Lettre de Shila : “Une forêt dans le ciel”

Bonjour chers enfants, comment allez-vous ? Avez-vous fait de beaux rêves ?

Cette nuit, assoupie, j’ai eu une vision : une forêt majestueuse, à plus de soixante mètres du sol, flottant dans les airs. Je marchais à pas comptés dans ce décor surnaturel, de peur de plisser les troncs très rapprochés les uns des autres et bien consciente de mon gabarit.

J’avançais donc très lentement, plus qu’à l’accoutumée, et ces déplacements au ralenti me permettaient de contempler les extraordinaires nervures des branches, leur ramification, leur entrelacement. C’était comme un dédale : chaque plan de bois était à sa juste place, pour soutenir une sorte de toiture.

Hummm, une forêt dans l’air, qui soutient un toit ?

Quelle rêverie, je ne sais pas bien son sens. Moi l’éléphante cartésienne me dit que le pays des rêves est un monde à part, dont il faut un peu se défier une fois réveillé.

Une fois dit cela, chers enfants, vous connaissez ma passion pour ce qui vogue dans le ciel :

Peut-être ruminais-je à mon insu et une nouvelle fois cet espoir d’être hors du temps, hors de l’espace, moi qui pèse trois tonnes et qui adore calculer en permanence ce que je fais :

Nous autres, les éléphants, sommes considérés par vous autres, les humains, très intelligents, sensibles :

Peut-être ma rêverie forestière est-elle inspirée d’un événement en ce moment, dans le monde réel ?

Mon cher voisin Henri, qui prenait le café sous son patio en lisant les nouvelles du jour (Henri est un grand lecteur, il lit plein de journaux, de sites internet du monde entier en fumant sa bidî), me dit qu’hier, avec mon cher Kuttan, tous deux discutaient de la belle nouvelle qui réjouit vous autres, habitant la France : une immense église appelée « Notre-Dame de Paris » serait sauvée, et les travaux de restauration pour lui redonner la jeunesse qu’elle mérite peuvent par conséquent commencer.

Hummm, moi l’éléphante aux grandes oreilles ai sans doute entendu vaguement cette conversation et mon subconscient s’en est inspiré cette nuit pour forger mon drôle de rêve.

Mais pourquoi ai-je donc rêvé d’une forêt dans le ciel ?

Henri m’a donné la clé de mon songe : tout en haut de cette magnifique église avait brûlé lors d’un terrible incendie voici pas si longtemps une charpente extraordinaire, soutenant la toiture, appelée « La forêt » :

Tout a brûlé dans cet incendie, quelle catastrophe !

Du bois si magnifiquement travaillé voici des centaines, des centaines d’années, parti en cendre. Mais, me dit Henri, rien n’est joué d’avance : les humains d’aujourd’hui rebâtissent cette forêt dans le ciel, en prélevant des arbres qui sont dans le sol ; des chênes majestueux.

Ah, mes chers enfants, tout s’explique, tout me rassure, tout me réjouit.

Merci Kuttan, merci Henri : je comprends un peu mieux mes divagations nocturnes. Et puis, chers enfants, ce rêve m’a permis de découvrir une beauté végétale incroyable, une aventure humaine hors norme.

Vive l’architecture, vie la poésie, vivent les arbres :

Je vous embrasse très fort,

A demain.

Shila