Note de rentrée saison culturelle 2022-2023

Le thème de la saison culturelle de cette année 2022-2023 est : « Énergie(s) ».

(Photographie prise lors de l’anniversaire d’un enfant de nos Maisons, 2017 © MECOP).

Chaque année, nous aimons fêter les anniversaires des enfants accueillis par notre association. Moment important, il signifie à l’enfant son grandissement, et à la communauté la reconnaissance d’une nouvelle étape de sa vie. Enfants, adultes : nous honorons ce cheminement.

Quelles sont les voies du grandissement ? Bien des conversations quotidiennes entre enfants, entre enfants et adultes, entre adultes, tournent autour de cette question. Nous y pensons tous les jours, en réunion de concertation avec l’enfant et ses parents ou tuteurs légaux, lors de nos échanges avec les professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance, dans le cabinet du juge, avec nos partenaires de l’Education nationale, de la santé et du soin, nos professeurs d’atelier, nos intervenants en résidence artistique et scientifique, nos soutiens, nos mécènes.

Le thème de notre nouvelle saison culturelle, cette année encore et de nouveau après dix années d’existence de notre programme pluriannuel et pluridisciplinaire « L’aventure de la vie »[1], souhaite enquêter sur les ressources de la vie : pourquoi et à quelles conditions peut-on estimer que l’on s’est grandi ?

Parmi les éléments de réponse, une étude internationale parue en 2021[2] nous aide à comprendre l’économie de la croissance corporelle (nous traduisons) :

« Les nourrissons âgés de 9 à 15 mois dépensent 50 % plus d’énergie sur une journée que les adultes, proportionnellement à la taille du corps. Ils brûlent de l’énergie tellement rapidement qu’on pourrait presque les considérer comme une espèce différente. Ceci s’explique par le développement du cerveau, qui est l’organe le plus particulièrement consommateur d’énergie. Après cette poussée initiale, le métabolisme ralentit d’environ 3 % chaque année jusqu’à la vingtaine, où il se stabilise durant tout l’âge adulte. Ainsi, bien que l’adolescence se caractérise par une phase de croissance élevée, nous n’avons pas constaté d’augmentation particulière du métabolisme à cette période. À la fin de sa vie (vers les 90 ans), une personne âgée aura ainsi besoin de 26 % de calories en moins chaque jour qu’une personne de 40 ans ».

Les premiers moments dynamisants de l’existence sont ainsi essentiels pour l’accomplissement, mais le rythme qui fait y parvenir varie ensuite selon les âges, jusqu’à satiété. Ceci n’est pas l’exclusivité du genre humain, les chercheurs observent le même phénomène quelle que soit la matière, où qu’elle soit dans l’espace et dans le temps[3] :

(Carte de l’univers selon les télescopes de la NASA, 2021 © NASA).

La croissance, l’expansion est inconstante, versatile, difficilement prédictible : unetelle, untel que l’on croyait en retard de développement, finit par nous étonner, nous dépasser, tant elle, il, exprime sa capacité à un moment que l’on n’attendait pas, que l’on ne concevait pas. Unetelle, untel que l’on croyait en avance, régresse, s’étiole pour finir rabougri.

Nous comprenons mieux dès lors l’importance et la difficulté de cette maxime : « Deviens ce que tu es », formulée par le philosophe Friedrich Nietzsche à la fin de sa vie d’écrivain avant de tomber dans la démence jusqu’à la fin de ses jours [4]. Cet encouragement à persister vaut, de notre point de vue, inspiration constante des métiers de la protection de l’enfance et acception possible du thème de notre nouvelle saison.

« Deviens ce que tu es », c’est une manière d’inviter à ne pas poser trop tôt la question : « Qui suis-je ? », névrose ruminée par tous êtres pensants tout au long de leur vie, de la naissance jusqu’à la mort :

Cette énergie dépensée à tenter de se comprendre pour mieux se réaliser n’aurait en effet de sens et d’efficacité qu’à la condition, nous dit le philosophe, d’intégrer dans notre considération d’autres énergies qui nous échappent, nécessairement initiées par le hasard des rencontres, par l’imprévisible du cours de la vie[5].

Par le travail quotidien de nos équipes avec l’enfant, la question « Qui suis-je ? » est précisément reformulée par une autre, plus robuste pour une existence bonne et qui donne sa pleine mesure : « Que puis-je faire avec ce qu’il m’est arrivé, de ce qu’il m’arrive, de ce qu’il pourrait m’arriver ? ».

Conscient de ces dynamiques universelles, notre programme artistique et culturel sera cette année encore en quête des conditions pratiques pour réfléchir et proposer des interprétations de ce qui meut, épanouit, rassemble pour le meilleur de toutes et tous. Un jardin de près d’un hectare, une aire de jeux conçus et réalisés par les enfants, seront ainsi inaugurés au terme de cette saison, en juillet 2023. Bien des spectacles, des expositions, des événements sportifs, des propositions entre-temps suggérées par les enfants au fil de leurs échanges avec leurs équipes éducatives, leurs professeurs d’ateliers, les artistes et scientifiques invités en résidence étayeront ces énergies créatrices.

(Dessin réalisé par l’artiste Marc Ngui, d’après l’ouvrage « Capitalisme et schizophrénie : Mille plateaux » de Gille Deleuze et Félix Guattari, plus d’informations ici)

[1] https://www.lesmaisonsdesenfantsdelacotedopale.com/nos-saisons-culturelles/

[2] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03364046/document

[3] https://fr.vikidia.org/wiki/Expansion_de_l%27Univers

[4] Ecce Homo. Comment on devient ce que l’on est, Paris, Mercure de France, 1908.

[5] ASTOR D. (2016), Deviens ce que tu es. Pour une vie philosophique, Paris, Autrement, coll. « Les grands mots ».