder à l’indépendance et en ayant un réel respect de ses employés.

À la mort de Jamsetji Tata, les deux tiers du capital de l’entreprise sont transmis à des œuvres philanthropiques et des fondations, dont le Tata Institute of Technology, à Bangalore, qui formera de nombreux Prix Nobel. Ce qui est bon pour Tata est bon pour l’Inde. Le destin de Tata va se confondre avec celui du pays.”

Voilà ce que disait le mahatma Gandhi sur Tata :

Gandhi a développé un respect pour les Tatas du vivant de Jamsetji Tata. « Quoi qu’il fasse, M. Tata n’a jamais cherché son intérêt personnel », écrivait-il en 1905 dans l’Indian Opinion (un journal qu’il a créé), marquant le premier anniversaire de la mort du fondateur. « Il ne s’est jamais soucié d’aucun titre du gouvernement, ni n’a jamais pris en considération les distinctions de caste ou de race… les Parsis, les musulmans, les hindous – tous lui étaient égaux. Pour lui, il suffisait qu’ils soient des Indiens… Bien qu’il possédait une richesse illimitée, il n’en dépensait rien pour ses propres plaisirs. Sa simplicité était remarquable. Que l’Inde produise de nombreux Tatas !

La famille Tata appartient à la minorité Parsi, environ 1/100 de la population indienne : les parsis ont fui la Perse au septième siècle après Jésus-Christ, fuyant l’invasion arabe, pour s’établir dans le Nord-Ouest de l’Inde :

Les parsis constituent aujourd’hui une communauté active et politiquement ouverte : ils ont participé à la lutte pour l’indépendance indienne, et se distinguent par leur esprit avisé et entreprenant, tant pour les domaines politiques – ce sont les parsis qui ont assuré en grande partie l’industrialisation de l’Inde – que dans ceux de l’éducation et de l’assistance. Leur communauté reste néanmoins fermée : on n’est Pârsî que par filiation et lien matrimonial.”

Comme je vous l’ai dit plus haut, la famille Tata avait une maison à Hardelot : le représentant de la famille Tata en France, Ratanji Dadabhoy Tata vit et travaille à Paris et passe ses vacances à Hardelot. Il a épousé Suzanne Brière, une française ; leur fils, Jehangir Ratanji Dadabhay Tata, aussi connu comme JRD Tata ou JRD était si heureux de profiter de la plage d’Hardelot, il y a plus de 100 ans !!

La famille Tata était voisine et amie de la famille Blériot dont vous connaissez l’histoire.

Louis Blériot (né le 1er juillet 1872 à Cambrai, mort le 2 août 1936 à Paris) est un aviateur français, pionnier de l’histoire de l’aviation. Il fut le premier à traverser la Manche en avion avec son « Blériot XI » le 25 juillet 1909.”

Autant vous dire que le petit JRD Tata était admiratif de l’ami de ses parents et qu’il en a profité pour faire son baptême de l’air très jeune à Hardelot. Il en a gardé une telle passion pour l’aviation qu’il est devenu le 1er aviateur indien et le père de l’aviation indienne !!

JRD Tata, né à Paris de père indien et de mère française est de nationalité française :

Son histoire est pourtant largement méconnue des français, alors qu’elle a été liée à la France :

Pionnier de l’aviation en Inde grâce à Blériot et la station balnéaire de Hardelot , JRD Tata , l’un des patrons les plus emblématiques de ce groupe, était né à Paris de mère française , Suzanne Brière, dite “Sooni”, ou “dorée”, il a servi dans l’armée française et le français était sa langue maternelle.”

« Jehangir Ratanji Dadabhai Tata, JRD, (1904 – 1993)

C’est le deuxième fils de Ratanji Dadabhov Tata et de Suzanne Brière. Il sera le premier indien à obtenir une licence de pilote et sera considéré comme le père de l’aviation indienne. Il se fait remarquer en refusant le système des pots de vin et crée la compagnie aérienne Tata Airlines en 1932 qui deviendra Air India en 1946.

De mère française, JRD est né en France où il passa de nombreuses années. Le français fut sa langue maternelle et même s’il vécut aussi en Angleterre et en Inde, il fut toute sa vie un francophile au point qu’il demanda à être enterré au Père-Lachaise. Il fit même son service militaire à Lyon dans un régiment de Spahis. Il renoncera par la suite à sa nationalité française. »

Ce qui est amusant est que la passion qu’il montra pour l’aviation a des origines bien françaises ! En effet ses parents avaient une maison à Hardelot, près de Boulogne-sur-mer et l’un de leurs voisins n’était autre que Louis Blériot. JRD, lorsqu’il avait 15 ans, était ami du fils du célèbre aviateur (le premier à avoir traversé la Manche en 1909) et les deux adolescents regardaient avec admiration Louis Blériot et son chef mécano Adolphe Pégoud décoller et atterrir sur la plage ! Et ce fut Louis Blériot qui donna son baptême de l’air à JRD ! N’est-il pas amusant de penser que Louis Blériot se trouve ainsi indirectement être à l’origine de la création d’Air India !

Si vous allez un jour à Hardelot, vous ne serez pas surpris de voir que l’une des deux grandes avenues de la ville s’appelle « Avenue des Indes ».

Vous vous rendez compte, chers enfants, que le père de l’aviation en Inde était notre voisin !!

Le 10 février 1929, il obtient la première licence de pilote attribuée en Inde. Il fonde en 1932 la première compagnie aérienne commerciale de l’Inde, Tata Airlines qui, en 1946, devient Air India, la compagnie aérienne nationale de l’Inde. Pour cette raison, JRD est surnommé le père de l’aviation civile indienne.”

 Il est aussi celui qui a dirigé le groupe Tata de 1938 à 1988, pendant un demi-siècle !! Refusant toute forme de corruption et développant le groupe, il a poursuivi l’œuvre familiale en en gardant les valeurs :

En 1938, à l’âge de 34 ans, JRD est nommé président de Tata & Sons, plus grand groupe industriel de l’Inde. Pendant des décennies, il dirige ce grand groupe de sociétés, avec d’importants intérêts dans l’acier, l’ingénierie, l’énergie, la chimie produits chimiques et l’accueil. Il est connu pour réussir en affaires tout en maintenant une haute éthique, refusant de corrompre des politiciens ou d’utiliser le marché noir.

Sous la présidence de JRD, les actifs du Groupe Tata passent de 620 millions à plus de 100 milliards de roupies (100 millions à 5 milliards de dollars US). Il a commencé avec 14 entreprises ; quand il a quitté le groupe un demi-siècle plus tard, le 26 juillet 1988, Tata & Sons est un conglomérat de 95 entreprises, soit créées par le groupe, soit avec un intérêt majoritaire.

La fondation Sir Dorabji Trust Tata est créée 1932, JRD en est son directeur pour plus d’un demi-siècle. Sous sa direction, cette fondation crée en 1941 le premier hôpital d’Asie spécialisé dans la recherche sur le cancer et son traitement, le Tata Memorial Center for Cancer à Bombay. Il a également fondé l’Institut Tata de sciences sociales (TISS, 1936), le Tata Institute of Fundamental Research (TIFR, 1945) et le Centre national des arts scéniques.

En 1948, JRD Tata lance Air India International, première compagnie aérienne internationale de l’Inde. En 1953, le gouvernement indien nomme JRD président d’Air India et administrateur au conseil d’administration d’Indian Airlines – une position qu’il conserve pendant 25 ans. Pour couronner ses réalisations dans l’aviation, JRD obtient le titre de l’Air Commodore honoraire de l’Inde.

En 1956, JRD lance un programme d’association d’employés plus étroite « avec la direction pour donner aux travailleurs une voix plus forte dans les affaires de la société ». Il croyait fermement dans le bien-être des employés et a épousé les principes d’une journée de huit heures de travail, l’aide médicale gratuite, régime des travailleurs de prévoyance et les régimes d’indemnisation des accidents du travail que, plus tard, l’Inde a adopté comme exigences réglementaires.

JRD est mort à Genève (Suisse), le 29 novembre 1993 à l’âge de 89 ans. À sa mort, le Parlement indien a été ajourné à sa mémoire, geste rarement accordé aux non-membres du Parlement. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise, à Paris. “

C’était vraiment un grand bonhomme ce JRD Tata, qui a fréquenté Hardelot pendant son enfance. Il a appliqué la politique de ses prédécesseurs.

En plus des écoles, des hôpitaux, des centres de formation et de recherche créés par la famille Tata, je voudrais rajouter le soutien financier, sous formes de bourses, accordé aux jeunes méritants.

Je pense à mon voisin, issu d’une famille pauvre et dalit, Mister KR Narayanan, dont je vous ai conté l’histoire, qui est devenu Président de la République Indienne.

Grâce à une bourse Tata, en 1944, KR Narayanan a pu faire ses études à Londres, dans une école prestigieuse, la London School of Economics.

Une communauté, ce n’est pas tant de soutenir ses membres les plus faibles et les plus impuissants, mais de soulever les meilleurs et les plus doués, afin de leur rendre le plus grand service au pays.

L’idée philanthropique de Jamsetji était très éloignée des notions conventionnelles et contemporaines de charité. C’est avec cette idée qu’il créa en 1892, le JN Tata Endowment, le premier bienfait Tata dans le domaine de l’éducation, et peut-être le premier du genre au monde.

Il y a plus de 125 ans, Jamsetji Nusserwanji Tata, le fondateur du groupe Tata, a investi dans la jeunesse indienne – et l’avenir d’une nation colonisée – lorsqu’il a créé la dotation JN Tata pour l’enseignement supérieur des Indiens. Première des initiatives philanthropiques de la famille Tata, la dotation a permis aux étudiants indiens, indépendamment de leur caste ou de leur croyance, de poursuivre des études supérieures à l’extérieur du pays. Dire que l’investissement a porté ses fruits serait un euphémisme :  depuis sa création en 1892, le JN Tata Endowment a soutenu génération après génération d’esprits prometteurs dans le pays…

Les premiers bénéficiaires de la dotation étaient deux femmes médecins – Freany K Cama et Krishnabai Kelavkar – que Jamsetji a personnellement choisies en raison du taux élevé de décès liés à l’accouchement, de la pénurie de femmes médecins et de la réticence des femmes indiennes à consulter des hommes médecins.

Depuis lors, les bénéficiaires de la bourse de prêt révolutionnaire comprennent l’ancien président indien KR Narayanan, les scientifiques Raja Ramanna et Jayant Narlikar, et Mehli Mehta, le célèbre violoniste (et le père de Zubin Mehta). C’est un investissement qui s’est avéré bon pour l’Inde et les Indiens.”

Depuis plus de 150 ans, l’entreprise Tata est devenue un groupe avec près de 100 filiales et concerne de nombreux domaines, allant de l’industrie à l’informatique en passant par de nombreux domaines.

Tata a racheté Jaguar et Range Rover, les fleurons britanniques !!

Chers enfants, je tenais à vous conter cette histoire de la famille Tata et des liens si intéressants avec la France et avec Hardelot, si près de chez vous.

Je vous fais de gros bisous,

A lundi,

Shila