Lettre de Shila : “Une question de chiffres”

Chers enfants,

Dans une précédente lettre, je vous parlais de mon intérêt pour les chiffres et les mathématiques et je faisais bondir mon voisin Henri et son ami, qui est aussi mon ami, Emmanuel.

J’ai su qu’ils ont toujours eu un peu de mal avec les mathématiques. Ne vous découragez surtout pas, chers enfants, car les chiffres ont une grande utilité. Je vous disais alors la chose suivante, excusez-moi de me répéter :

Ah, mes chers enfants, moi l’éléphante philosophe me dis que les mathématiques nous aident à saisir ce qui est vrai, ce qui est faux.

Une fois dit cela, je suppose qu’il est bel et bon de regarder tous ces calculs annonçant le cours de nos vies avec certes bienveillance, mais sans oublier curiosité, étonnement.

Les additions, les soustractions, les divisions, la volonté de maîtriser tout ce qu’il pourrait se passer, sont comme des continents mystérieux à découvrir ou redécouvrir chaque jour, y compris en reconnaissant qu’aussi importantes soient les mathématiques, elles peuvent nous tromper si l’on n’y prend pas garde.”

Dans ma lettre, je vous parlais de Monsieur Quetelet dont les recherches mathématiques ont été fructueuses pour des millions d’êtres vivants. En Inde, Monsieur Mahalanobis, grand mathématicien a poursuivi dans le même sens.

J’en profite pour vous rappeler que c’est Monsieur Brahmagupta, mathématicien et astronome indien qui a découvert le « zéro » :

Le zéro a été inventé en 628 en Inde. Le mathématicien et astronome Brahmagupta dessine le vide, le néant, le rien. Il invente un signe pour l’absence et ouvre le chemin de la représentation de ce qui n’était pas représentable jusque-là.”

Comme je vous le disais, les mathématiques ont une grande importance pour distinguer le vrai du faux.

Aujourd’hui, dans la situation dramatique de la pandémie, vécue dans le monde entier et particulièrement dans mon pays, les chiffres ont une grande importance. Ils permettent de suivre l’évolution de la pandémie.

Dans mon pays adoré, qui souffre gravement aujourd’hui, il existe une bataille autour des chiffres tant au niveau des contaminations que des morts. Mon cher voisin Henri m’a envoyé pour vous un article qui montre qu’on abordait ce problème déjà en juin 2020 :

Les scientifiques ont besoin des chiffres les plus exacts possibles pour travailler, ainsi trois cents scientifiques indiens ont demandé, dans un courrier, au premier ministre de l’Inde de leur fournir les données épidémiologiques clés :

L’administration de M. Modi a souvent été critiquée par des économistes, des scientifiques et d’autres chercheurs pour ses données opaques ou retardées.

Cela comprend les statistiques sur la criminalité attendues en 2017 mais publiées à la fin de 2019 ; un rapport divulgué montrant une flambée du chômage qui a été démentie par le gouvernement avant les élections de 2019 mais confirmée après le vote ; et plus récemment, les législateurs ont nié avoir des données sur le nombre de migrants pauvres tués alors qu’ils rentraient chez eux lorsque M. Modi a verrouillé le pays à court préavis l’année dernière.

La demande d’une diffusion plus large des données liées aux coronavirus gagne en urgence car l’Inde est saisie par une deuxième vague féroce qui risque de créer de nouvelles souches mutantes si elle est autorisée à se propager sans contrôle.

Les scientifiques ont également demandé à M. Modi de “financer et d’élargir de manière adéquate le réseau d’organisations” pour collecter des données de surveillance à grande échelle.

« Sans une telle collecte de données et une publication en temps opportun, nous ne serons pas en mesure de gérer efficacement Covid-19 », ont-ils déclaré.”

Pour moi, éléphante philosophe persuadée que les mathématiques nous aident à mieux saisir la réalité, je lève ma trompe, comme vous, vous croisez les doigts, pour que la santé et la survie des gens l’emportent sur les autres calculs.

Mon cher voisin Henri me dit qu’un mathématicien indien, interrogé par le journal britannique « The Guardian », s’explique sur les chiffres :

Murad Banaji, un mathématicien qui a modélisé la pandémie de Covid-19 en Inde, a déclaré que « de multiples flux de preuves montrent que le sous-dénombrement des décès de Covid est un gros problème en Inde ». Il a ajouté : « Avant de commencer à nous féliciter du faible taux de mortalité de l’Inde, la première chose à préciser est que nous n’avons pas une bonne idée du nombre de personnes qui meurent de Covid dans le pays. »

Selon les estimations de Banaji, le nombre de morts en Inde devrait être au moins trois fois plus élevé que les chiffres officiels….

« Si nous ne disposons pas des données nécessaires pour comprendre pleinement ce qui se passe actuellement avec cette pandémie », a déclaré Banaji, « comment l’Inde peut-elle se préparer pour l’avenir ? »”

Voilà, chers enfants, où j’en suis de ma réflexion sur les chiffres qui ne cessent d’abonder en cette drôle de période que nous vivons.

Je dois dire aussi que le gouvernement de gauche, dirigé par les communistes, dans mon état du Kerala viennent de remporter à nouveau les élections. Tous les cinq ans, nous avions l’alternance, c’est donc une première chez nous, c’est à souligner. Les résultats sont tombés le 2 mai, près d’un mois après les élections qui ont eu lieu début avril.

J’ai cru comprendre que la priorité du gouvernement n’est pas de fêter, mais bien de consacrer toute l’énergie à la lutte contre le virus qui ne se limite pas aux grandes villes de l’Inde, mais qui atteint même mon village de Kurichithanam.

J’espère pouvoir bientôt vous donner des nouvelles moins tristes.

Chers enfants, intéressez-vous aux mathématiques et prenez bien soin de vous.

Je vous fais de gros bisous.

A demain,

Shila